Merci du cadeau

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Pourquoi René, après trente ans d’absence et de silence, revient-il soudain du Canada, immensément riche, pour se faire descendre dans l’auberge de sa soeur Pauline, en pleine partie de belote et sous les yeux de ses trois copains, Claude, Gilbert et Maurice… Pourtant habitués à raconter des blagues aux touristes et craignant de tomber dans le plus morne ennui après la fin de la saison estivale, les quatre amis n’en reviennent pas. D’autant que René, avant de s’écrouler sur leur table, leur a fait part de ses craintes d’être abattu et qu’il leur a fait promettre de veiller sur Anaïs, la nièce un tantinet naïve que sa soeur Pauline essaie désespérément de dégourdir, sans succès d’ailleurs, et dont il voulait faire son héritière.
Avoir un macchabée sur les bras et devoir, en prime, servir d’éducateurs et de gardes du corps à Anaïs…” Merci du cadeau ! ”

L’action se déroule de nos jours, au mois de septembre, après la saison estivale, quelque part sur la côte bretonne ou vendéenne. Un petit bar tabac faisant pension de famille.

NB: Un même acteur peut tenir 2 rôles: ceux de René et de Francis (soit 5h-5f)
On peut aussi changer le rôle du gendarme en gendarmette et occuper ainsi une actrice (soit 5h-6f)

ACTE I

Un petit café bar pension de famille. A l’ouverture du rideau, Gilbert, Claude et Maurice sont assis à une table, près du bar et jouent à la belote en compagnie de Pauline, la patronne du bistrot. Visiblement, Pauline ne suit pas le jeu et se fait rappeler à l'ordre par ses copains.

GILBERT - Eh ben joue Pauline, c'est à toi !

PAULINE (absorbée dans ses pensées) - Hein ? Ah, c'est à moi !

MAURICE (comme une évidence) - Forcément que c'est à toi, puisque tu viens de faire le pli avec ton as de trèfle. (S'énervant.) Mais sois au jeu, bon sang !

PAULINE – Alors là, c'est carrément la poêle qui se moque du chaudron ! Je te rappelle, Maurice, qu'il y a quinze jours, c'est toi qui rêvassais devant ton jeu de cartes...

Elle va poser une carte et la partie va continuer, ponctuée d'arrêts, pendant la discussion.

GILBERT (confirmant) – Elle a raison. Tu rêvassais tellement qu'à cause de toi, on aurait presque pu figurer dans le livre des records.

CLAUDE – Ouais ! La partie de carte la plus longue du monde. Une matinée entière pour se taper un mille à la belote... Faut quand même le faire, c'est pas courant !

PAULINE – Quatre heures de réflexions, d'hésitations, de profondes méditations...

CLAUDE (lyrique et moqueur) – Joue-je ou joue-je pas ?... Dois-je poser une carte ?... Mettre ou ne pas mettre... ah ah, voilà la question !

GILBERT - Du jamais vu ! Même les vieux tremblotants du club du troisième âge, ils te ramassent ça plus vite que toi !

PAULINE – Tout ça parce que ta Gisèle te menait une vie de chien !

GILBERT – Et que monsieur Maurice, perturbé, broyait des idée noires.

MAURICE (se rebiffant) – Peut être, mais n'empêche que maintenant, elle file doux. J'ai bien repris la situation en main.

GILBERT (riant, aux autres) – Vous l'entendez ? Il a repris la situation en main ! (A Maurice, ironiquement.) Ça va, tu ne te sens pas trop gêné ?

CLAUDE – T'as pas l'impression qu'on y est un peu pour quelque chose dans l'apprivoisement de ta femme ?

MAURICE (un peu gêné) – Ben... c'est à dire que...

GILBERT (le coupant) – C'est à dire que si on ne t'avait pas fait passer pour un héros à ses yeux en lui racontant des exploits que tu étais bien incapable d'accomplir d'ailleurs, tu serais sans doute encore à faire la vaisselle ou le ménage chez toi, en ce moment !

PAULINE – Alors que maintenant, elle t'admire, elle te respecte, elle te vénère comme un dieu.

MAURICE (protestant mollement) – Vous exagérez les copains, y a pas que ça quand même...Elle trouve que j'ai une nature de héros, d'artiste, de mâle viril et conquérant...

CLAUDE – Fais gaffe à tes chevilles Superman, tu vas faire péter tes lacets de godasses !

GILBERT – Taratata ! Si on ne lui avait pas fait croire qu'au péril de ta vie, tu avais participé à l'arrestation d'un dangereux trafiquant de drogues...

CLAUDE – Et que tu avais reçu les plus hautes félicitations de la brigade des stupéfiants...

PAULINE – Eh ben tu ne serais pas ici, tranquillement, à taper le carton avec tes potes.

CLAUDE – Parce que ta Gisèle, elle aurait débarqué comme une furie dans l'auberge depuis déjà un bon moment pour t'emmener manu militari à la maison ! Je l'entends encore arriver dans l'auberge comme si c'était hier (Imitant la voix forte de Gisèle en détachant bien les mots.) : « Où il est ce fainéant de Maurice ? »

GILBERT (gentiment moqueur) – Et il était où le fainéant de Maurice, hein ?

CLAUDE (même jeu que Gilbert) – Planqué derrière le bar, par dessus lequel il avait sauté à toute vitesse pour échapper à son dragon de bonne femme...

PAULINE (en rajoutant une louche) – Vautré parmi mes casiers à bouteilles. (Ils éclatent de rire.)

MAURICE (protestant mollement) – Vous n'êtes pas très sympa de me rappeler ce dur moment de mon existence...

GILBERT – N'empêche que c'est une blague qui t'a drôlement rendu service. Tu es quand même redevenu maître chez toi.

CLAUDE (nostalgique) – Qu'est ce qu'on a pu se marrer cet été avec les touristes...

PAULINE (acquiesçant) – Les conneries que vous avez pu leur raconter.. Vous avez fait fort les gars ! Je me demande comment je peux encore avoir des clients après ça !

GILBERT (lui tapant sur le bras) – Oh, tu te souviens du parisien, le féru d'écologie, qu'avait tout vu, qu'avait tout fait...

MAURICE (le coupant) – On lui a fait croire que le taureau du père Basile, c'était la meilleure laitière de l'ouest...

CLAUDE (moqueur) – C'est tout juste s'il ne voulait pas assister à la traite cet innocent!

PAULINE (gentiment, presque avec regret) – Et cette pauvre demoiselle Crampon à qui vous avez conseillé la nouvelle plage des Mines pour y faire sa bronzette tranquille...

GILBERT (continuant l'histoire) – Et qui s'est pointée là-bas sans se douter qu'elle arrivait sur une plage pour nudistes...

MAURICE (revivant la scène) – Comme elle n'a pas osé rebrousser chemin, elle a été contrainte de se mettre à poil, comme tout le monde...

CLAUDE (précisant) – En ne conservant à la main que son journal...

PAULINE (même jeu que Claude) – Qu'elle n'a pas pu lire de tout l'après-midi d'ailleurs, vu qu'elle s'en servait pour cacher l'essentiel de son anatomie...

GILBERT (mimant) – Et sur ce journal qu'elle tenait pudiquement devant elle, tous les nudistes ont pu lire, à la une et en gros caractères : « Découverte d'une grotte préhistorique aux richesses insoupçonnables ! »

Ils rient tous de bon cœur.

MAURICE (nostalgique) – C'était le bon temps quand même !

