Le quinté du loser

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Alexis n’est pas ce qu’on peut appeler un grand courageux. Pour lui, le travail est tellement sacré qu’il n’y touche pas… A 35 ans, il vit toujours chez ses parents et ses principales occupations vont du PMU au Poker ainsi qu’aux voyages au cours desquels, il engrange les conquêtes féminines.

Son pouvoir de séduction est tel que sa mère et sa grand mère sont en admiration devant le moindre de ses actes et lui passent tous ses caprices… Au grand dam de son père Fabrice qui n’en peut plus d’héberger et de financer ce fils parasite.

Cela aurait pu durer encore longtemps si une grosse dette de jeu n’avait obligé, chez ses parents, l’envoi de deux « recouvreurs de créances » très spéciaux qui s’installent et prennent possession des lieux.

Pour tout arranger, une dame riche d’un certain âge, séduite par Alexis sur le bateau le ramenant d’un voyage, débarque à l’improviste et, découvrant la situation, accepte de rembourser la dette en échange d’ Alexis corps et âme. Hors de question pour Inès de livrer son fils à une couguar et d’avoir, pour belle fille, une femme plus âgée qu’elle.

Tandis que les deux truands se font minablement plumés au « poker déshabillé » par une redoutable mamie, voilà qu’arrivent deux sardes agressives venues venger l’honneur de leur jeune nièce séduite par Alexis lors de son dernier voyage en Sardaigne.

Un Alexis qui ne comprend pas pourquoi tout le monde s’acharne contre lui… lui un si gentil et inoffensif garçon…

Décor : salon très chic

ACTE I

A l'ouverture du rideau, Paul est assis dans son fauteuil et lit son journal, un verre de whisky posé près de lui. On entend un air de musique classique diffusé dans la pièce. Arrivée en trombe, côté cuisine, de sa femme Inès, toute excitée..

INÈS, fort excitée. – Fabrice, mon chéri, j'ai une grande nouvelle à t'annoncer.

FABRICE, ravi, baissant son journal. – Ta mère s'est chopée le typhus ? (Ou le choléra, ou est alitée avec 40 de fièvre ?)

INÈS. – Ne sois pas ridicule, maman pète le feu et sera là, demain midi, comme prévu.

FABRICE, déçu, remontant son journal. – Alors, je ne vois pas de quoi je devrais m'extasier...

INÈS, excitée. – Alexis.

FABRICE, rabaissant son journal. – Quoi Alexis ?

INÈS. – Alexis, ton fils...

FABRICE, maugréant. – Je le sais trop bien que c'est mon fils... et aussi le tien par la même occasion ! Fils à qui tu as tout cédé depuis sa tendre enfance..

INÈS. – Tu étais tellement dur avec ce petit qu'il fallait bien que je compense de mon côté.

FABRICE. – A trois mois, tu lui avais déjà acheté 8 doudous différents sous prétexte qu'aucun d'entre eux ne lui apportait le calme et la sérénité.

INÈS, triomphante. – N'empêche que le 9ème a fonctionné et même qu'il l'a toujours avec lui. Avoue quand même qu'il est extrêmement calme depuis.

FABRICE. – Pour être calme...il est calme. Ça frise la narcolepsie. Il serait peut être temps qu'il le lâche, son doudou magique, et qu'il se bouge un peu.

INÈS, ravie. – Mais il a bougé, Fabrice, il a bougé !

FABRICE, incrédule. – Bougé... bougé bougé ?

INÈS, ravie. – Il a enfin trouvé sa voie.

FABRICE, amusé. – Il veut entrer à la SNCF ? Je le vois bien tenir la pancarte pendant les manifs.

INÈS, se forçant à rire. – Ah ah, très drôle... Non, il a choisi un métier bien plus noble que ça.

FABRICE. – Attends voir, tu me fais peur. A 35 ans, après avoir testé 15 métiers différents et être toujours hébergé chez papa-maman, notre fils entrerait enfin sur le marché du travail par la grand porte ?

INÈS, fière. – Parfaitement ! Tu n'en crois pas tes oreilles, hein ? Comme quoi tout peut arriver dans la vie, suffit d'être patient...

FABRICE. – Parce que je n'en n'ai pas eu de la patience à supporter ce grand échalas dans mes pattes, à ne rien foutre à longueur de journée ?

INÈS. – Le travail n'était pas son truc, voilà tout...

FABRICE. – Je connais sa grande théorie... (Avec emphase.) L'homme n'est pas fait pour travailler.

INÈS, admirative. – Quelle belle leçon de philosophie il donne à notre monde tourmenté...

FABRICE. – Qu'il aille donc expliquer son cours de philo au boulanger du coin, il va sûrement lui refiler une baguette de pain gratuitement.

INÈS. – Enfin là, ça y est. Tu ne peux pas savoir comme je suis heureuse Fabrice.

FABRICE. – Et peut-on savoir dans quelle branche se dirige notre brillant et courageux fils ?

INÈS, toute excitée. – Tu ne devineras jamais... Je lui ai déjà acheté sa première tenue.

FABRICE. – Un bleu de travail  de mécanicien ?

INÈS. – Tu le vois dans le cambouis et la graisse ?.

FABRICE. – A vrai dire, je ne le vois pas dans grand chose... Une blouse blanche de laborantin, de chercheur ?

INÈS. – Il a longtemps été dans la recherche, je te l'accorde...

FABRICE, au public. – Quinze ans dans la recherche mais pas au CNRS hélas... à Pôle emploi..

INÈS. – Ne sois pas cynique. Tu riras moins quand tu vas le découvrir. Tu es prêt Alexis ?

ALEXIS, voix off. – Prêt m'man !

