Bienvenue à l’hôtel de police

Dans un commissariat de police, la nervosité règne après l’annonce de la visite prochaine de la police des polices. Face à la pression de la hiérarchie, la délinquance et la menace de personnages peu fréquentables tels Toto la teigne, la chef du commissariat a fort à faire avec son équipe de bras cassés pour obtenir des résultats..

ACTE 1

Scène 1 / Planton / Commandant / Roro

Le planton est derrière le comptoir. On ne voit que son buste. (Il peut ne porter que le haut de l’uniforme et un short ou pantalon de survêt). Il répond au téléphone.

Planton / Police à votre service, bonjour ! .. Comment ? . Votre femme est partie ? … Elle est partie sans vous ? … Elle est partie avec votre voiture ? .. Vous avez le numéro de la voiture ? .. Ne vous inquiétez pas, on va retrouver la bagnole... Mais bien sûr... C’est ça.. A votre service..

Le planton pose le téléphone, baille et soupire, le téléphone sonne à nouveau.

Planton / Police à votre service bonjour ! .. Vous êtes réfugié dans des toilettes publiques. .. Et il y’a quelqu’un qui vous attend dehors.. Pour ? .. Vous.. casser.. la gueule.. D'accord.. Et vous nous appelez pour quoi ? .. Comment ? … Allô ? .. Allô ? (On entend des coups d'feu) .. Allô ?... Allô ? Y’a quelqu’un ? (Il raccroche et soupire) Il téléphone des toilettes, faut l’faire !

Il baille, prend un magazine et lit pendant quelque temps, puis la commandant entre, accompagnée d’un homme menotté (Roro). (Elle est du genre énergique)

Commandant / C’est pas trop dur ?

Planton / Euh... Bonjour Commandant.

Commandant / C’est quoi, ces fleurs ?

Planton / C’est des roses, Commandant.

Commandant / Ici, c’est l’hôtel de Police ! C'est pas un fleuriste !

Planton / Mais Commandant, c'est le nouveau ministre de la Police qui l'a dit, faut améliorer l'accueil.

Commandant / C'est ça Et à Noël, on mettra des guirlandes, je ferai le Père Noël et on distribuera des cadeaux à la place des baffes ?

Roro / Moi j’aime bien.

Commandant / (A Roro) On t’a sonné ?

Planton / Pourtant, le nouveau ministre de la Police, il veut que les gens se sentent chez nous comme chez eux.

Commandant / Je n'veux pas l'savoir ! Alors, vous me dégagez ça du comptoir !

Planton / Je vais en faire quoi, Commandant ?

Commandant / Vous n'avez qu’à les bouffer en salade 

Roro / C’est dommage de les jeter.

Commandant / Oh ! Tu sais à qui tu causes ?

Roro / Oui, mais quand même, ça coûte cher, et puis on paye des impôts.

Commandant / Ok. T’as envie d’causer ? Je vais t’faire causer, moi.

Planton / Quand même, le ministre de la Police, il a dit..

Commandant / Et le ministre de la police, il a dit aussi qu'on n'avait pas assez de résultats. En une semaine, vingt cambriolages, un seul meurtre, deux PV, et une insulte à un représentant de la loi en exercice ! Et nous, on cherche ; On cherche, on cherche, et on trouve pas.

Planton / Ah oui Commandant ! Même que c'est vous qui avez été la dernière victime.

Commandant / Un petit malin. Monsieur a dit «cot cot» en passant devant moi en voiture.

Roro / Il a dit cot cot ? C'est marrant non ?

Commandant / Toi, tu vas finir en bavure.

Planton / Vous n'auriez peut-être pas du tirer, Commandant ?

Commandant / J'ai tiré dans les pneus. C'est pas d'ma faute s'il a atterri dans une boucherie.

Planton / Et l'autre, en plus, il a porté plainte et il sait même pas conduire !

Commandant / Résultat, c'est moi qu'on enquiquine. Ils ont ouvert une enquête. La police des polices des polices.

Roro / Vous allez aller en prison, commandant ?

Commandant / (Mécontent) Encore un mot et ça va être de la légitime défense !

Planton / Ils vont venir quand, commandant ?

Commandant / J'en sais rien, mais d'ici là, faut que ça tourne rond. .. Ah ! J'oubliais ; la nouvelle recrue arrive aujourd'hui.