CLAUDE (gentiment moqueur) – Tu te faisais engueuler à tour de bras par ta femme, mais qu'est ce qu'on se marrait !

PAULINE (amusée) – Maintenant que la Gisèle est calmée et que les touristes sont partis, qu'allez-vous faire en attendant la prochaine saison ?

GILBERT (dépité) – J'en sais rien. Tais-toi, tu me fous le bourdon ! Je sens que je déprime déjà...

MAURICE (espiègle) – A tout hasard, il ne reste pas un touriste égaré dans ta pension de famille... qu'on s'occupe un peu de lui ?

CLAUDE (espiègle lui aussi) – Juste histoire de ne pas perdre la main.

PAULINE (regardant vers l'escalier) – Ben...

MAURICE-GILBERT et CLAUDE (posant leurs cartes, se levant ensemble et entourant Pauline, radieux) – Il t'en reste un ?

PAULINE (n'osant pas trop parler) – Ben... c'est à dire que...

Ils quittent la table, heureux, en se frottant les mains.

MAURICE (faussement sévère) – Il lui reste un touriste et elle ne voulait pas le dire...

CLAUDE (lui pinçant la joue) – Mais c'est qu'elle deviendrait cachottière notre Pauline...

GILBERT (au pied de l'escalier, tout émoustillé) – Qui c'est ?

CLAUDE (même jeu) – On le connaît ?

MAURICE (rigolard) – On s'est déjà occupé de lui ?

CLAUDE (comme un gamin avec un jouet) – Dis, tu nous le prêtes qu'on s'amuse encore un peu !

PAULINE (faussement sévère) – Non mais, quel âge vous avez les mecs ? Vous ne croyez pas qu'il serait temps d'arrêter de prendre mes clients pour des pokémones ou des playmobils !

CLAUDE ( la suppliant) – Pauline s'il te plaît, tu nous le prêtes ton dernier client de la saison ?

PAULINE (fermement) – Non, je ne vous le prête pas ! Et d'abord, ce n'est pas le dernier client de la saison, c'en est un nouveau qui est arrivé tard, hier soir !

GILBERT (emballé) – Un nouveau ? Chouette, on va le mettre au parfum sans tarder.

PAULINE (pleine de sous entendus) – Celui-là, il a dû en renifler pas mal de parfums et je ne suis pas certaine qu'il apprécierait beaucoup le vôtre...

Entrée d'Anaïs, côté rue. Elle porte un sac cabas rempli de provisions, légumes divers, viandes etc... C'est une jeune fille mignonnette, mais extrêmement naïve.

ANAIS (toute guillerette) – Bonjour tout le monde ! (Elle les regarde tous au pied de l'escalier.) Ah ben tiens, vous attendez tonton pour jouer à la belote ?

Ils se regardent tous sans comprendre.

MAURICE-GILBERT et CLAUDE (ensemble) – Quel tonton ?

ANAIS (toute joyeuse) – Ben tonton René !

MAURICE-GILBERT et CLAUDE (ensemble) – Quel tonton René ?

ANAIS (toute joyeuse, à Pauline) – Tu ne leur as pas dit que mon tonton était revenu ?

CLAUDE (montrant Anaïs) – Je croyais qu'elle n'avait plus d'autre famille que toi !

PAULINE (gênée, hésitante) – Ben oui, moi aussi je croyais...

CLAUDE (à Pauline) – Et que tu l'avais prise en charge à la mort de ta sœur !

MAURICE (confirmant) – Pour la sortir de l'ornière, compte tenu de son retard mental et de son échec scolaire...

PAULINE (gênée, hésitante) – Ben oui, mais...

ANAIS (rectifiant naïvement) – Échec scolaire, échec scolaire, alors là, vous poussez le bouchon un peu loin, monsieur Maurice ! C'est pas de ma faute si j'ai pas pu suivre mes études, elles allaient bien trop vite pour moi. Même les cours de rattrapage, eh ben j'ai jamais réussi à les rattraper alors...

GILBERT (à Pauline, montrant Anaïs) – Eh ben dis donc, t'as encore du pain sur la planche, la taille n'est pas belle !

PAULINE (un peu accablée) – Je crois qu'elle ne se rend pas compte de tout l'argent que je dépense pour ses études.

ANAIS (rectifiant naïvement) – Et encore t'as de la chance parce que je suis de celles qui étudient le moins, alors ça doit pas te coûter bien cher ! De toute façon je m'en fiche puisque mon tonton est de retour, il va m'apprendre plein de choses, lui !

CLAUDE (agacé) – Mais enfin, qui c'est ce tonton ?

ANAIS (naïvement heureuse) – Tonton René !

CLAUDE (essayant de rester calme) – Tonton René, tonton René, on le sait, tu nous l'a déjà dit. Mais d'où il sort ce tonton René ?

ANAIS (toute fière) – Il a une grande cabane au Canada, bien blottie au fond des bois.

MAURICE (parodiant la chanson de Line Renaud) – Ah oui ! Avec des écureuils sur le seuil ?

ANAIS (haussant les épaules) – J'sais pas, il m'a pas dit !

GILBERT (qui vient de comprendre ) – René le Canadien ?! (Pauline acquiesce de la tête.)

MAURICE (comprenant lui aussi) – Non, c'est pas possible !

CLAUDE (même jeu) – Mais je croyais qu'il était mort !

PAULINE (fataliste) – Moi aussi, depuis le temps ! Trente ans que mon frère a quitté la région sur un coup de tête, sans jamais donner de nouvelles...

ANAIS (étonnée) – Vous connaissez mon tonton René tous les trois ?

GILBERT (se remémorant) – Si on le connaît ? Difficile d'oublier un lascar pareil ! C'était même un de mes meilleurs copains d'enfance. On est allé à l'école ensemble et on s'est toujours suivi jusqu'à ce que cette tête brûlée décide de quitter le pays pour aller faire fortune au Canada. Il y a longtemps qu'ici, on a considéré qu'il était disparu corps et biens...

PAULINE (fataliste) – Et le voilà qui débarque hier soir, sans prévenir, tranquille comme Baptiste, comme s'il revenait de la foire de l'Herbergement.(ou autre lieu). (Imitant.) « Et bonjour Pauline, est-ce que tu peux me loger quelques jours, le temps que je décante certaines affaires »

MAURICE (paumé) – Quelles affaires ?

CLAUDE (même jeu) – Qu'est ce qu'il a voulu dire ?

PAULINE (à Gilbert) – Il paraît qu'il a des choses importantes à te communiquer...

GILBERT (étonné) – A moi ? Je ne vois pas ce qu'on pourrait bien se raconter depuis le temps !

René apparaît sur le palier, fringant et visiblement en pleine forme.

RENE (avec accent québécois) – Ah Gilbert, tu es venu ? Tu te souviens encore de moi j'espère ?

ANAIS (tout émoustillée) – Bonjour tonton !

RENE (gentiment) – Bonjour Anaïs, bonjour...

GILBERT (un peu ému) – Si je me souviens ! Tu n'as presque pas changé...

RENE (descendant l'escalier en riant) – Alors toi, t'as pas changé du tout, t'es toujours aussi menteur ! Comme si trente années ne m'avaient pas un peu modifié la façade !

Ils s'embrassent.

ANAIS (tout émoustillée, allant de l'un à l'autre) – C'est lui, c'est mon tonton !

Anaïs va faire plein de choses pour son oncle: lui apporter une chaise, lui préparer un café, lui brosser son vêtement etc... On doit voir qu'elle est heureuse de le retrouver et ne sait pas quoi inventer pour lui faire plaisir. Lui s'en agace un peu...