FABRICE, surpris. – Parce qu'il est là ? En tenue de travail ?

INÈS. – Dès que tu entends la musique, tu fais ton entrée, mon grand.

FABRICE. – Tu ne vas pas me faire un show télévisé parce que notre crétin de fils a trouvé un job ?

Inès de son téléphone, lance une musique (Corrida de toro y paso doble) et Alexis fait son entrée, majestueuse, drapé dans son costume d'or et de lumière de toréador. Fier, il avance au centre de la pièce comme un matador s'avance dans l'arène.

ALEXIS, jouant avec la musique. – Olé ! Olé ! Olé !

FABRICE, abasourdi. – C'est quoi ce cirque ?

ALEXIS, jouant avec sa cape rouge. – Je veux être toréador. Olé !

FABRICE, de + en + abasourdi. – Toréador ? … En Vendée ?

ALEXIS, jouant avec sa cape rouge. – J'ai fait une étude, p'pa, y en a pas dans le département. Olé !

INÈS. – Il a raison Fabrice, il y a un potentiel énorme !

FABRICE, moqueur. – Y a pas de bananeraie non plus... Vous n'avez pas envie d'en monter une ?

ALEXIS, très sérieux. – Non non, trop de personnel à gérer

INÈS, allant dans son sens. – Et trop de produits chimiques à épandre...

FABRICE. – Vous êtes complètement barges tous les deux.

ALEXIS, commençant la chanson de Ferrat. – Les belles étrangères, quand montent les clameurs, se lèvent les premières en se tenant le cœur... !

FABRICE, les regardant avec commisération-. – C'est pas possible !!

ALEXIS. – Je me vois... face au taureau aux naseaux écumants... les yeux dans les yeux... moi, ma cape rouge à la main... lui, ses banderilles sanguinolentes sur le dos, sentant sa fin proche...

FABRICE.– Pour trouver un job comme ça, tu as vraiment pris le taureau par les cornes.

ALEXIS, jouant avec la musique que sa mère a relancée. – Olé ! Olé ! Olé ! !

FABRICE. – Tu as quand même réalisé qu'il y a plus de vaches que de taureau dans les champs des alentours et que la terre de la corrida se situe davantage dans le sud de la France ?

INÈS, toute attendrie. – Il ne veut pas nous quitter, ce grand sentimental.

ALEXIS. – Je vais importer l'art de la tauromachie dans le département. Les foules se presseront pour me voir... Elles déserteront les parcs d'attraction pour acclamer le El Cordobès vendéen ! Olé !

FABRICE, le regardant avec commisération-. – Eh bien, le Puy du Fou n'a qu'à bien se tenir...

INÈS, toute fière. – Il est beau not' fils...

FABRICE-. – Dommage que dans son cas, la beauté et l'intelligence n'aillent pas de paire.

INÈS. – N'écoute pas ton père, mon chéri, il est jaloux.

FABRICE. – Moi jaloux ! Et de quoi grands dieux ! ?

INÈS, défendant son fils. – D'être resté toute ta vie un minable petit chef d'entreprise ...

ALEXIS, entre chaque réplique de sa mère. – Olé !

INÈS, lancée. – De passer tout ton temps à mettre au point des formules de produits diététiques dans ton petit laboratoire...

ALEXIS, même jeu. – Olé !

INÈS, portant l'estocade. – Alors que ton fils va connaître la gloire et la célébrité. Voilà !

ALEXIS, même jeu. – Olé !

FABRICE, se rebiffant-. – Petit chef d'entreprise qui emploie quand même plus de 50 salariés... mais pas ton fainéant de fils !

INÈS. – Il préfère les métiers artistiques au mercantilisme de tes basses productions diétético- alimentaires.

FABRICE-. – Mercantilisme dont vous profitez sans aucun scrupule, tous les deux.

ALEXIS. – Ne vous disputez pas pour moi... Olé ! J'ai encore plein d'autres cordes à mon arc. Olé !

FABRICE-. – Tu as plein d'autres cordes à ton arc ? Dommage que tu ne sois pas une flèche.

ALEXIS. – Tu deviens vexant, P'pa.

INÈS, venant à son secours. – Et voilà ! Tu n'as pas honte de traumatiser ton propre enfant ? Tu as envie qu'il nous fasse un burn out ?

FABRICE, complètement abasourdi-. – Alors là !.... S'il nous fait un burn out juste en enfilant sa tenue de travail... eh ben il n'est pas arrivé à la retraite, le matador !

INÈS, outrée. – Tu ne peux pas l'encourager, lui dire un mot gentil ? C'est plus fort que toi !

FABRICE-. – Je voudrais juste savoir, comment un gars végan qui ne mange pas de viande sous prétexte qu'il ne faut pas faire de mal aux animaux, puisse choisir un métier pareil ? J'ai de la peine à suivre...

ALEXIS. – C'est juste un jeu entre l'homme et l'animal P'pa. Un art magnifique dans lequel...

FABRICE, le coupant-. – Dans lequel l'animal finit à l'abattoir, découpé en morceaux avant d'arriver dans nos assiettes.

ALEXIS. – Il arrive parfois que le taureau gagne... C'est la glorieuse incertitude du sport.

FABRICE. – Avec des banderilles plein le dos... il part avec un sacré handicap, le copain de jeu. Je te conseille quand même de t'entraîner bien vite.

INÈS. – Ton père a raison, ne perds pas de temps.

ALEXIS, un peu ennuyé. –En fait, je ne sais pas trop où aller...

FABRICE.– Le père Basile Pluchon parque un petit taureau dans son champ de l'Echardière. Tu devrais rendre visite au bestiau, histoire de te faire la main.

