Du Bouleau Par-dessus La Tete !

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Ce week-end, la somptueuse villa des Duperray devait être vide… Devait…
Thomas Duperray, metteur en scène à l’esprit sarcastique, a profité de l’absence de son épouse, Louise, censée être à un récital, pour convier chez lui Lilly, une jeune actrice très nature, qui rêve de décrocher un rôle.
De son côté, Louise, qui pense que son mari est à un festival, emmène chez elle Simon, plutôt du genre dandy, pour passer du bon temps avec lui…
La situation, aussi cocasse qu’elle soit, va se complexifier au possible et devenir vite incontrôlable, avec l’arrivée de Madeleine, la bonne de service, curieuse et bavarde, suivie par Thomas, un jardinier bon vivant aux jeux de mots souvent lourds, et de Benjamin, brute épaisse et accessoirement… petit ami de Lilly !
Tous les ingrédients sont réunis pour une comédie pétillante, dans la plus pure tradition des vaudevilles !

ACTE 1

SCENE 1

MADELEINE

La scène est vide. Bruits de clés. Arrivée de Madeleine par la porte d’entrée. Elle enlève sa veste et la range dans la penderie. Elle sort un balai du placard, qu’elle finit par enlacer langoureusement.

MADELEINE (chantonnant) – « Emmène-moi danser ce soir, joue contre joue et serrés dans l’armoire… »

Le téléphone sonne. Madeleine va décrocher en traînant les pieds.

MADELEINE – Et voilà ! Au moment où j’allais conclure !... (Elle décroche.) Oui… Ah ! C’est vous… Bonjour… C’est Madeleine… Non, personne à part moi… Oui, c’est mieux que rien… Ils vous l’ont pas dit ?... Les petits cachotiers ! Ils sont en sortie jusqu’à demain… Non, pas ensemble… Dites-donc, ça vous regarde ?... Oui, quand même un peu, vous avez raison… Alors, votre fille est à un récital et votre genre à un festival… Ca me rappelle une leçon de primaire, ça… Pas vous ? Ouais, ça doit remonter à loin en ce qui vous concerne… Entre nous, ils ont raison d’en profiter… Ils ont les moyens et ils sont encore jeunes… Pas comme nous… Enfin, moi, c’est les moyens qui me manquent et vous, c’est la jeunesse… On ne peut pas tout avoir, hein ?... Allez, je vous laisse : j’ai le boulot qui m’attend, moi… J’aimerais autant que ce soit un beau mec mais bon, on se contente de ce qu’on a… Vous êtes bien placée pour le savoir !... A la prochaine… (Elle enlace à nouveau son balai et se met à nouveau à chantonner.) « Et si ce soir, on dansait le dernier slow, un peu de tendresse au milieu du bistrot »

Madeleine gagne la cuisine. A peine a-t-elle disparu qu’on entend des pas dans l’escalier.

 

SCENE 2

THOMAS puis FRANCOIS

Arrivée de Thomas, très élégant, en bras de chemise. Il se regarde dans le miroir et sifflote, l’air visiblement réjoui.

On sonne. Thomas consulte sa montre, réajuste son col de chemise, se donne un coup de peigne et va ouvrir.

Un homme est sur le perron. Il porte une salopette verte.

FRANCOIS (enjoué) – Bonjour monsieur

THOMAS (sec) – Oui, bonjour

FRANCOIS – Oh là ! Si je suis bon, c’est pas moi que vous attendiez

THOMAS – Pas vraiment non

FRANCOIS – Désolé

THOMAS – Si c’est pour me vendre quelque chose, vous pouvez repasser !

FRANCOIS (rigolant) – Ca, c’est ce que je dis quand je pose ma salopette au pressing

THOMAS – Vous n’êtes pas le livreur de sushis je suppose ?

FRANCOIS – Ah non ! (Rigolant à nouveau.) Avec moi, pas de sushis !

THOMAS (agacé) – Je ne sais pas ce que vous voulez mais…

FRANCOIS – Moi, je le sais

THOMAS (cherchant à refermer la porte) – Je n’ai pas le temps !

FRANCOIS (parvenant à entrer malgré tout) – Moi, j’en ai

THOMAS – Tant mieux pour vous

FRANCOIS – Vous êtes monsieur Duperray ?

THOMAS – Oui

FRANCOIS – Thomas Duperray ?