RENE (les regardant) – Attendez... laissez moi deviner... Claude et Maurice, c'est bien ça ?

CLAUDE et MAURICE (ensemble) – C'est ça !

RENE (à Maurice) – Je me souviens qu'à l'époque, y avait la petite Gisèle Bertin qu'était toujours derrière toi et qui n'arrêtait pas de te courir après.

PAULINE (amusée) – Et ben tu vois, trente ans après, c'est toujours pareil, elle est toujours derrière lui.

ANAIS (en rajoutant une louche) – Même que des fois, elle le cherche tellement qu'il est obligé de se cacher derrière le bar à Pauline.

RENE (moqueur, à Maurice) – C'est beau l'amour... T'as du bol mon vieux.

MAURICE (pas convaincu) – Du bol, du bol... Je te dirais bien que des fois, j'en ai ras le bol... d'avoir du bol !

GILBERT – Alors te voilà revenu au pays ?

RENE (faussement sérieux) – Écoute Gilbert, je vais avoir sacrément besoin de tes services...

GILBERT – Tu n'es pas revenu en France rien que pour ça parce que je te signale quand même que ça fait plus de trente ans que tu t'en passes de mes services !

RENE (s'appuyant à la table) – Oui mais là, ça devient sacrément urgent... Est-ce que je peux compter sur toi et tes copains ?

MAURICE (intervenant rapidement) – Pas de problème. Dès qu'il s'agit de rendre service, nous on est là. Pas vrai Claude ?

CLAUDE (amusé) – Absolument ! On ne compte plus le nombre de services qu'on a rendu cet été aux clients de Pauline. Vas y, on t' écoute...

RENE (presque en confidence) – Eh bien voilà. J'ai gagné pas mal d'argent au Canada et...

ANAIS (tout émoustillée) – Alors, t'es riche tonton ?

PAULINE (la calmant) – Anaïs, laisse parler ton oncle.

ANAIS – C'est toujours pareil avec toi, je peux jamais poser de question. Tu brides mon éveil, voilà ce que tu fais ! Faut pas s'étonner qu'après j'ai un retard mental comme tu dis si bien !

RENE (regardant Anaïs) – Elle est toujours comme ça ou c'est mon retour qui l'a perturbé ?

PAULINE (fataliste) – A ton avis ?

CLAUDE (plaisantant) – Elle a du avoir un accident de poussette quand elle était petite...

ANAIS (accusatrice, à sa tante) – Tu m'avais caché ça ?! (Soupçonneuse.) Et qui c'est qui conduisait le véhicule, hein ? Si ça se trouve, le conducteur était en état d'ivresse et maintenant, eh ben c'est moi qui trinque !

RENE (réalisant) – Alors là, c'est sûr que je vais avoir sacrément besoin de vous, les gars !

GILBERT (inquiet) – Parce que ça concerne Anaïs ?

RENE (toujours en confidence) – Pauline n'ayant pas d'enfant, il semblerait, qu'après elle, ce soit ma nièce la seule héritière possible.

PAULINE (fataliste) – Tu parles comme un vieux en fin de vie. T'es revenu en France uniquement pour faire ton testament ?

RENE (laissant planer un doute) – Quand on a fait fortune comme moi, on ne s'est pas fait non plus que des amis tu sais. Et un accident est si vite arrivé...

GILBERT (inquiet – Qu'est ce que tu veux dire ?

RENE (regard autour de la pièce) – Moins vous en saurez, mieux ça vaudra pour vous les gars...

MAURICE (peureux, en aparté) – Il m'fout les jetons, ce con !

CLAUDE (curieux) – Et tu as vraiment une grosse fortune ?

RENE (faussement modeste) – Oui, je suis très riche...

MAURICE (curieux lui aussi) – T'es riche comment ?... Riche... riche ?

RENE (toujours modeste) – Très très riche même. Plusieurs casinos au Québec...

ANAIS (niaisement) – Ce doit être drôlement pratique pour faire tes courses dis donc !

RENE (même jeu) – Beaucoup d'argent en banque...

ANAIS (niaisement) – Ah ben ça, ça m'arrangerait bien moi, parce que c'est pas avec l'argent que Pauline me donne que je vais faire des folies. T'as vu mes frusques ?

RENE (même jeu) – Et plusieurs maisons que j'ai rachetées, ici, sur le port...

MAURICE (admiratif) – Oh pétard, mais comment tu fais. Moi j'en suis toujours à rembourser ma première et unique baraque depuis bientôt quinze ans !

RENE (même jeu) – Le business Maurice, le business... Si ça se trouve tu as ça dans le sang et tu ne t'en rends même pas compte.

ANAIS (niaisement) – Eh ben, s'il a le bousiness dans le sang... il ne doit pas avoir une bonne circulation alors... parce que le temps que ça lui arrive aux méninges... Une seule maison en quinze ans, ça craint ! Bonjour le bousiness !

CLAUDE et MAURICE (regardant Anaïs, avec commisération) – Quelle misère !

ANAIS (admirative) – Tandis que Tonton avec tous ses casinos, y va bientôt niquer Leclerc !

RENE (voulant l'écarter de la discussion) – Anaïs, pourrais-tu me faire une course s'il te plaît ?

ANAIS (dans son délire, sans l'écouter) – Même que moi aussi, j'ai le sens des affaires...

RENE (voulant abréger) – Tu dois avoir ça dans les gênes...

ANAIS (continuant) – Ah non non, moi ça me gêne pas du tout. (Voulant créer un suspense.) Eh, vous savez ce que j'ai fait à la dernière fête foraine ? (Ils se regardent .) Vous ne savez pas ?

TOUS (ensemble) – Euh, non...

ANAIS (complètement partie) – Eh ben, j'avais gagné des boucles d'oreille dans une pochette surprise. Et vous savez quoi ? (Ils se regardent.) Eh ben je les ai échangées contre un bracelet avec une fille que je connaissais même pas et ensuite, j'ai échangé le bracelet contre un panda en peluche qu'un gars venait de gagner au tir à la carabine. Et après, j'ai troqué le panda contre une superbe pince à cheveux. Et avec la pince à cheveux, qu'est ce que j'ai fait ? (Elle ménage ses effets.) Ah ah, je vous le donne en mille ! Je l'ai vendue et avec l'argent, cerise sur le gâteau, qu'est ce que j'ai fait ? (Ils se regardent encore.) Vous donnez votre langue au chat ?

TOUS (ensemble) – Euh, oui...

ANAIS (comme une apothéose) – J'ai acheté une nouvelle pochette surprise ! Et dans la pochette surprise, vous savez ce qu'il y avait ?

TOUS (ensemble) – Des boucles d'oreille !

ANAIS (déçue) – Comment vous avez deviné ? (Se ressaisissant.) En tous cas, t'as vu tonton, je suis une grande bizunesswo... boussinesswo... basinesswo... enfin une femme d'affaire quoi !

GILBERT (gentiment) – C'est un bon début. Et puis là au moins, t'as pas perdu d'argent ! T'as bouclé la boucle... opération blanche.

ANAIS (montrant ses boucles, moqueuse) – Parce que vous trouvez qu'elles sont blanches mes boucles ? (Elle rit.) Vous devriez consulter un zyeutiste monsieur Gilbert parce que vous m'avez l'air de drôlement confondre les couleurs. Vous seriez à moitié dalmatien que ça m'étonnerait pas.