ALEXIS, emballé. –Merci pour le tuyau P'pa, t'es chouette. J'y cours.

INÈS. – Fais attention à ton habit... ne le salit pas, il est tout neuf. Il y a sûrement des bouses dans le champ.

Il arrive près de la porte..

FABRICE, le rappelant-. – Alexis ! A ta place, je garderais cette tenue pour ton premier combat et je m'habillerais plus modestement.

ALEXIS. –Tu crois ?

FABRICE. – Le taureau du père Basile n'en a rien à cirer de ton habit d'or et de lumière. Par contre, montre lui ta cape rouge... ça devrait VACHEMENT lui plaire.

ALEXIS, emballé. –Super ! (Il chante.) Toréador prends ga-a-a-arde, toréador, toréador.

Il sort aussi majestueusement qu'il est entré.

INÈS, admirative. – Et en plus, il chante bien...

FABRICE, moqueur.Il va peut être bien déchanter très vite, le ténor matador. (Sérieux.) T'es consciente, Inés, qu'il s'en va au casse pipe là ?

INÈS, relativisant. – Ça ne me paraît pas si compliqué que ça... il suffit d'éviter le taureau.

FABRICE. – Tout est là. Éviter le taureau, c'est le sens même de la tauromachie.

INÈS. – Alors, où est le problème ?

FABRICE. – Le problème, c'est qu'Alexis est aussi vif qu'un pou rhumatisant et qu'il va se faire embrocher à la première charge de la bête.

INÈS. – Ce que tu peux être négatif avec ton fils. Comment veux tu qu'il réussisse, tu ne lui fais jamais confiance.

FABRICE. – La preuve que si, je viens de lui trouver un partenaire bovin. Cela dit, je parierai 10 contre 1 sur le taureau à Basile... Et je préparerais la trousse de premiers secours.

INÈS. – Tu vois ! Tu préfères donner raison à un vulgaire bovidé sans cervelle plutôt qu'à ton fils qui a...

FABRICE, la coupant. – Qui a un Q.I de bernique.

INÈS. – Ce que tu peux être réactionnaire, mon pauvre Fabrice ! Tu ne supportes pas la différence entre les êtres humains.

FABRICE. – Là, ce n'est pas une différence, c'est un fossé... que dis je un fossé... c'est un abîme.

INÈS. – Alexis ne ressemble pas aux autres, c'est ce qui fait sa richesse personnelle.

FABRICE, fataliste. – Sa richesse personnelle... et la ruine de mon compte en banque !

INÈS. – Et voilà ! J'étais sûre que tu allais lui reprocher son argent de poche.

FABRICE. – Deux mille euros par mois, blanchi, nourri, logé. T'appelles ça de l'argent de poche, toi ?

INÈS. – Et radin, en plus !

FABRICE. – Inès, à trente cinq ans, les parents ne donnent plus d'argent de poche, comme tu dis, à leurs enfants. Ceux ci doivent vivre, normalement, avec ce qu'on appelle... un salaire. As tu une idée de ce qu'est un salaire, Inès ?

INÈS, cynique. – Quand on fait des enfants, il faut s'en occuper ensuite.

FABRICE, même jeu. – J'aurais mieux fait de me casser une jambe en tombant du lit, le jour où on l'a fabriqué celui-là !

INÈS. – Ah bravo Fabrice, c'est très délicat.

FABRICE. – Et peut on savoir ce que ton fils chéri fait de MON argent, étant donné la gratuité totale de son hébergement dans nos murs ? A part voyager aux frais de la princesse...

INÈS. – Il essaie de le faire fructifier...

FABRICE, avec une lueur d'espoir. Il joue en bourse ? Alors là, je pourrai peut être l'aider.

INÈS. – Pas vraiment... Il dit que c'est trop risqué... la conjoncture actuelle... la fluctuation des marchés... enfin tout ça quoi...

FABRICE. – Alors il l'investit où, l'argent du père Fabrice ?

INÈS. – Dans les courses. Il joue au PMU en direct sur internet.

FABRICE, catastrophé. – Oh pétard ! J'l'ai pas vu arriver ce coup là.

INÈS, admirative. – Il a une connaissance des jockeys, c'est incroyable. Mais où il est le meilleur, c'est au poker.

FABRICE, étonné. – Au poker ?!

INÈS. – C'est un jeu de cartes, genre belote mais où on mise de l'argent. Tu connais ?

FABRICE, pragmatique. – Perdre de l'argent tu veux dire.

INÈS, admirative. – Il doit être excellent parce qu'il rêve de rencontrer Patrick Bruel et de le mettre à sec. (A actualiser.)

FABRICE, inquiet. – Il joue souvent au poker ?

INÈS. – Il est grand, je ne le surveille pas, mais, à mon avis, plusieurs fois par semaine.

FABRICE, de + en + inquiet. – Et il joue où ?

INÈS. – Dans un cercle privé à Nantes (Voir grande ville près de chez vous.)

FABRICE, accablé. – Inès, pourquoi notre fils est comme ça ?

INÈS. – Parce qu'il n'a pas envie de te ressembler, de vivre en petit bourgeois capitaliste...

FABRICE, accablé. – Alors là... j'aurais vraiment tout entendu.

INÈS. – Ce qui me chagrine, c'est qu'il n'ait pas encore rencontré la femme de sa vie.

FABRICE. – Inès, toutes les semaines ton fils tombe amoureux d'une nouvelle femme.

INÈS. – Il est tellement perfectionniste qu'il n'arrive pas à faire son choix.

FABRICE. – Ce ne serait pas plutôt les filles qui se sauveraient en courant lorsqu'elles découvrent l'individu au quotidien ?