Planton / Une femme ?

Commandant / Pourquoi ? Ça dérange ?

Planton / Euh non. J'aime bien les femmes. Même que j'en ai eu une pendant pas mal de temps. Et la nouvelle, qu'est-ce qu'elle va faire ?

Commandant / La même chose que vous. Alors, vous l'accueillez et vous lui apprenez le métier, pigé ?

Roro / C'est pas gagné..

Commandant / (A Roro) Pour toi si. T'as gagné, t'as même gagné le gros lot. Alors tu vas m'expliquer ce que tu fichais dans la banque.

Roro / Je vous l’ai dit Commandant. J’étais dans la banque pour ouvrir un compte.

Commandant / Et pour ouvrir un compte, t’as besoin d’un revolver ?

Roro / C’était pas pour m’en servir. C’est juste parce que dans la rue, si j'ai pas mon petit revolver, j'ai peur.

Commandant / T’es une victime, quoi.

Roro / C’est ça commandant, je suis une victime. Depuis que je suis tout petit, c’est toujours sur moi qu’ça tombe.

Commandant / J'ai une mauvaise nouvelle, ça va encore te tomber sur la tronche. Allez, rentre là d’dans qu’on discute. Tu vas me raconter ta vie, j’adore les contes de fées.

Elle rentre dans son bureau avec le Roro. Le planton reste seul.

Scène 2 / Planton / Madame Moulette

Planton / C’est quand même dommage de jeter des fleurs. Au prix qu’ça coûte..

Madame Moulette entre

Madame Moulette / Bonjour Monsieur l’agent, je viens pour dénoncer.

Planton / (Sans lever la tête) Prenez un ticket. (Dispositif pour régler les files d’attente)

Madame Moulette / Je suis toute seule.

Planton / Moi aussi. Alors, les clients prennent un ticket et ils attendent leur tour.

Madame Moulette / Mais y'a que moi !

Planton / On a acheté une machine à tickets, on prend le ticket !

Madame Moulette prend un ticket

Madame Moulette / Alors je viens parce que chez moi, je me sens pas en sécurité.

Planton / Je ne vous ai pas encore appelée.

Madame Moulette / Mais j'ai pris un ticket.

Planton / On attend son tour !

Madame Moulette / Et ben, bonjour la police..

Planton / Comment ?

Madame Moulette / Euh.. J'ai dit bonjour.

Planton / Non madame ! Vous avez dit : Bonjour.. la police. Avec une intention de sous-entendu ! C'est comme qui dirait une injure à l'autorité. Alors attention ! Tentative d'insulte à un représentant de l’ordre, c’est la taule direct !

Madame Moulette / Bien monsieur..

Planton / On dit : monsieur l'agent !

Madame Moulette / Bien monsieur l’agent. Alors, je viens parce que chez moi..

Planton / Allez-vous asseoir !

Madame Moulette / Mais pourquoi ?

Planton / Allez vous asseoir ! On va vous appeler.

Madame Moulette / (Elle ronchonne) Et bien, bonjour le service...

Mécontente, madame Moulette va s’asseoir. Le planton feuillette son magazine (Le jeu consiste aussi à énerver le public en le faisant aussi attendre) Après quelques instants, il l’appelle)

Planton / Le numéro 1 ?

Madame Moulette ne réagit pas.

Planton / (Il hurle) Le numéro 1.

Madame Moulette / (Elle regarde autour d’elle puis s'adresse au public) Le numéro 1 !Ah ben c’est moi (Elle se lève et va lentement au comptoir)

Planton / Surtout, ne vous pressez pas..

Madame / Mais monsieur monsieur l'agent. Vous savez, à mon âge..

Planton / C'est pas une excuse. Dans les manifs, même les vieux courent.

Madame Moulette / Je peux pas aller plus vite, je suis à fond.

Planton / (Elle est au pied du comptoir) C'est pas trop tôt.. Alors, Nom ! Prénom ! Date de naissance ? Profession ?

Madame Moulette / Mais c’est juste pour dénoncer.

Planton / Nom ! Prénom ! Date de naissance ! Profession !

Madame Moulette / Euh.. Madame Moulette Rosine. e.. Euh ..