RENE (prenant de l'argent dans son porte feuille et lui donnant) - Tiens Anaïs, je te donne cinquante euros. Va te promener sur le port et avec cet argent, tu essaies d'en récupérer le double, d'accord ?

ANAIS (prenant le billet, incrédule) – C'est vrai tonton, je peux ?

RENE (confirmant) – Puisque je te le dis !

ANAIS (lui sautant au cou) – Merci tonton ! (Aux autres, tout excitée.) Ma première grosse affaire ! (Sur le pas de la porte.) Vous allez voir ce que vous allez voir ! (Elle sort.)

CLAUDE (abattu) – Cinquante euros de foutu !

MAURICE (avec commisération) – Elle va revenir avec une palette entière de pochettes surprise.

GILBERT (même jeu) – Pleines de boucles d'oreille... forcément...

MAURICE – Qu'on pourra tous s'accrocher aux oreilles pour le restant de nos jours ! On va avoir bonne mine !

CLAUDE et MAURICE (avec commisération) – Quelle misère !

PAULINE (à René) – T'as vraiment de l'argent à foutre en l'air mon pauvre René !

RENE – Je n'ai pas trouvé d'autre moyen pour l'éloigner. Je ne voulais pas parler devant elle.

PAULINE (un peu agacée) – C'est quoi tout ce mystère ?

RENE (en confidence) – En arrivant hier soir j'ai compris que Pauline était célibataire, sans enfant, comme moi, et que toute la famille se résumait à une nièce. (Hochant la tête.) et quelle nièce !

CLAUDE et MAURICE (avec commisération) – Quelle misère !

RENE – Comme je veux lui léguer la plus grosse partie de ma fortune, je dois m'assurer que quelqu'un puisse veiller sur elle s'il m'arrivait malheur....

GILBERT – Que veux-tu qu'il t'arrive ?

RENE (après avoir vérifié que personne n'écoute) – Je suis en danger les gars, quelqu'un veut ma peau.... j'en suis sûr. D'ailleurs j'ai l'impression d'être suivi depuis mon départ de Montréal...

MAURICE (peureux) – Déconne pas, tu me fous la trouille.

RENE (inquiet) – Moi aussi j'ai la trouille mon vieux. Si je devais disparaître, Pauline pourrait servir de mère à Anaïs... mais il va lui manquer un père à cette petite... et c'est important un père...

CLAUDE (attendri) – Ben oui forcément.

RENE (inquiet) – Elles deviendraient toutes les deux des proies faciles avec tout cet argent, dans ce monde de requins... toutes les deux sans défense... sans homme pour les protéger...

GILBERT – Tu ne crois pas que tu exagères un peu, là ?

RENE (inquiet) – Malheureusement, je sais de quoi je parle. Il faudrait un homme, voire même plusieurs hommes, qui pourraient veiller au grain. Des hommes forts, virils, intelligents, proches d'elles. (Un temps.) C'est pourquoi, j'avais pensé à vous les gars...

Gilbert et Maurice regardent vers Claude.

CLAUDE (battant en retraite) – Ah non non non ! Intelligent, à la rigueur, je veux bien... mais fort et viril, là je ne fais pas l'affaire du tout. Par contre Maurice je le sens bien lui. (Tout le monde regarde Maurice.)

MAURICE – Eh oh, ça va pas ! Moi c'est pareil, j'ai été malade étant petit et depuis je suis toujours resté très fragile. Je fais des dépressions facilement et, en plus, Gisèle ne veut pas d'enfant.

PAULINE (un peu agacée) – On ne te demande pas de l'adopter non plus.

MAURICE – Par contre je verrais bien Gilbert avec son dur tempérament de marin. Il ferait un père idéal, lui. C'est un costaud Gilbert, élevé à la dure loi de la mer !(Tous les regards se tournent vers Gilbert.)

GILBERT (réagissant au quart de tour) – Non mais tu m'as regardé ! Je ne suis pas resté célibataire toute ma vie pour me retrouver père à soixante ans. D'abord j'ai jamais rien compris au fonctionnement des enfants, moi ! Ça crie, ça gueule, c'est jamais content ! Tiens, parle-moi des ouïes d'une belle daurade ou d'un rouget, là d'accord, mais pas des esgourdes d'une môme qui fait encore collection de boucles d'oreille à vingt deux ans !

RENE (avec dédain) – Vous êtes vachement courageux les gars, ça fait plaisir à voir !

GILBERT (réagissant) – Non mais t'es marrant toi. Tu débarques après trente ans d'absence, riche comme Crésus, tu donnes ta fortune à Anaïs et il faudrait que du jour au lendemain, on devienne ses gardes du corps !

CLAUDE (cherchant une excuse) – D'abord c'est ta nièce, c'est pas la nôtre.

RENE (essayant de les convaincre) – Oui, mais vous êtes tellement proches de Pauline...

MAURICE (fermement) – C'est pas une raison.

RENE (argument ultime) – Et s'il m'arrivait un malheur, hein ?

GILBERT – Tu ne serais pas un peu parano des fois .

RENE (mollement, sans conviction) – Et puis, elle est sympa, Anaïs...

MAURICE-GILBERT et CLAUDE (ensemble) – Merci du cadeau !

RENE (montrant la cuisine) – Justement, à propos de cadeau, hier soir, j'ai prévu quelque chose pour vous dédommager... les documents sont prêts. Ils sont dans ma mallette, là, dans la cuisine. Bougez pas, je vais les chercher et je reviens. (Il sort, laissant tous les autres médusés.)

MAURICE-GILBERT et CLAUDE (ensemble) – Pas la peine, on veut pas !

GILBERT (à Pauline) – Il ne s'imagine quand même pas qu'on va s'occuper d'Anaïs ?

PAULINE (gênée) – J'ai bien l'impression que si.

CLAUDE – Il n'a qu'à s'y coller lui

MAURICE – T'as raison Claude. Après tout, il n'est pas encore mort le René. (Il rit, d'abord seul puis suivi des autres.)

Une porte claque brusquement dans la cuisine. Ils se taisent puis on entend la voix de René.

RENE (voix off de douleur) – Ahhhhhh !

Une porte claque à nouveau. Ils sursautent et se resserrent tous en fixant la porte de la cuisine.

PAULINE (doigt tendu vers la porte) – On a crié !

GILBERT (apeuré) – Oui oui, on a crié !

MAURICE (apeuré lui aussi) – Je confirme: on a crié !

CLAUDE (n'en menant pas large) – Faudrait peut être aller voir ce qui se passe ?

MAURICE (mort de trouille) – Normalement, c'est ce qu'il faudrait faire...

GILBERT (fuyant) – D'un autre côté, on n'est pas chez nous...

La porte s'ouvre et René apparaît, au grand soulagement des autres. Il tient un papier dans la main et il s'avance vers eux lentement, en titubant légèrement.

PAULINE (inquiète) – Ça n'a pas l'air d'aller René ?

RENE (parlant lentement) – Si si ça va. Asseyez-vous tous autour de la table, il faut que je vous parle. (Ils obéissent et René avance vers eux.)

PAULINE (toujours un peu inquiète) – Tu veux prendre un café ?

RENE (titubant) – Non merci, je sens que ça ne passerait pas. J'ai comme l'impression d'avoir quelque chose de coincé là-dedans.

Sur cette réplique, il se retourne et le public doit voir le couteau planté dans son dos sans que les autres ne le voient. Il doit rester debout, titubant par instant et faire le tour de la table , sans jamais tourner le dos à ses interlocuteurs.

CLAUDE (un peu rassuré) – Tu nous a fait vachement peur quand tu as crié dans la cuisine.