INÈS. – Non non... il n'a pas encore trouvé la bonne épouse, voilà tout.

FABRICE. – Et c'est quoi, pour toi, une bonne épouse ?

INÈS, rêveuse. – Une jeune femme jolie, intelligente, bien élevée, qui saura aimer Alexis pour ses qualités intrinsèques.

FABRICE. – Eh bien, c'est pas gagné d'avance parce ses qualités intrinsèques, comme tu dis, elles sont plutôt très très à sec.

INÈS, sans s'occuper de lui. – Une femme qui prendra soin de nous sur nos vieux jours et qui nous donnera de beaux petits enfants.

FABRICE. – Et c'est moi qu'on traite de vieux réac...

INÈS, lyrique. – Je voudrais tant être mamie et tenir dans mes bras le fils de mon fils... la chair de sa chair.... sentir battre dans son coeur, le sang de notre sang....

FABRICE, moqueur. Et on en fera un p'tit matador, comme son papa !

INÈS. – Comment peux-tu rire d'un sujet aussi grave que la vie affective de ton fils ? !

FABRICE, pragmatique. – Je te rappelle juste qu'on a vu défiler, ici même, au petit déjeuner... Amandine, puis Julie, Manon, Natacha qu'il avait ramenée de St Petersbourg...

INÈS. – Une communiste, ça ne pouvait pas coller entre eux. Elle parlait de Poutine sans arrêt et rêvait d'emmener Alexis construire un Kolkhoze en Sibérie orientale.(A actualiser.) Lui qui se chope des bronchites au moindre changement de temps...

FABRICE, continuant. – Delphine, Aude, Pélagie...

INÈS. – Une québecoise avec un accent abominable... (Elle essaie de parler avec l'accent québécois.) Chu brulée ben raide, achâle-moi pô, j'ai bin d'la misère avec çààà (je suis fatiguée, ne m'embête pas, j'ai du mal à te supporter.)

FABRICE, continuant. – Prisca, Diane,  la petite vietnamienne Minh Nguyêt dont le nom signifie « lune qui éclaire ». Tout un programme, non ?

INÈS. – La lune qui éclaire... elle bouffait des nems à longueur de journée. Elle en trempait même dans son café le matin. Excuse du peu...

FABRICE, continuant. – Et je n'oublie pas son dernier amour... la petite bergère de Sardaigne aux yeux de braise et au cul de vénus rencontrée dans un village, près de Orgosolo. Ce devait être la bonne celle ci ... Oubliée huit jours après son retour !

INÈS. – Il est victime de son physique... ce n'est quand même pas de sa faute.

FABRICE, très sérieusement. – Inès, notre fils est un fainéant, un joueur invétéré et un coureur de jupons !

INÈS. – C'est un grand séducteur, voilà tout.

FABRICE. – Mais le pire, Inès, le pire... c'est qu'il séduit tout le monde. Vous êtes toutes sous son charme.. y compris ton imbécile de mère !

La porte s'est ouverte sur cette dernière réplique et Florentine, la belle mère, entre rapidement, une petite valise à la main.

FLORENTINE, en colère. – Qu'est ce qu'elle vous a fait l'imbécile de mère ?.

FABRICE, sans se démonter. – Allons bon, manquait plus que vous ! On ne vous attendait que demain ?

FLORENTINE, posant sa valise. – Coupure de courant dans tout le quartier, j'me gèle les miches. Vous avez bien une chambre pour me loger cette nuit... comme ça, je serai directement sur place demain matin.

FABRICE, agacé. – Vous ne pouviez pas attendre que les gars d'EDF rétablissent la ligne ?

FLORENTINE. – Sont pas prêts d'arriver, tous les ronds points sont bloqués par les gilets jaunes, les blouses blanches, les robes noires, les bonnets rouges, les cagoules noires, les chaussettes vertes, les notaires, les avocats, les chauffeurs de taxi, les gens du voyage, les agriculteurs... et toutes mes copines retraitées du club !

FABRICE. – Et vous ne pouviez pas les accompagner, vos copines ?

FLORENTINE. – Trop dangereuses les mamies. Faut les voir à l'oeuvre quand elles caillassent les CRS. Les black blocs, à côté d'elles, sont des enfants de choeur.

INÈS. – Tu as eu raison ma petite maman, tu seras plus en sécurité chez nous et Fabrice est très content de ta venue. (Tête de Fabrice.) N'est ce pas Fabrice ?

FLORENTINE. – Il cache bien sa joie, ton Fabrice !

INÈS. – Quand Alexis saura que tu es venue plus tôt que prévu, il sera agréablement surpris.

FLORENTINE. – Il est où mon grand chéri en ce moment ?

FABRICE, ironique. – Il s'entraîne...

FLORENTINE. – Il s'entraîne à quoi ?

FABRICE, ironique. – A ne rien faire ! S'agit pas de perdre la main, c'est qu'on deviendrait vite courageux si on n'y faisait pas attention.

INÈS. – Ne l'écoute pas, Alexis est parti s'entraîner avec un taureau.

FLORENTINE. – Il ne peut pas avoir un coach, comme tout le monde ?

INÈS. – Eh non, il a absolument besoin de la bête pour travailler.

FLORENTINE. – Il veut être boucher ?

FABRICE, ironique. – Non, mais ça pourrait peut être bien finir en boucherie son truc.

FLORENTINE. – Je ne comprends rien à vos explications.

INÈS, avec fierté. – Ton petit fils veut être matador !

FLORENTINE, toute excitée, comme une gamine. – C'est pas vrai, c'est pas vrai, c'est pas vrai !

INÈS, même jeu. – Si c'est vrai, si c'est vrai, si c'est vrai !