Planton / Où ça ?

Madame Moulette / En France !

Planton / Quand ?

Madame Moulette / J'étais trop jeune, je m’en rappelle plus.

Planton / Carte d’identité ?

Madame Moulette / Mais on m'connaît dans l'quartier. Même que des fois je vous croise dans la rue.

Planton / Ici je suis pas dans la rue ! Carte d'identité !

Madame Moulette / Quand je fais les courses, le boucher il me la demande jamais.

Planton / Alors comme ça, vous circulez sans papier ?

Madame Moulette / Ben oui, je m'excuse. Parce que je viens à cause d’un voisin.

Planton / C'est votre voisin qui a vos papiers ?

Madame Moulette / Ben non. Et puis je l'aime pas mon voisin. Mon chien aussi, il l'aime pas. En plus je l'ai laissé tout seul.

Planton / Le voisin ?

Madame Moulette / Non. Le chien. Avec mes papiers.

Planton / C'est le chien qui a vos papiers ?

Madame Moulette / Non. Mais mon chien, un de ces jours il va l'mordre. Parce que quand je me déshabille le soir devant la fenêtre où y’a pas de rideaux, et ben il regarde.

Planton / Le chien ?

Madame Moulette / Non. le voisin.

Planton / Qu'est-ce qu'il regarde ?

Madame Moulette / Ben moi. Parce que avant, je travaillais dans le Crazy Corse. Alors forcément, ça excite.

Planton / Le Crazy Corse ? C'est pas une petite boîte de strip-tease 7 rue de l'impasse ?

Madame Moulette / Si. Vous connaissez ?

Planton / Pas du tout !.. Vous faisiez quoi dedans ? Le ménage ?

Madame Moulette / Ah non. J'étais danseuse, effeuilleuse, et tous les soirs on faisait le plein.

Planton / Le plein de quoi ?

Madame Moulette / Le plein de gens.

Planton / Y'a longtemps ?

Madame Moulette / Un peu, mais on m'a mis à la retraite, soit disant que j'avais plus l'âge. En plus, j'étais toujours réclamée. Alors forcément, le voisin, il doit être au courant.

Planton / Carte d’identité !

Madame Moulette / Forcément, je pourrais éteindre la lumière, mais j’ai peur dans l’noir.

Planton / (Il crie) Carte d’identité !

Scène 3 : Planton / Commandant / Madame Moulette

La Commandant surgit. Elle a les manches retroussées comme si elle venait de passer Roro à tabac

Commandant / Qu’est-qui s’passe ?

Planton / Elle a pas d’papiers.

Madame Moulette / C’est à cause de mon voisin.

Commandant / Votre voisin a volé vos papiers ?

Madame Moulette / Non, mais il me regarde.

Commandant / Il vous regarde ?

Planton / Il doit être miro..

Madame Moulette / Je voudrai avoir le droit d'asile.

Planton / Elle veut aller à l'asile ?

Madame Moulette / Je veux rester là. Parce que mon voisin, y m'fait peur. Est-ce que j'peux rester ? S'il vous plaît ?

Commandant / C'est rare qu'on nous demande ça..

Planton / Qu’est-ce qu’on fait, Commandant ?

Commandant / Passez lui les menottes et gardez là à l’œil, je m’en occuperai tout à l’heure.

Le planton lui passe les menottes et la fait s’asseoir.

Madame Moulette / Je suis retraitée ! J’ai rien fait !

Planton / Moi non plus.

Commandant / Et surtout, on la ferme ! J'ai un dossier à finir et j'aime pas être dérangée.

La Commandant va dans son bureau

Scène 4 : Planton / Madame Moulette / Lieutenant

Le planton reprend sa lecture tandis que Madame Moulette crie doucement vers le public

Madame Moulette / Au s'cours..

Après quelques instants, un homme entre. Il porte une cagoule, pointe un revolver sur le planton qui continue à lire son magazine sans même lever la tête.

Lieutenant / (Si c'est une femme, elle est du genre viril) La caisse où je t’explose la tronche !

Planton / Je vous prie de m’excuser, mais vous devez confondre avec le café d’en face ?

Lieutenant / Excusez-moi, je ne suis pas «Au bar des amis» ?

Planton / Ah non ! Là vous êtes dans un commissariat de police.