MAURICE (se remettant lui aussi) – On a tous cru que tu étais mort.

GILBERT (il lui tape dans le dos) - Sacré René va !

RENE (avec un haut le cœur) – Alors toi Gilbert, t 'as vraiment le chic pour remuer le couteau dans la plaie !

GILBERT (aux autres, venant de réaliser) – Oh merde, il a un couteau dans le dos !

PAULINE (se précipitant, apeurée) – Qu'est ce que tu as fait ? Comment c'est arrivé ? (Il tend le bras vers la cuisine, sans parler.)

CLAUDE (voulant se rassurer) – T'es tombé dans le tiroir aux couverts ?

MAURICE (bêtement) – Ça te fait mal ?

RENE (se forçant à sourire) – Juste un p'tit peu... quand j' rigole.

Il s'écroule, tête en avant sur la table, immobile, le couteau fiché entre ses omoplates. Ils sont autour de lui, silencieux, n'osant pas bouger.

GILBERT (le tapotant du bout du doigt) – Ouh ouh, René... tu m'entends ? (Silence.)

MAURICE (commençant à paniquer) – Y... y... y... y t'entend pas, on dirait...

CLAUDE (voulant se rassurer) – Il est peut être évanoui ?

PAULINE (se tenant tout près du corps) – Tu t'évanouis à chaque fois que tu as un couteau de cuisine planté entre les omoplates, toi ? (Elle lui palpe le cou et les regarde.)

MAURICE-GILBERT et CLAUDE (ensemble) – Il est comment... ?

PAULINE (hochant tristement la tête) – Tout ce qu'il y a de plus mort... Il n'a pas dû souffrir bien longtemps. (Attristée.) Pauvre René !

Ils prennent une attitude de recueillement, mains assemblées et bras pendants sur le devant du corps.

PAULINE (hochant tristement la tête) – A peine arrivé, le voilà déjà parti.

MAURICE (fataliste) – C'était un grand voyageur...

PAULINE (même jeu qu'avant) – Déjà tout petit, il ne tenait jamais en place...

CLAUDE (machinalement) – Toujours ce besoin d'aller voir ailleurs...

GILBERT (machinalement) – Eh oui, ça a toujours été un garçon instable.

CLAUDE (machinalement lui aussi) – Enfin là, plus instable, tu meurs. (Ils le regardent tous.) Oh pardon !

PAULINE (retenant ses larmes) – Quand je pense qu'il est venu mourir dans la seule famille qui lui restait... après trente ans d'absence (Elle renifle.)

MAURICE (fataliste) – L'instinct sans doute...

CLAUDE (pris dans le délire) – C'est beau l'instinct quand même...

GILBERT (machinalement) – Heureusement qu'on a ça pour faire les choses instinctivement...

PAULINE (retenant ses larmes) – Encore un qui part trop tôt...

GILBERT (parlant pour lui) – Dans la fleur de l'âge...

PAULINE (retenant ses larmes) – On est peu de choses tout de même. Il y a cinq minutes, on était là, on papotait...

GILBERT (ému) – On parlait de paternité et puis pfffttt, on se retrouve orphelin...

MAURICE (en guise d'éloge funèbre) – C'est toujours les meilleurs qui partent les premiers...

CLAUDE (continuant l'éloge funèbre) – Un type bien ce René...

MAURICE (même jeu) – Et riche en plus...

PAULINE (accablée) – C'est bien pour ça qu'ils l'ont descendu...

MAURICE-GILBERT et CLAUDE (ensemble) – Évidemment ! (Réalisant brusquement.) Qu'est ce que tu viens de dire ?

MAURICE (paniquant) – Pau... Pau... Pau... Pauline a raison. Rappelez-vous... quand... quand... quand il nous disait que sa vie était en danger ! Ahhhhh eh ben nous y voilà... Et si ça se trouve, l'assassin est encore dans la pièce. (Ils se précipitent barricader la porte avec des chaises et tout ce qu'ils trouvent.)

GILBERT (s'affolant) – Oh l'andouille, il est venu se faire buter en Vendée....(ou ailleurs !)

CLAUDE (affolement général) – Il ne pouvait pas faire ça au Canada, ce con !

MAURICE (paniquant) – C'est pas parce qu'on est riche qu'il faut tout se permettre !

GILBERT (s'adressant au corps affalé sur la table) – Tu devrais avoir honte René !

CLAUDE (même jeu) – Quel manque de délicatesse...

MAURICE (même jeu) – Tu nous déçois beaucoup tu sais...

GILBERT (s'adressant toujours au corps affalé sur la table) – Sans parler des emmerdes que tu vas nous attirer !

PAULINE (elle avise un papier dans la main du mort) – Regardez les gars, il tient un papier dans sa main. Ce doit être la surprise pour vous. (Elle essaie de le prendre mais René le tient fermement. Elle le tire mais ça résiste.)

MAURICE (ne voulant pas savoir) – Il a l'air d'y tenir à son papier...

CLAUDE (idem) – A mon avis, il ne veut pas le donner !

GILBERT (fuyant) – Faut pas le brusquer, si y veut pas... y veut pas ! Faut jamais contrarier un défunt !

PAULINE (René se décide enfin à lâcher le papier) C'est un testament écrit de sa main.(Elle le lit.) « Je soussigné René Thébaud, sain de corps et d'esprit, certifie léguer à chacun de mes trois amis Gilbert, Claude et Maurice, une maison située sur la rue du port en dédommagement de l'immense service qu'ils me rendraient - si je devais disparaître de mort brutale - à bien vouloir s'occuper de mon unique nièce Anaïs. A charge pour eux de l'éduquer, d'en faire une jeune fille intelligente du grand monde afin de la préparer à gérer la fortune dont vous trouverez le détail ci-joint. Les biens et valeurs revenant à ma sœur Pauline y figurent également. Le présent document étant établi pour faire valoir etc, etc... Signé René Thébaud

GILBERT (tournant comme un lion en cage) – Il avait tout prévu, le salaud !

MAURICE (affolé) –Qu'est ce qu'on va faire ?

CLAUDE (pragmatique) – Que veux-tu qu'on fasse, les dernières volontés d'un mort, ça se respecte...

GILBERT (fataliste) – Eh ben, on n'est pas dans la merde, les gars !

MAURICE-GILBERT et CLAUDE (ensemble, à René) – Merci du cadeau René !

MAURICE (lorgnant le cadavre, ne se sentant pas bien) – J'me sens pas bien les copains.

Pauline prend une serviette sur la table et enlève le couteau du dos. Elle essuie la lame et tamponne la serviette sur la plaie.

PAULINE (à Maurice) Voilà, ça va mieux comme ça ? (Elle donne le couteau à Gilbert.)

Gilbert prend le couteau par le manche, entre deux doigts, la lame pendant dans le vide.

GILBERT (allant vers Maurice, passant le couteau à Claude) – Tu ne vas pas tourner de l'oeil, dis ?

CLAUDE (donnant le couteau à Maurice, en même temps qu'il le soutient) – N'aie pas peur, on te soutient...

MAURICE (affolé, tenant le couteau entre le pouce et l'index) – Aaahhhhh !

La porte d'entrée s'ouvre et Gisèle, la femme de Maurice, entre. C'est une jolie femme de 30/35 ans, élégamment vêtue. Anciennement autoritaire, elle est devenue toute douce avec son mari et sa voix forte d'autrefois est aujourd'hui très calme. En la voyant entrer, les quatre font un rempart devant le corps après que Pauline ait rabattu la nappe sur le corps de René. Maurice, pantois, tient toujours le couteau à la main...