FABRICE, même jeu, accablé, les regardant. – J'le crois pas, j'le crois pas, j'le crois pas !

FLORENTINE, fière. – J'étais sûre qu'on en ferait quelque chose de ce petit.

FABRICE. – Une carpette... quand le taureau lui sera passé une dizaine de fois sur le corps.

INÈS, même jeu. – Allez continue, continue à le mettre au ras du sol !

On frappe à la porte de façon forte.

FLORENTINE, comme chez elle. – Entrez !

FABRICE, mécontent. – Vous emmerdez pas, faîtes comme chez vous !

La porte s'ouvre et deux types, portant lunettes, chapeau et vêtus tout de noir, entrent. Il sont menaçants. Si possible faire en sorte qu'il y ait un très costaud et un petit malingre bien qu'ils soient censés être frères jumeaux. Envoyer une musique adéquate à leur entrée. Ils roulent les mécaniques et regardent de tous côtés dans la pièce. Ils parlent avec gouaille.

PAULO, un doigt au chapeau. – M'sieurs dames !

Frédo, le plus petit des deux, continue son inspection des lieux.

PAULO. – Frédo! Qu'est ce qu'on dit quand on arrive chez des gens ?

FRÉDO, un doigt au chapeau. – Salut, m'sieurs dames !

PAULO lui collant une baffe derrière la tête. – J'voudrais pas avoir à te le répéter à chaque fois... C'est quand même pas compliqué d'être poli et de donner une bonne impression aux gens ! Tu crois que môman serait contente de te voir, elle qui s'est saignée aux quatre veines pour te donner une bonne éducation.

FRÉDO, remettant son chapeau. – OK Paulo, j'recommencerai plus.

INÈS. – Peut-on connaître l'objet de votre visite ? (Interrogative.) Messieurs...

PAULO, se présentant. – Paulo et Frédo, envoyés spéciaux.

FLORENTINE, étonnée. – De la télé ?

FRÉDO, roulant les mécaniques. – Pas vraiment. On n'est pas en reportage, ma p'tite dame.

INÈS. – Si vous venez pour le calendrier des postes, j'ai déjà donné.

FRÉDO, roulant les mécaniques. – On a des têtes de facteurs ?

FLORENTINE, s'en mêlant. – Si c'est pour la charpente à traiter ou les combles à isoler...

FABRICE, la coupant. – Ces messieurs n'ont pas le look de commerciaux.

FRÉDO, se trompant. – Mossieu a raison... bien qu'on ne soye pas inintéressables à l'isolation.

PAULO, le reprenant. – Qu'on ne SOIT pas INTERRESSÉ par l'isolation. Essaie de causer un peu français de temps en temps !

FRÉDO. – Ça veut dire pareil. Tu chipotes toujours.

PAULO. – S'cusez le. On est jumeaux mais apparemment, c'est moi qui ai tout pris. L'physique et l'intelligence.

FRÉDO. – Tout ça pour dire que l'isolation, nous, on connaît. Pas vrai Paulo ?

PAULO, à la façon de Blier dans les tontons flingueurs. – Il a raison le frangin. On isole … on écarte...

FRÉDO, même jeu. – On éloigne... on exile...

PAULO, même jeu. – On abstrait... on soustrait...

FRÉDO, même jeu. – On sépare... on désassemble...

FLORENTINE. – Vous voulez désassembler qui ?

PAULO, même jeu. – Alexis Dumont, ça vous dit quèque chose ?

INÈS. – C'est mon fils !

FLORENTINE. – Et mon p'tit fils !

FABRICE, se servant à boire. – Qu'est ce qu'il a encore fait, ce p'tit con !

FLORENTINE. – Et c'est lui que vous voulez isoler et désassembler ?

FRÉDO, grosse voix. – Affirmatif !

FLORENTINE et INÈS, ensemble. – Il faudra d'abord nous passer sur le corps !

FRÉDO, affolé.Oh pétard, c'était pas prévu ça ! Ma Josiane va pas être contente... (Reluquant les 2 femmes.) En plus, ça nécessite une prime de risque pour travail pénible... Tu prends laquelle Paulo ?

PAULO, une baffe derrière les oreilles.Bougre d'andouille, c'est une image... une métaphore.

FRÉDO, paumé.Une méta quoi ?

PAULO, faussement calme.Un truc pour expliquer qu'elles sont prêtes à tout pour éviter des ennuis au mec Alexis.

FRÉDO, rassuré. Dans ce cas, elles vont gentiment nous donner le fric qu'il doit au patron.

FABRICE. – Attendez messieurs, j'aimerais bien avoir quelques explications.

PAULO.Avec plaisir milord.

FRÉDO, montrant Fabrice.Milord... c'est la moitié d'un lord... il est pas complet l' bourgeois ?

PAULO, se tenant la tête.Putain Frédo, tu me fais peur par moment... (A Fabrice.) Votre fils a contracté d'importantes dettes dans un cercle de jeu privé...

FRÉDO, fier. – Et nous avons été embauchés tout spécialement pour le recouvrement des créances. On est comme qui dirait, des huisseries.

PAULO, le reprenant vertement. – Des huissiers, Frédo, pas des huisseries. Remarque tu ferais un joli gond sur ton huisserie.

FLORENTINE, rassurée. – Si c'est que ça, ce n'est pas trop grave.

INÈS. – Et il doit combien ?

PAULO et FRÉDO, ensemble. – 50000 euros !

Tous s'étranglent et toussent. Fabrice en recrache son whisky.

FRÉDO.Plus les intérêts de retard.

INÈS. – Ce n'est pas possible, il gagne toujours au poker, même qu'il veut...