THOMAS – Oui, aussi

FRANCOIS – Je l’aurais parié… (Lui serrant vigoureusement la main.) Je suis vraiment content de vous rencontrer

THOMAS – La réciprocité n’est pas forcément vraie

FRANCOIS – Je me présente

THOMAS – Si ça peut vous faire plaisir

FRANCOIS – François Claude… François, c’est mon prénom… Je dis ça parce que ça pourrait être l’inverse… Et ça ferait… Claude François ! Vous savez, le chanteur… (Chantonnant.) « Le lundi au soleil, c’est une chose qu’on n’aura jamais… »

THOMAS (le coupant) – Oui oui

FRANCOIS – Donc, mon prénom, c’est François ; c’est pas Claude

THOMAS – Si vous en veniez au fait ?

FRANCOIS (enthousiaste) – Les fêtes, j’adore !  Je vous avoue que j’ai une préférence pour Noël… Pâques, j’aime pas trop

THOMAS (sarcastique) – A cause des cloches, non ?

FRANCOIS (qui n’a pas relevé l’ironie de Thomas) – Non, je ne sais pas trop pourquoi…  Bon, vous causez là, et je ne vous ai même pas dit ce qui m’amène ici… Alors voilà … Je travaille à la ville

THOMAS (moqueur) – Je ne savais pas que c’était compatible

FRANCOIS – Aux espaces verts… Je ne vous parle pas des bars, hein ? Verts, comme la couleur

THOMAS – J’avais compris

FRANCOIS (épelant) – V e r s quoi

THOMAS – Amis poètes, bonjour

FRANCOIS – Alors figurez-vous qu’hier, EDF a contacté la mairie

THOMAS – Qu’est-ce que vous voulez que ça me fasse ?

FRANCOIS – Comme ça, rien, mais c’est la suite qui va vous intéresser. En travaillant sur les lignes qui passent le long de votre propriété, très belle par ailleurs, enfin à ce que j’en ai vu, les électriciens ont remarqué que des branches d’un de vos bouleaux risquaient de tomber et de les écraser… Je vous parle des lignes, hein, pas des électriciens

THOMAS (toujours agacé) – Ce n’est pas pour tout de suite

FRANCOIS – Tout de suite, non, mais avec l’avis de tempête qu’ils annoncent pour cette nuit, il faudrait les couper de toute urgence sinon…

THOMAS – Ca ne peut pas attendre ?

FRANCOIS – Je crains que non. Dans votre secteur, on attend des rafales à 100 kilomètres heure. Comme dirait mon collègue Paulo, si tu veux pas être trempé, t’as pas intérêt à pisser dehors à ce moment-là… C’est pas recherché, je le reconnais… Mais c’est du Paulo

THOMAS (ironique) – Vous devez bien vous entendre ?

FRANCOIS – Ah ça oui pourquoi ?

THOMAS – Pour rien, pour rien

FRANCOIS – Pour revenir à votre bouleau, s’il n’y a que quelques branches à couper, je veux bien m’en occuper. Ca vous évitera de faire appel à une entreprise, que vous aurez d’ailleurs bien du mal à trouver le week-end. Mais c’est bien parce que c’est vous

THOMAS – Je dois vous remercier ?

FRANCOIS – Moi, le sens du service public, je l’ai dans la peau… Qu’est-ce que vous voulez, on ne se refait pas

THOMAS (regardant François avec condescendance) – Pour certains, il y aurait trop de boulot

FRANCOIS – Ca, c’est le bon mot ! Et puis, je vais vous faire une confidence

THOMAS – Gardez-la pour votre femme

FRANCOIS – J’en ai pas

THOMAS – Tiens donc !

FRANCOIS – Alors voilà : quand j’ai su pour vos branches, je me suis aussitôt porté volontaire… Depuis le temps que je voulais voir cette propriété… Je passe souvent devant mais je n’ai jamais osé m’arrêter… Là, j’ai une bonne raison, pas vrai ?

THOMAS – Si vous le dites

FRANCOIS – Eh ben vous voulez mon avis ?

THOMAS – Non

FRANCOIS – Je vous le donne quand même : c’est vraiment chouette ! On sent l’esthète ! (D’un air satisfait.) Alors ce mot-là, depuis le temps que je voulais le caser ! C’est fait !