GISELE (prudemment à son mari) – Excuse-moi de te déranger mon Maurice...

MAURICE-GILBERT PAULINE et CLAUDE (ensemble) – Y a pas de quoi !

GISELE (soumise) – Je voulais te demander la permission d'aller voir maman ce matin.

MAURICE (se passant délicatement le couteau d'une main dans l'autre) – Mais... mais... mais bien sûr, faut... faut... faut aller voir ta maman...

GISELE (timidement) – Seulement voilà... j'ai pas fini le repassage... tu ne vas pas être content...

GILBERT (venant en aide à Maurice) – Pour cette fois il ne dira rien, pas vrai Maurice ?

MAURICE (reprenant timidement le commandement) – Mais faudrait peut être pas que ça se renouvelle trop souvent quand même.

GISELE (soumise à l'excès) – Non mon Maurice... Merci mon Maurice. (Intriguée.) Vous ne jouez pas aux cartes ce matin ?

PAULINE (nonchalamment) – Si si, la petite belote habituelle, mais on vient de se lever cinq minutes pour se dégourdir un peu les pattes. (Ils font tous ensemble quelques flexions des jambes.)

GISELE (étonnée) – Pourquoi tu as un couteau dans les mains ?

MAURICE (réalisant) – Hein... ah. le couteau ?.. C'est pour couper les cartes... (Il le pose très vite sur la table d'à côté.

Elle se rend compte qu'il y a une masse sur la table. Elle écarte les quatre compères et soulève la nappe, découvrant le corps de René. Au lieu de hurler de frayeur, elle se retourne et avance droit vers son mari.

GISELE (enflammée) – Maurice... Maurice... (Très vite.) Maurice, Maurice, Maurice, Maurice ! (Elle se pend à son cou.)

MAURICE (tout péteux, bras ballants, répétant) – Gisèle... Gisèle... Gisèle, Gisèle, Gisèle, Gisèle !

GISELE (admirative) – C'est toi qui l'a buté, dis ? A l'arme blanche ?

MAURICE (tout péteux) – Oui... enfin non... enfin c'est à dire que...

GISELE (encore plus admirative) – Qui c'était ? Encore un trafiquant de drogue, comme cet été ?

MAURICE (ne sachant pas quoi dire) – Non... non... en fait c'est...

GISELE (le coupant) – Un mec qui venait braquer Pauline et que tu as descendu de sang froid ? (Voyant l'amas de chaises devant la porte de la cuisine.) Et tu l'as bloqué ici pour lui faire la peau ?

GILBERT (venant en aide à Maurice) – En fait, c'était René...

GISELE (interrogative) – René le balafré ? (Ils font « non » de la tête.) René le fou ? (Même jeu.) René l'éventreur ?

PAULINE (rectifiant) – L'éventreur, c'était Jack.

MAURICE (voulant lui dire la vérité) – René le canadien... pas dangereux du tout...

GISELE (aux autres, admirative) – Vous entendez comme il est modeste ! (Elle s'accroche à lui, attendrie, aux anges.) Oh Maurice, mon Maurice ! Quand je pense que j'ai vécu tant d'années auprès de toi sans connaître ta véritable nature de héros... de mâle viril et conquérant !

MAURICE (il cherche à l'arrêter) – C'est pas ce que tu crois Gisèle....

GISELE – Et voilà qu'en deux mois, non seulement tu as participé à l'arrestation de dangereux trafiquants, mais en plus, aujourd'hui, tu as carrément refroidi René le canadien !

MAURICE (bégayant) – C'est... c'est... c'est pas moi qui l'ai re... re... refroidi...

GISELE (s'accrochant encore plus à lui) – Tu es fort Maurice, tu es beau, tu es invincible...

MAURICE (dépassé) – Ah non non, là c'est trop...

GISELE (s'accrochant encore plus à lui) – Mon Terminator !

PAULINE (à Maurice) – Oh Schwartzenegger, il serait peut être temps, maintenant, que tu lui expliques la situation à ta groupie.

GISELE (à Maurice qui ouvrait la bouche pour parler) – Non, ne dis rien ! (S'y voyant déjà.) Tu vas avoir ton nom et ta photo dans les journaux, et la mienne aussi forcément. Tu seras peut être décoré... l'ordre du mérite... ou la légion d'honneur...

MAURICE (timidement) – C'est pas un peu beaucoup ça... la légion d'honneur ?

GISELE (scandalisée) – Tu rigoles ! Zidane l'a eue pour un malheureux coup de boule, alors pour toi, t'imagines ? (Soudain directrice.) Ne bougez pas, surveillez le corps, je saute prévenir la police. J'irai voir maman demain. (Elle se précipite pour sortir et sur le pas de la porte, se retourne.) Oh mon Maurice... quel homme ! (Elle sort avant qu'ils aient eu le temps de réagir.)

PAULINE (à Maurice) – Je me demande si je ne préférais pas mieux ta femme quand elle était autoritaire, avant qu'elle ne devienne complètement nunuche !

GILBERT (regardant le corps) – Qu'est ce qu'on fait de lui ?

CLAUDE (inquiet) – Si jamais Anaïs débarque maintenant et qu'elle voit ça...

MAURICE (geste du doigt sur sa tempe) – Ça va lui chambouler le cerveau, la pauvre...

GILBERT (montrant la tête lui aussi) – Déjà que c'est pas très bien rangé chez elle...

PAULINE (énergique) – Vous avez raison. Montez-le dans ma chambre et étendez-le sur mon lit. (Elle va poser le couteau sur son bar et enveloppe René tant bien que mal avec la nappe d'une table voisine.) Laissez-le enveloppé là-dedans, ça fera moins lugubre.

Pauline revient vers son bar et, discrètement, change le couteau par un autre quasiment identique. Claude et Maurice attrapent René et le montent à l'étage. Ils arrivent juste sur le palier quand Anaïs arrive. Gilbert saute au devant d'elle. Ils redescendront discrètement quelques instants après, pendant la discussion d'Anaïs.

ANAIS (toute joyeuse, tenant un seau rempli de pièces dans une main et une pancarte dans l'autre) – Il est où tonton René ?

PAULINE (la ménageant) – Il est parti se reposer un peu...

ANAIS (déçue) – Il va se reposer longtemps ?

GILBERT (très prévenant) – Ça dépend... Tu sais, il y a des repos qui sont quelquefois plus longs les uns que les autres...

ANAIS (rayonnante) – Il va être drôlement content de moi tonton quand il comptera les pièces.

PAULINE (surprise, voyant le seau plein) – Les pièces ? Pourquoi, tu en as combien ?

ANAIS (rayonnante) – Je crois bien que j'ai deux cents euros.

PAULINE et GILBERT (ensemble) – Deux cents euros !

GILBERT (main dans le seau faisant couler les pièces) – Mais comment t'as fait pour avoir tout ça ?

ANAIS (rayonnante) – Eh ben, je suis allée à la pharmacie et avec les cinquante euros de tonton René, j'ai acheté deux cents petites bouteilles vides...

PAULINE et GILBERT (ensemble) – Et alors ?

ANAIS (tout excitée) – Je me suis rappelée qu'aujourd'hui, il y a une très grande marée d'un coefficient de 120. La marée du siècle comme ils disent les pêcheurs...

CLAUDE et MAURICE (ensemble) – Oui et alors ?