PAULO, la coupant. – Jouer contre Bruel ? (Il rit.) Votre fils est un loser qui perd tout le temps.

FRÉDO.Il tente sa chance à tous les jeux et dès qu'il gagne dix euros, il court bien vite les dépenser au poker.

PAULO. – Le patron du cercle lui a fait de nombreuses avances d'argent...

FRÉDO. – Que votre Alexis a accepté en signant une reconnaissance de dettes.

INÈS. – Eh bien alors, où est le problème ? Il est réglo le gamin...

PAULO. – Le problème, c'est que ça fait deux mois que le gamin doit rembourser sa dette et depuis cette mise en demeure, il a disparu de la circulation...

FRÉDO. – J'espère qu'il n'est pas malade au moins ?

PAULO. – Parce qu'on n'aime pas taper sur des gens affaiblis... ça fait grosses brutes abusant de leur force. C'est pas cool.

FRÉDO. – C'est pas dans notre sophrologie.

PAULO, corrigeant. – Dans notre philosophie, crétin !

INÈS. – Il doit y avoir un moyen de s'arranger, non ?

PAULO. – Je l'espère pour lui, ma p'tite dame, parce que nous, on ne repart pas sans le pognon.

FRÉDO. – Le boss verrait ça d'un sale œil... déjà qu'il est borgne... (Il éclate de rire.)

PAULO. – Frédo !

FRÉDO. – On peut bien rigoler un peu. Ça lui ramènera pas son hublot manquant au patron !

PAULO. – Bon, fini de rire... Maintenant...

PAULO et FRÉDO, ensemble, très fort. – Le pognon !

FLORENTINE. – Ne vous mettez pas dans des états pareils pour des broutilles..

FABRICE, outré. – Des broutilles... 50000 euros ?

INÈS. – Dès qu'on parle argent, le voilà qui se réveille ! Allez Fabrice, signe un chèque et qu'on n'en parle plus.

FLORENTINE. – On en a assez de voir la tronche de ces deux croque morts.

FABRICE, fermement. – Je ne signerai rien du tout !

FLORENTINE, elle sanglote faussement et sa détresse va monter crescendo. – Si... vous venez de SIGNER l'arrêt de mort de votre fils. D'Alexis, mon grand chéri, (Elle pleure entraînant Frédo avec elle.) ma seule raison de vivre dans ce monde où je suis si seule dans ma solitude isolée... moi qui ai tout perdu... l'amour, l'argent, la joie... moi qui refuse de me laisser mourir uniquement à cause de ce petit fils qui est toute ma raison d'exister... (Elle fait semblant de pleurer à chaudes larmes.)

FRÉDO, complètement chamboulé. – Putain de métier... c'est vachement triste... j'm'y ferai jamais. (Il se mouche bruyamment.)

PAULO, nouvelle baffe à l'arrière de la tête. – Si c'est trop dur, fais toi moine et va distiller de la bénédictine au monastère de Bellefontaine.

FRÉDO. – Josiane voudra jamais me laisser partir.

PAULO, nouvelle baffe à l'arrière de la tête. – Tu commences sérieusement à me gonfler la rate avec ta Josiane !

FRÉDO. – Arrête de me taper, ça fait vachement mal ! J'le dirai à môman.

PAULO. – Alors, qui paie la facture du flambeur ? (A Florentine.) La grand-mère ?

FLORENTINE, exagérant.Je vous ai déjà dit que je n'avais aucun argent. J'ai une retraite de misère alors que... alors que... (Réalisant.) C'est vrai que j'ai pas travaillé des masses dans ma vie, mais bon, c'est pas une raison...

PAULO, à Inès. – La mère ?

INÈS. – Je suis totalement dépendante financièrement de mon mari Fabrice...

PAULO, à Fabrice. – La balle est dans votre camp, m'sieur Fabrice... Alors on le signe ce chèque ?

FABRICE, fermement.Et ta sœur ?

FRÉDO, pris dans le truc.Elle bat le beurre... quand elle battra la...

PAULO, le coupant net. – Frédo! On bosse là, t'es au courant ?

FRÉDO.Ça n'empêche pas une petite déconnade de temps en temps.

PAULO. – C'est votre dernier mot, Fabrice ?

FABRICE, comme dans un jeu.C'est mon dernier mot, Paulo.

PAULO, se faisant menaçant. – Alors, ça va saigner, je vous préviens.

FRÉDO, même jeu. – On va commencer le désassemblage. Il est caché où le blaireau ?

FLORENTINE et INÈS, ensemble. – Il n'est pas là !

FABRICE.Et pourquoi vous ne l'obligeriez pas à travailler pour vous, au cercle ? Il pourrait servir les boissons, faire le ménage, nettoyer les toilettes... jusqu'à apurement de sa dette ?

INÈS. – Enfin Fabrice, tu n'y penses pas ! Transformer notre petit poussin en canard W.C !

FRÉDO. – Avant que le petit poussin nettoie pour 50000 euros de chiottes, il sera rendu à la retraite et le patron n'aura pas la patience d'attendre.

INÈS. – Et puis, c'est dégoûtant... il pourrait se blesser...

FRÉDO. – Un accident de chasse... De chasse d'eau. (Il éclate de rire en mimant la scène.)

PAULO et FRÉDO, ensemble, très fort. – Il est où ce loser ?

A ce moment précis, la porte s'ouvre et Alexis entre, ses vêtements, de couleur verte, sont en lambeaux, il est tout trempé et ses cheveux sont droit debout sur sa tête. Il titube et est secoué de tremblements convulsifs. Il n'y a que sa cape qui est intacte.

FLORENTINE et INÈS, se précipitant vers lui pour le soutenir. – Alexis !