Lieutenant / A chaque fois, je m'trompe.

Planton / L'erreur est humaine.

Lieutenant / Et le café, il est ouvert ?

Planton / (Il lâche son magazine et sort deux verres) Il est toujours ouvert. Alors, qu’est-ce que j’te sers ?

Le lieutenant enlève sa cagoule.

Lieutenant / Comme d'habitude.

Planton / Le spécial poulets ! (Il le sert)

Lieutenant / Oh ! J'prend pas des boissons de gonzesse. Mais comment tu m'as r'connu ? Même avec la cagoule.

Planton / Le flair !

Lieutenant / Le flair ? Mais je ne mets pas de parfum.

Planton / Justement, on te sent venir à vingt kilomètres.

Lieutenant / (Il boit) C'est fort.

Planton / Ça vient de Bretagne. La semaine dernière, on a confisqué deux camions citernes à la frontière. Une vraie potion magique.

Lieutenant / Ça te met debout tout d'suite.

Planton / Un verre tu t'lèves, deux verres, tu cours, trois verres, tu t'couches ! Allez ! Vive les bretons  ! (Ils trinquent)

Lieutenant / Sinon ça va, toi ?

Planton / Ça irait mieux si la chef n'était pas à prendre avec des pincettes.

Lieutenant / (Il rit) Elle est jamais à prendre, .. Même avec avec des pincettes.

Planton / En c'moment, c'est pire. Faut faire du résultat, et en plus, on attend la police des polices des polices. Alors madame a ses vapeurs, et faut que tout soit impeccable. Ca fait trois fois que je nettoie le commissariat.

Lieutenant / Tu nettoies le commissariat ?

Planton / Obligé ! Depuis que la femme de ménage a été virée.

Lieutenant / Vous avez viré la femme de ménage ?

Planton / Elle avait piqué deux trombones. La chef voulait la mettre en taule mais paraît qu'ils manquent de place. Résultat, c'est moi qui me tape le ménage. Hier j'ai passé la toile pour effacer les traces.

Lieutenant / Effacer les traces dans la police c'est rare.

Planton / Les traces de pas. Les gens qui viennent, ils s'essuient même pas les pieds.

Lieutenant / La prochaine fois, promis, je m'essuie les pieds

Planton / Tu comprends, moi le ménage, c'est pas mon truc. Moi je suis fait pour l'action.

Lieutenant / Ta chef, c'est pas une facile.

Planton / Moins fort..

Lieutenant / Faudrait s'y mettre au moins à quatre quand on la chatouille. . (Il voit Madame Moulette) Oh ! Elle est nouvelle dans l’quartier ? Et dis donc, elle date pas d'hier .

Planton / Elle date d'avant hier. Elle doit avoir une petite retraite, mais faut bien vivre. .. Allez, santé ! Et puis dans la police, la santé, ça compte ! (Il rit)

Lieutenant / La santé ?

Planton / La santé !

Lieutenant / Ah oui ! Et à la Santé, les délinquants, on les soigne ! Allez ! A la tienne !

Planton / (Ils rient ensemble) Au fait ? Qu’est-ce qui t’amène ?

Lieutenant / Paraît que ta chef a pêché un gros poisson

Planton / Ah bon ? Je m’disais aussi, il a le regard vitreux.

Lieutenant / Forcément ! C’est Roro le vicieux.

Planton / Roro le vicieux !

Lieutenant / Oui monsieur. Roro le vicieux.

Planton / Roro le vicieux ! Roro le vicieux ! .. Mais c’est qui ?

Lieutenant / Le magasin de vêtements de l’avenue Suchon, c'est lui.

Planton / Il vole des vêtements ?

Lieutenant / Oui monsieur. Des petites culottes de femme. Et il les met même pas.

Planton / C'est pas sa taille ?

Lieutenant / Je sais pas, mais toutes les semaines, il se fait un magasin. Tiens ! Celui de l'avenue Kalbut. La caisse plus trois soutien-gorges ! Et il s'en sert pas !

Planton / Ca doit pas être sa taille non plus. (Il rit de sa plaisanterie)

Lieutenant / Roro le vicieux, s'il faisait que les magasins de fringues, bon, c'est pas grave, mais là, il vient de braquer une petite banque. Tu t'rends compte, une banque ! Déjà qu'elles ont du mal à vivre..