THOMAS – Et le mot importun, vous l’avez déjà placé ?

FRANCOIS – Pas encore, mais j’essaierai…  Entre nous, y’a autre chose qui m’a motivé pour venir ici… Avec un peu de chance, je me suis dis que j’allais vous rencontrer… Bingo ! Dans le mille, Emile ! Un metteur en scène comme vous, c’est pas tous les jours qu’on peut en croiser… Et je vais vous avouer quelque chose

THOMAS – Ne vous sentez pas obligé

FRANCOIS – Si si ! Voilà : j’adore le théâtre !

THOMAS – Si je vous disais que ça me fait une belle jambe

FRANCOIS – Je vous répondrais que c’est ce que répète ma belle-sœur Simone quand elle met ses bas de contention

THOMAS – Quelle finesse !

FRANCOIS – Faut dire qu’elle a des problèmes de circulation… Avouez que c’est le comble avec un mari gendarme !

THOMAS (bas, à lui-même) – Là, on touche le fond

FRANCOIS – En toute modestie, je joue dans la troupe de Chignon sur Pousauges

THOMAS – Désolé, je ne connais pas

FRANCOIS – C’est pas grave. Pour nos prochaines représentations, je mettrai une invitation dans votre boîte aux lettres

THOMAS – Ne vous donnez pas cette peine

FRANCOIS – J’y tiens ! Ca nous fera rudement plaisir d’avoir votre avis. Oh ! On n’est pas des pros, mais vous verrez : on se défend pas mal, surtout moi

THOMAS – Sûrement

FRANCOIS – Notre dernière pièce, c’était « Arrête ta charrue Charles » ; ça ne vous dit rien ?

THOMAS – Non

FRANCOIS – Eh bien je dois reconnaître, si vous me pardonnez l’expression, qu’on s’est fendu la gueule… A coup de hache comme dirait le bûcheron

THOMAS – Tout un programme !

FRANCOIS – Je jouais le rôle d’un commis de ferme

THOMAS – Un vrai rôle de composition

FRANCOIS – Oui, j’ai bien aimé. L’année dernière, on avait joué « Y’en a marre Marcel ! ». Ca ne vous dit rien non plus ?... Bon, c’était pas la meilleure d’après moi…On peut pas toujours être au top, hein ?

THOMAS (bas, à lui-même) – On atteint vraiment des sommets

FRANCOIS – Mais je suis sûr que je pourrais changer de registre… Je me verrais bien dans des tragédies. (Déclamant.) « C’est un pic, c’est un cap, que dis-je… »

THOMAS (le coupant) – Oui oui, je connais la suite

FRANCOIS – Pas mal, hein ? Et celle-là : « Pour qui sont ces serpents qui sifflent sur nos têtes ? » (théâtral à l’excès)

THOMAS – Le Schpountz, vous connaissez ?

FRANCOIS – Le… ? Non… Je connais le punch et le Schpritz, mais pas le Schpountz

THOMAS – Tous les trois ont vite fait de vous souler

FRANCOIS – Ah ?... Et vous, sans indiscrétion, c’est quoi vos projets théâtraux ?

THOMAS – Bajazet de Racine et la lecture d’extraits de La Bruyère

FRANCOIS (admiratif) – Oh là ! N’en jetez plus !

THOMAS – Votre curiosité est satisfaite ?

FRANCOIS – Racine, bruyère : c’est parlant pour un jardinier

THOMAS – Je n’ai pas fait exprès

FRANCOIS – Dites : je ne vous barbe pas trop avec tout ce que je raconte ?

THOMAS (direct) – Si

FRANCOIS – Je m’en doutais. On dit parfois de moi que je suis un mec sciant… (Rigolant.) Rapport à l’élagage, hein ?

THOMAS – Vous en avez encore beaucoup comme ça ?

FRANCOIS – Ca, je peux vous en débiter toute une scierie

THOMAS – Sans façon

FRANCOIS – Avouez qu’on n’a pas souvent l’occasion de fréquenter l’humour d’aussi près… Cyprès, comme l’arbre… Pas mal non plus, hein ?

THOMAS (le poussant en direction du parc) – Le parc, c’est par là

FRANCOIS – Je pourrais y rentrer ma camionnette ? J’ai tous mes outils dedans

Thomas va chercher une clé dans un...

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