ANAIS (tout excitée) – Alors, comme je suis pas si bête que j'en ai l'air et que je réfléchis beaucoup des fois, j'ai rempli toutes mes petites bouteilles d'eau de mer et je me suis installée sur la plage... (Montrant le panneau qu'elle tenait sous son bras.) avec ça !

Sur le panneau on peut lire, au feutre et en gros caractères : Acheté le flaquon d'eau de mère de la marrée du siaicle-1€ la boutaille.

PAULINE (après avoir lu tout haut le texte) – Tu as vendu des flacons d'eau de mer aux touristes ?

ANAIS (ravie) – Ouais ! J'aurais même pu en vendre davantage si j'avais eu plus de bouteilles. Vous auriez vu ça, les gens se bagarraient pour avoir mes derniers flacons. Un vrai succès !

GILBERT (complètement admiratif) – Alors là, elle m'épate, elle m'épate, elle m'épate !

ANAIS (pouffant de rire) – Qu'est ce qu'ils sont bêtes les touristes cette année !

CLAUDE (approuvant) – C'est sûr. Payer un euro pour ça !

ANAIS (re-pouffant de rire) – D'autant plus qu'ils pouvaient l'avoir gratuitement l'eau de la marée du siècle. Ils suffisaient qu'ils récupèrent une canette de bière vide et qu'ils la remplissent bien vite avant que la mer ne remonte..

MAURICE (la testant) – Parce que, forcément, quand la mer remonte, c'est plus la même marée...

ANAIS (sérieusement) – Ben non tiens... et c'est pas la même eau non plus !

GILBERT (complètement abasourdi) – C'aurait été trop beau ! Je me disais aussi...

MAURICE (insistant) – Tu es sûre de ça Anaïs ?

ANAIS (sérieusement) – Réfléchissez un peu. Des fois y a des méduses, des fois y a des algues, des fois y a du pétrole, des fois y a rien... mais là, c'est beaucoup plus rare Alors vous voyez bien que l'eau change tous les jours. (Légèrement moqueuse à l'encontre de Maurice.) Faudrait voir à être un peu observateur de temps en temps, monsieur Maurice !

Pauline, craignant l'arrivée des gendarmes, cherche à l'éloigner.

PAULINE (la poussant vers la porte) – Et si tu essayais de monter une autre affaire aussi bonne que celle-ci ?

ANAIS (incrédule) – Tu crois que tonton sera d'accord ?

PAULINE (la larme à l'œil) – Je crois qu'il aurait été... enfin... qu'il sera très fier de toi... quand il saura ce que tu as fait....

MAURICE (même jeu) – S'il te voit d'où il est...

GILBERT (idem) – Dans son grand repos...

ANAIS (les consolant) – Allez, soyez pas tristes, vous aussi un jour vous deviendrez des bizunesswo... boussinesswo... basinesswo... j'y arriverai jamais ! Mais ne vous inquiétez pas, je vous expliquerai comment faire ! (Voyant les chaises empilées.) En attendant, remettez donc un peu d'ordre dans le bar, c'est carrément le bordel quand j' suis pas là ! (Elle sort, toute joyeuse.)

CLAUDE (réaliste) – Qui s'y colle pour lui expliquer ?

PAULINE (courageuse) – On laisse passer la police et je m'en charge.

CLAUDE – Heureusement que c'est la fin de la saison et que ton auberge est vide. Tu imagines René, affalé sur la table, en plein mois de juillet...

GILBERT (confirmant) – Pendant le repas de midi... ça ferait désordre !

MAURICE (craintif) – Sans compter que le tueur est peut être toujours à côté.... et qu'il va vouloir s'assurer que son travail est bien fait....

CLAUDE (à Gilbert, prenant peur lui aussi) – Il n'a pas tort...

GILBERT (contaminé par la peur des deux autres) – Il a même carrément raison...

PAULINE (apeurée, montrant la porte d'entrée) – Imaginez un instant que la porte s'ouvre brusquement et que...

Au même moment, la porte en question s'ouvre violemment. Les quatre amis se précipitent derrière le bar et s'y cachent tandis que Carlota entre, portant une valise et suivie de sa fille Sabrina. C'est une femme de caractère d'une quarantaine d'années, au fort accent mexicain. Sa fille parle correctement le français mais avec l'accent Québécois.

CARLOTA (voix forte) – Caramba ! Yé croyais yamais trouver la auberge maudite !

SABRINA (à sa mère) – Tu es sûre que c'est ici maman ?

CARLOTA (voix autoritaire) – Ma qué bien sour que yé souis soure ! Y ai noté toutes les renseignements sour le papier...

SABRINA (regardant autour d'elle) – Il n'y a personne on dirait...

CARLOTA (voix autoritaire) – Yé vais té les faire vénir ces faignants dé françaisses. (Elle tape fort sur une table.) Aubergiste ! Aubergiste !

Tout doucement, on voit apparaître quatre paires de mains qui se posent sur le comptoir, puis quatre têtes qui suivent dans un même mouvement synchronisé et qui regardent vers les nouveaux arrivés. Elles se tournent ensuite l'une vers l'autre et s'immobilisent.

PAULINE (apeurée) – Oui... C'est... c'est pourquoi ?

CARLOTA (s'avançant vers eux) – Tou es la patronne de la auberge ? (Pauline hoche affirmativement la tête.) Si ? Bueno ! Yé voudrais oune chambré pour moi et oune chambré pour ma fille por favor !

GILBERT (voulant intervenir) – Ce ne sera pas possible madame, l'auberge est fermée...

CARLOTA (menaçante) – Yé t'ai démandé quèque chose à toi ? (Il fait signe que non.) Tou es le patronne ? (Même signe négatif.) Alors tou mé fou la paix ou yé vais mé fâcher terrible ! (Elle frappe sur le comptoir et les quatre têtes disparaissent.)

SABRINA (excitant sa mère) – Vas-y maman, te laisse pas faire.

CARLOTA (en riant, à sa fille) – Tou a vu lé système ? Yé tape sour lé comptoir et hop, touté les têtes, elles disparaissent ! (Les têtes réapparaissent. Carlota retape sur le comptoir et les quatre têtes disparaissent de nouveau.) Tou as vou, ça marche touyours !

SABRINA (mauvaise) – Alors, vous nous les donnez ces clés de chambre oui ou non ?

PAULINE (réapparaissant, lui donnant 2 clés, de plus en plus apeurée ) – Chambres six et sept, à droite en haut de l'escalier. Ne vous trompez pas de chambre, celle d'à côté est occupée...

CARLOTA (riant) – Ma qué yé lé sais qu'elle est occoupée la chambré et même qué yé sais qui l'occoupe..

PAULINE, CLAUDE, MAURICE et GILBERT (réapparaissant, ensemble) – Ah bon !

CARLOTA (fière) – Si ! Ah, y'ai oublié dé mé présenter. Yé souis: Carlota-Conchita-Carmina Antaminolopez et accessoirement... la femmé dé René Thébaud. Et voici ma fille et aussi la sienne !

SABRINA (se présentant avec fierté) – Sabrina !

CARLOTA (perfide) – Viens ma chérie, allons nous réposer un peu avant de dire bonjour à ton père. Yé crois qu'on va loui faire oune grosse sourprise. (Elles prennent leurs valises et montent l'escalier en ricanant.)

PAULINE (tombant des nues) – Alors là... pour une surprise...

CLAUDE, MAURICE et GILBERT (ensemble) – C'est une sacrée surprise !