Planton / Et nous on fait de la paperasse, et pendant c'temps là, on n'est pas sur le terrain.

Lieutenant / Parce que sur le terrain, il en faut, des comme nous.

Planton / Et donc, t'es venu en renfort ?

Lieutenant / Services spéciaux !

Planton / T'es plus dans les CRS ?

Lieutenant / Non. C'était trop mou. C'est un nouveau service. Mais j'ai gardé la devise. CRS ! Communiquer ! Rassurer ! Solutionner ! En cas de coup dur, faut des renforts à la hauteur. (Il regarde le public) Et moi, les branleurs, y m’font pas peur.

Planton / T'as c'qu'il faut sur toi ?

Lieutenant / (Légère allusion sexuelle) J'ai toujours tout ce qu'il faut sur moi. (Il sort son revolver)

Planton / (Examinant le revolver) C'est du gros calibre.

Lieutenant / Avec ça, même une baleine, elle y passe.

Le lieutenant lui donne son revolver. Le planton l'examine, le pointe, puis sans le faire exprès, tire. Le coup part, Madame Moulette s'écroule sur sa chaise.

Planton / Oh ben merde.

Scène 5 : Planton / Madame Moulette / Lieutenant (e) / Commandant

La Commandant sort aussitôt. Elle pointe son revolver dans toutes les directions

Commandant / Rendez-vous ou j'tire !

Madame Moulette / (Elle revient à elle) J'ai pas d'carte d'identité.

Lieutenant / (Le Lieutenant va voir madame Moulette) Elle est pas morte.

Commandant / (Elle pointe son revolver sur madame Moulette) C'est elle qu'a tiré ?

Lieutenant / Ben non..

Madame Moulette / Il m’a fait peur, l’autre là.

Planton / Je l'ai pas fait exprès !

Lieutenant / C'est comme qui dirait une bavure involontaire.

Commandant / Mais vous êtes plus dangereux que des gangsters !

Planton / C'est parti tout seul.

Lieutenant / Heureusement, il l'a ratée. Il raterait une vache dans un couloir.

Madame Moulette / Je sais pas où qu'elle est, ma carte d'identité ?

Commandant / Vous voyez pas qu'on discute ?

Lieutenant / Elle radote. Ça doit être le choc. Les vieux, c'est vite choqué.

Scène 6 : Planton / Lieutenant / Commandant / Roro / Madame Moulette

Roro sort et tente de s'en aller discrètement, il a un œil au beurre hoir, zozote, il est très amoché.

Commandant / Un pas d'plus, t'es mort.

Roro / Ve foulais pas fortir.

Lieutenant / Tu prends la chef pour une quiche ?

Roro / Fûrement pas, ve m'inquiétais.

Lieutenant / Le pt'it vicieux, il voulait nous quitter.

Roro / Ve m'excuve.

Commandant / On m'quitte pas comme ça moi ! Et maintenant, retour au parloir ! Et va falloir que tu causes !

Roro / V'ai touvours du mal à m'efprimer.

Lieutenant / T'as pigé ! La Commandant c'est comme le p'tit Jésus. Avec elle, même les sourds retrouvent la parole.

Planton / Et les muets se mettent à boire !

Roro / Fi fous afez autre fove à vaire, ve peux pafienter.

Commandant / On t’a sonné. Allez rentre là-dedans.

Planton / Et la dame ?

Commandant / On verra ça plus tard. Les retraités, ça peut attendre.

Madame Moulette / J’ai faim !

Lieutenant / On s'en fout !

Madame Moulette / Oui, mais j'ai faim.

Le lieutenant, la commandant et Roro rentrent dans le bureau. La commandant ferme la porte

Planton / Faut pas réclamer, sinon vous allez finir par manger d'la purée.

Madame Moulette / J’en mange déjà.

Scène 7 : Planton / Madame Moulette

Madame Moulette / J’en fais tous les jours, de la purée.

Planton / Vous avez la recette ?

Madame Moulette / Vous allez en faire ?

Planton / Peut-être.. Chez moi, c'est moi qui fait la cuisine

Madame Moulette / Vous n'avez pas une femme ?