Il titube et manque de tomber.

FLORENTINE, directive, aux 2 gars. – Soutenez le vous autres, au lieu de rester là, tout pantois, à ne rien faire. Vous voyez bien qu'il va tomber.

Instinctivement, ils obéissent et prenant Alexis sous chaque bras, ils le soulèvent de terre, tandis que les pieds d'Alexis pédalent dans le vide.

PAULO. – On vous le dépose où ?

FLORENTINE, directive. – Sur le canapé... là... doucement... avec délicatesse... doucement j'ai dit ! C'est pas un colis de la Redoute que vous trimbalez.

FRÉDO. – Dans l'état où il est, il ne redoute pas grand chose.

INÈS. – Que s'est-il passé, mon chéri ?

ALEXIS, agité de tics. – C'est doudou... c'est doudou... c'est doudou...

INÈS. – Il veut son doudou. Vite maman, donne lui son doudou qui doit être par là.

Florentine attrape une peluche qui traînait par là et le lui donne.

FLORENTINE.Voilà ton doudou, mon chéri, ça va aller mieux maintenant.

ALEXIS, agité de tics et serrant son doudou . – C'est doudou... c'est doudou... c'est douloureux.

FLORENTINE.Qui t'a mis dans des états pareils ?

ALEXIS, agité de tics. – C'est le toto... c'est le roro...

FRÉDO. – Toto... Roro... ? Il s'est fait matraquer par des concurrents ?

ALEXIS, même jeu. – Le toto... le roro... du père Baba... du père Baba...

FRÉDO. – Baba... les hommes de main d'Ali Baba ?

PAULO, baffe à l'arrière de la tête. – Tu pourrais pas réfléchir deux secondes avant de causer !

FRÉDO. – Ben quoi, qu'est ce que j'ai dit ? Ali Baba, c'est bien le chef d'une grosse bande de voleurs, non ?

PAULO, regardant son frère avec commisération. – Môman a dû se choper toutes les retombées radioactives du nuage de Tchernobyl pendant ta grossesse... c'est pas possible autrement.

FABRICE, en riant. – C'est le taureau du père Basile qui t'a mis dans cet état ?

ALEXIS, douloureux. – Ouiiiiiiiii... Complètement tarée cette bête...

PAULO, paumé. – Un taureau... quel taureau ?

FRÉDO, paumé aussi. – Tu devais aussi du fric à un taureau ?

PAULO. – Frédo !

INÈS – Mon fils veut devenir toréador et il était à l'entraînement cet après midi.

PAULO, amusé. – Apparemment le match n'était pas bien équilibré.

FLORENTINE, aux petits soins. – Dans quel état elle t'a mis, cette brute...

FABRICE. – C'est pas pour demain que tu vas nous ramener les oreilles et la queue du bestiau.

FRÉDO, même jeu que Fabrice. – Heureusement que le taureau ne réclame pas la même chose au vaincu... Il aurait bonne mine vot' matador.(Il mime les « pièces » manquantes)

PAULO. – Frédo!

INÈS – Tous tes vêtements sont en lambeaux... Quand je pense que tu as failli y aller avec ton beau costume....

FLORENTINE, prenant sa cape. – Il n'y a que ta cape qui est intacte, à croire qu'il n'a pas donné un seul coup de corne dedans...

ALEXIS, douloureux. – Il est toujours passé à côté...

FLORENTINE, perdue. – A côté de ta cape ? Mais pour aller où ?

ALEXIS, douloureux. – Pour me rentrer dans le buffet à chaque charge.

FRÉDO, lui montrant. – Tu mettais bien ta cape sur ton côté droit ? Et tu faisais bien un écart de ton corps ?

PAULO. – Frédo ! T'es pas ici pour donner des cours de tauromachie !

ALEXIS. – J'ai fait tout ça mais il ne regardait même pas ma cape... il me fonçait droit dessus, ce con de taureau !

FABRICE, en riant. – En fait, il était attiré par ton pull vert ?

ALEXIS, douloureux. – Ouiiiiii !

FABRICE, en riant. – T'as vraiment pas de pot d'être tombé sur le seul taureau daltonien de la famille des bovidés.

PAULO. – C'est la lose complète, mon pote !

ALEXIS, douloureux. – Et puis après il m'a fait rouler sur le pré et m'a jeté plusieurs fois en l'air avec ses cornes avant de m'envoyer dans l'étang...

INÈS – Comme tu as dû avoir peur, mon pauvre chéri.

FRÉDO, lui montrant. – Il en a les cheveux droit debout sur la tête.

ALEXIS, douloureux. – Ça, c'est quand je suis sorti du champ en courant, tout trempé... j'ai oublié la clôture électrique que j'ai soulevée à pleines mains.

FLORENTINE, affolée. – Malheureux, tu aurais pu t'électrocuter !

ALEXIS, encore secoué de tics nerveux. – J'ai été secoué de la tête aux pieds et j'ai vu des lumières partout.

FABRICE, cynique. – Eh bien maintenant, tu as le courant à tous les étages.

FLORENTINE et INÈS, outrées. – Fabrice !

FABRICE, suivant son idée. – Puisque te voilà reconnecté, saurais-tu reconnaître ces deux charmants gentlemen qui viennent te voir ?

ALEXIS, encore secoué de tics nerveux. – Noooon... Qui c'est ?

FRÉDO, en riant. – C'est l'plombier !

PAULO. – Frédo!

FRÉDO, se reprenant. – Nous sommes les deux gardes du corps de Borgnus.

ALEXIS, encore secoué de tics nerveux. – Quel Borgnus ?

PAULO. – Frédo! Un peu de respect pour le boss.