RIDEAU

ACTE 2

On reprend la scène là où elle était arrêtée. A l'ouverture du rideau, les quatre amis sortent de derrière le bar de Pauline, un peu déboussolés. Au même moment, la porte d'entrée s'ouvre à nouveau violemment et comme précédemment, ils se précipitent derrière le bar et s'y cachent tandis que Gisèle entre, suivie de Francis Potier le gendarme, suant et soufflant. Gisèle doit parler un peu avant d'entrer de manière à laisser le temps aux autres de plonger derrière le bar.

GISELE (invitant Francis à entrer) – Dépêchez-vous, venez vite ! Remarquez, dans l'état où l'a mis Maurice, il ne risque pas de se sauver bien loin ! (Elle rit, toute fière.)

FRANCIS (il souffle et transpire à grosses gouttes) – Des trafiquants de drogue il y a un mois et un macchabée aujourd'hui, ma parole, c'est pas une auberge ici, c'est le Bronx !

Les quatre amis émergent de derrière le bar.

GISELE (réalisant que le corps a disparu) – Où est le mort ? Où est-ce qu'il est parti ? (Aux autres.) Qu'est ce que vous en avez fait ?

FRANCIS (regardant Gisèle de travers) – Ne me dis pas que tu l'as perdu ! J'ai pas traversé la moitié de la ville en courant comme un dératé pour m'entendre dire que le mort s'est barré !

GISELE (allant à la table et mimant) – Il était là quand je suis parti, je vous jure monsieur Potier, allongé sur la table... comme ça....

FRANCIS (reluquant Gilbert) – C'est ta dernière trouvaille Gilbert, t'as pas autre chose à foutre que de faire des conneries de potaches ! Mais tu seras donc jamais sérieux !

GILBERT (intervenant) – Pour une fois, c'est pas une blague Francis. Gisèle a raison, il y avait bien un mec mort allongé sur la table tout à l'heure...

FRANCIS (bras croisés) – Ben tiens donc ! Et maintenant, il est ressuscité et comme il ne veut pas se laisser abattre, il est parti casser la croûte au restaurant ? C'est ça ?

PAULINE (montrant timidement l'escalier) – Non... il est là-haut... dans ma chambre.

FRANCIS (prenant ça à la rigolade) – Suis-je bête ! Il a du se dire: « Si je suis mort, vaut mieux que je m'allonge, je serai plus présentable...»

GISELE (trépignant d'impatience) – Puisque qu'on vous dit qu'il y avait un cadavre ici ! Même que c'est Maurice qui l'a trucidé. Couic, un coup de couteau !

FRANCIS (moqueur) – Maurice ? Un coup de couteau... Couic ! (Simulant la peur.) Mais c'est que tu deviendrais à moitié violent Maurice !

CLAUDE (timidement) – En fait, c'est nous qui avons monté le corps là-haut...

PAULINE (continuant le récit) – Pour qu' Anaïs ne le voit pas...

MAURICE (timidement) – On avait peur que ça lui foute un choc, elle n'a pas besoin de ça...

PAULINE (continuant le récit) – Et pour la tenir en dehors de cette affaire...

FRANCIS (commençant à y croire) – Mais bougres d'andouilles quand on a un cadavre chez soi, on n'y touche pas, on en prend soin et on ne le laisse pas se balader tout seul dans la maison. On le surveille et on appelle la police

GISELE (toute fière) – C'est ce que j'ai fait !

FRANCIS (presque sûr de la réponse) – Et forcément vous l'avez tous tripoté les uns après les autres ce cadavre ?

MAURICE (avec humour) – Tu sais, dans son état, il avait de la peine à monter l'escalier tout seul. Il a bien fallu qu'on l'aide un peu...

FRANCIS (dépité) – Ce qui fait que pour les empreintes digitales, c'est râpé. (Se rattrapant à autre chose.) Heureusement qu'il reste le couteau.

PAULINE (ennuyée) – Le couteau... je l'ai retiré du corps.

FRANCIS (dépité) – Comment ça tu l'as retiré du corps ? Mais pourquoi faire ? T'en avais besoin pour couper du pain ?

PAULINE (ennuyée) – Ça faisait tort à Maurice. Il ne se sentait pas bien.

FRANCIS (ironique) – Alors comme ça Maurice, tu poignardes d'abord les gens et tu tournes de l'œil ensuite ! (Redevenant sérieux.) Bon alors, il est où ce couteau ?

PAULINE (le prenant sur le bar) – Le voilà.

FRANCIS (hurlant) – Touche pas à ça malheureuse ! (Pauline prend peur et le passe vite fait à Gilbert.) Toi non plus ! (Même jeu que Pauline, il le passe à Claude.) Arrêtez de toucher à ce couteau !

GISELE (prenant le couteau des mains de Claude) – Il a raison, c'est un honneur qui revient à Maurice. (Elle le donne fièrement à Maurice qui, fièrement, le tend à Francis.)

FRANCIS (dépité, prenant le couteau) – Si je fais analyser ce couteau, la brigade criminelle va trouver qu'ils s'y sont mis à cinq pour zigouiller ce pauvre type.

GILBERT (amusé) – A mon avis, si tu continues à le tripoter, tu ne vas tarder à faire le sixième !

FRANCIS (se retenant) – Les indices et les empreintes digitales, ça vous dit quand même quelque chose ?

CLAUDE (confessant) – Euh oui... mais dans la panique... on n'y a plus pensé.

FRANCIS (en colère) – Mais bordel, vous ne regardez jamais Navarro à la télévision ? (Ils font tous signe que non.) Julie Lescaut ? (Idem.) RIS police scientifique ? (Idem.) Les Cordier juge et flic ? (Idem.) Les experts Miami, le commissaire Moulin ?

GILBERT (amusé) – Moi j'regarde Thalassa !

PAULINE (même jeu que Gilbert) – Et moi, Joséphine ange gardien !

FRANCIS (abattu.) - Mais putain alors, à quoi ça sert que TF1 se décarcasse !

GISELE (calmement) – Je ne sais pas pourquoi vous vous prenez le chou puisque c'est Maurice qui l'a dégommé ce mec !

FRANCIS (calmement, mais fermement) – Alors toi Gisèle, si tu continues à débiter tes conneries, je te fais souffler dans le ballon et t'auras droit, en prime, à un test de contrôle pour usage de stupéfiants !

GISELE (se regimbant) – Ah forcément, c'est plus facile de coller des PV que de retrouver des cadavres

FRANCIS (se fâchant) – Attention... alors là attention ! Tu sais comment ça s'appelle ça ? Outrage à un officier de police dans l'exercice de ses fonctions ! (A Maurice.) Oh, le lanceur de couteau, tu lui dis de mettre en veilleuse à ton admiratrice sinon, c'est elle qui va se retrouver à l'autopsie, chez le médecin légiste ! (Tout le monde se calme. Francis se remonte le ceinturon en signe d'autorité et désigne les chambres.) Bon, dans quelle chambre il roupille le macchabée baladeur ?

PAULINE – La cinq ! Mais soit discret, j'ai des clientes juste à côté.

FRANCIS (montant l'escalier) – Pas de problème, tu me connais.

PAULINE (craignant le pire) – Ben justement....

Ils sont tous au pied de l'escalier et attendent fébrilement. Presque aussitôt, Francis réapparaît et les regarde, en posant ses mains sur la balustrade.

TOUS (inquiets) – Alors ?

FRANCIS (sourire forcé, en secouant la tête) – Alors... il a une sacrée santé vot' mort !

TOUS (inquiets) – Pourquoi ?

FRANCIS (hurlant de colère) – Faudrait peut être arrêter de se foutre de ma gueule maintenant !

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