Planton / J'en avais une, mais elle est partie. Et elle m'a pas dit pourquoi.

Madame Moulette / D'accord, je vous la donne, mais après j'aurai à manger ?

Planton / Dix kilos d'purée si vous voulez.

Madame Moulette / Et du poulet ?

Planton / Y' pas d'poulet ici.

Madame Moulette / Je veux du poulet !

Planton / Ok. Bon. La recette !

Madame Moulette / Ah ! Alors, d'abord faut des pommes de terre.

Planton / Attendez ! Je note (Il sort une machine à écrire (ou ordinateur) et tape comme pour un interrogatoire) Des pommes de terre comment ?

Madame Moulette / Des fermes mais pas trop, c’est pas pour faire des frites. Alors, moi je prends mon grand couteau, je leur fais toujours un petit trou pour voir si c'est assez ferme, puis après je les épluche, lentement, puis après, je les découpe en petits morceaux..

Planton / (Il tape au fur et à mesure) En petits morceaux..

Madame Moulette / (Quand elle donne la recette, elle devient de plus en plus sadique, voire cruelle) A la fin je les lave, puis je les mets dans de l'eau et je les fais cuire jusqu'à c'que ça bouille.

Planton / Avec vous, faudrait pas être une patate..

Madame Moulette / Et la fin, je les écrabouille avec un presse purée.

Planton / Si elle s’en sort la patate, elle a du bol.

Madame Moulette / Puis je mets un peu de lait et j'ajoute toujours un petit truc en plus que y'a que moi qui connaît.

Planton / Et c’est quoi ?

Madame Moulette / Je veux pas l'dire.

Planton / Chez nous, on dit tout !

Madame Moulette / Jamais ! Jamais je l’dirai !

Planton / Attention, on peut s'fâcher..

Madame Moulette / Je mets du poulet. J'adore le poulet !

Planton / Ok. Bon. Et après ?

Madame Moulette / Et après, je mange tout. Parce que moi, j’aime bien manger.

Scène 8 : Planton / Annabelle / Madame Moulette

Annabelle entre (Elle a une tenue plutôt provocante)

Planton / Bon.. Bon.. Bonjour. A votre service bonjour. C'est pour quoi.

Annabelle / Je viens pour la place d'employée de la police. On m'a dit de venir aujourd'hui. Alors c'est ça mon bureau ?

Planton / Doucement. Donc c'est vous. Euh.. votre bureau. Et bien, oui, il est là.

Annabelle / On m'avait dit que j'aurai un grand bureau.

Planton / Qui ça ?

Annabelle / Mon tonton. Mon tonton connaît très bien un cousin du ministre de la police. Mais heureusement j'ai été prise pour mes qualités.

Planton / Et c'est quoi vos qualités ?

Annabelle / Je suis polie, je suis bien élevée, et j'adore faire les magasins.

Planton / D'accord...

Annabelle / C'est quoi qu'on fait ici ?

Planton / Ici, on répond aux clients, on les accueille.

Annabelle / Et c'est tout ? .. Je vais avoir un fusil ?

Planton / (Il montre un balai) Avant, faudra passer des p'tits coups de balai, et nettoyer un petit peu les petits bureaux.

Annabelle / Je vais faire le ménage ! Mais j'ai pas le diplôme !

Planton / Juste au début ! Et dans vingt ans, quand vous aurez gagné tous les concours, vous ne ferez plus le ménage.

Annabelle / Et pour ma formation ?

Planton / C'est moi qui vous forme. Fallait un spécialiste. Et moi, je connais toutes les ficelles.

Annabelle / Alors là, merci. Vous êtes drôlement gentil. Et où est-ce que c'est que je me mets ? Je me mets là ? (Elle va derrière le comptoir)

Planton / C'est ça. Et puisqu'on va bosser ensemble, on pourrait peut être se tutoyer. Comme ça on irait plus vite.

Annabelle / Pour aller où ?

Planton Pour faire le travail. Comme ça, on ne perdrait pas de temps en présentation. Moi, mon petit nom c'est Gabriel.

Annabelle / Gabriel. Je connais déjà un Gabriel.

Planton / C'est pas moi.

Annabelle / Ah ben oui. Et moi, c'est.. Annabelle.. (Elle remarque Madame Moulette) C'est qui la dame ?