FRÉDO, se reprenant, avec geste autour de l'oeil. – Monsieur Borgnus ! Le type qui a toujours son oeil unique sur ses affaires et qui ne supporte pas les petits rigolos dans ton genre.

PAULO. – Ceux qui ne remboursent pas leur dette de jeu, par exemple...

ALEXIS, encore secoué de tics. – J'allais le faire... je rassemble la somme... petit à petit...

PAULO. – Et tu as rassemblé combien, pour le moment ?

ALEXIS, encore secoué de tics nerveux. – Deux cent quatre vingt neuf euros...

FRÉDO, menaçant. – Sur 50000 ? C'est tout ?

ALEXIS, rectifiant. – ... Et cinquante centimes...

FRÉDO, menaçant. – Tu te fous de nous ?!

FABRICE, ironique. – C'est moins facile à gagner qu'à perdre...

PAULO. – Alors, écoutez moi bien tous... Fini de rigoler. On va s'installer ici jusqu'à ce qu'on récupère le pognon du patron, d'une façon ou d'une autre ? C'est clair ?

INÈS – Et si j'appelais la police ?

PAULO, attrapant un objet au hasard. – Essayez un peu pour voir... Oh zut, il m'a échappé...

Il laisse tomber l'objet qui se brise au sol.

FRÉDO, menaçant. – C'est fou comme on est maladroit quand on est énervé.

Ils sont tous deux très près d'Alexis et l'entourent de leurs bras.

PAULO, très près à Alexis. – Tu vois mon grand, si c'était au poker, t'aurais au moins gagné une paire.

On frappe à la porte de façon forte.

FLORENTINE, comme chez elle. – Entrez !

FABRICE, mécontent. – Ça vous ennuierait de me laisser commander chez moi !

La porte s'ouvre et une femme beaucoup plus âgée qu'Alexis entre. Elle a fière allure et est bien vêtue. Elle se dirige directement vers Alexis, bras grands ouverts.

MERCÉDES. – Alexis, mon amour ! Que je suis contente de te revoir. Tu es parti un soir d'été... sans un regard, sans m'embrasser... sans un regard sur le passé...

FRÉDO, chantonnant. – Oh Mamy, Oh Mamy Mamy blue, oh Mamy blue...

ALEXIS, affolé. – Mercédes !

FABRICE, fataliste. – Je crois bien que la paire vient de se transformer en brelan !

Le rideau se ferme sur la chanson « Poker» de Charles Aznavour. Voir Youtube et lancer la chanson à « Je prends les cartes, je brasse les cartes etc... »

RIDEAU

ACTE 2

Le même jour, un moment plus tard. Alexis est parti se changer, accompagné de sa mère et de sa grand mère. Les deux frères sont assis. Fabrice est près de Mercédès.

FABRICE. – Mon fils, un gigolo ! Je le crois pas !

MERCÉDES. – Je vous défends de traiter Alexis de gigolo... C'est un être sain...

FABRICE. – Sain de corps, je veux bien... mais d'esprit, c'est moins sûr.

MERCÉDES, enflammée. – Notre rencontre a été merveilleuse et il m'aime...

FRÉDO. – J'savais pas qu'il était amateur d'antiquités, le matador...

MERCÉDES, méprisante. – Goujat ! L'amour n'a pas d'âge, pas de frontière, pas de couleurs.

FRÉDO, moqueur. – Au niveau couleur, on est un peu dans le ravalement de façade, là, non ?

MERCÉDES. – Nous nous sommes rencontrés...

FRÉDO, la coupant en riant. – Dans un vide grenier... (Ou autre marché d'antiquités près de chez vous.)

MERCÉDES, méprisante. – Malotru !

PAULO, agacé. – Frédo, sors téléphoner au boss pour lui expliquer la situation et lui demander la marche à suivre.

Frédo sort, non sans un regard moqueur vers Mercédès.

MERCÉDES. – Je m'appelle Mercédès de la Pinelière, épouse de feu Alexandre de la Pinelière , riche propriétaire d'importants vignobles sur les coteaux de la Loire. Alexandre qui était aussi tortueux qu'un cep de vigne... aussi grappu qu'un cépage de renom... grand amateur de vins ayant de la cuisse mais aussi grand amateur de cuisses qu'il courait en vain... Alexandre qui bonifiait sa vieillesse en me cocufiant à tour de bras...

PAULO, amusé, au public. – Avec les taureaux, il est vraiment attiré par tout ce qui porte des cornes, le Alexis...

MERCÉDES. – Lui, l'éternel soupirant a cessé de soupirer en rendant son dernier souffle, que j'imagine convulsif et joyeux, dans les bras d'une de ses innombrables maîtresses.

PAULO. – Mes condoléances.

MERCÉDES. – Vous arrivez un peu tard, jeune homme. C'était il y a dix ans, y a prescription. Mais depuis, je traîne ma misère, mon dégoût des hommes et ma fortune qui ne me sert plus à rien.

PAULO. – Si on peut vous donner un coup de main pour la fortune, n'hésitez pas.

MERCÉDÈS, rêveuse. – Jusqu'à ce que je rencontre Alexis sur le bateau en rentrant de Sardaigne, l'été dernier...

FABRICE, au public. – Tu m'étonnes qu'il ait oublié sa petite bergère sarde aussi vite.

MERCÉDÈS, rêveuse. – La mère était houleuse... le bateau tanguait... mon estomac se vrillait...

je vomissais mon repas du midi... des macaronis parsemés de copeaux de pecorino à peine digérés... et Alexis est arrivé, tenant une cuvette à la main...

PAULO. – Comme c'est romantique...

MERCÉDÈS. – Malade lui aussi, nous avons partagé la...

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