Planton / C'est une.. Une femme du quartier. Elle fait l'trottoir.

Annabelle / Elle travaille pour la municipalité ?

Planton / Non. Elle fait le trottoir.

Annabelle / Ah d'accord.. Ben dis donc. Et ça paye bien ?

Planton / Je sais pas, j'en ai jamais fait.

Madame Moulette / J'étais pas sur le trottoir, j'étais à la fenêtre !

Planton / Une femme qui se déshabille à sa fenêtre, c'est pas pour faire les carreaux.

Madame Moulette / Ils sont propres, mes carreaux.

Planton / Elle attire le promeneur, elle attise, elle excite, et ensuite, j'te fais pas un dessin, hein ?

Annabelle / (A Madame Moulette) Et après, vous faîtes quoi ?

Madame Moulette / Après je fais la cuisine.

Planton / En plus, après elle fait resto. C'est pas con ça.

Annabelle / Vous faîtes quoi comme cuisine ?

Planton / (Hilare) Du boudin aux pommes !

Madame Moulette / De la purée. J’aime bien la purée.

Annabelle / Et vous avez un mari à vous ?

Planton / Un maquereau.

Madame Moulette / Il est mort. Je vis avec mon chien.

Planton / La pauvre bête..

Annabelle / Il est mort comment ? Un règlement des comptes ? Une grande bagarre ?

Madame Moulette / Il s’est étouffé à cause d’un os de poulet dans la purée.

Planton / Elle a pas l’air comme ça, hein ?

Annabelle / Si elle est comme ça, c'est sûrement à cause de ses parents. Elle a pas du avoir une vie pas facile

Planton / Ses parents non plus..

Annabelle / On va la garder longtemps ?

Planton / Incitation à la débauche, elle est pas sortie du poulailler.

Annabelle / Ah bon ? Elle fait ? Non ? Elle fait ? Non ?

Planton / Et oui.. Bon, maintenant, on passe à l'apprentissage. Tu vois, ce truc là, c'est un..

Annabelle / Téléphone !

Planton / Et un téléphone qui appartient au commissariat. Faut pas l'quitter des yeux. Ca fait trois fois qu'on nous l'pique.

Annabelle / Ah d'accord. Et je fais quoi avec ?

Planton / Dès que ça sonne, tu réponds au client. Et alors, très important ! A chaque fois, tu dis : «Police à votre service, bonjour».

Annabelle / (Voix hôtesse de l'air) Police à votre service, bonjour..

Planton / C'est incroyable. Quant tu parles, j'ai l'impression que je vais prendre un avion

Annabelle / L'accueil, j'en connais un rayon. J'ai déjà travaillé dans l'accueil. Dans une agence matrimoniale pour célibataires. (Sur un ton racoleur) Vous voulez parler à Vanessa, tapez 1.., vous voulez parler à Émeline, tapez 2.. Alors, là, vous allez pas être déçu.

Planton / C'est exactement ça qu'il faut. Le nouveau ministre, il l'a dit : L'accueil ! Toujours l'accueil !

Annabelle / Et encore l'accueil ! Et qu'est-ce qu'on fait quand on fait rien ?

Planton / On attend.

Annabelle / Vous n'avez pas la télé ?

Planton / On a que la radio. Radio poulets ! Mais y'a jamais d'chansons.

Annabelle / Ca manque de coqs ?

Planton / Comment ?

Annabelle / Chanter ! Des coqs !

Planton / Ok. Bon, je te laisse. Parce que là, ça fait un moment que je me retiens, mais faut vraiment faut que j'y aille.

Annabelle / Tu pars en mission ?

Planton / Non. Je vais aux..

Annabelle / Tu vas où ?

Planton / Secret Défense, ça devient urgent. Et surtout, n'oublie pas. «Police à votre service bonjour ?» Faut être très aimable au téléphone. En plus, des fois, ils enregistrent. (Chuchoté) On est sur écoute.. Alors, y'a intérêt à l'dire sinon on t'enlève des points.

Annabelle / Pour le permis ?

Planton / Pour la retraite. Alors je compte sur toi. Et tu notes les demandes.

Annabelle / T'en fais pas, je te prends tout en main.

Le planton sort, on voit qu’il n’a pas un uniforme complet. (Short ou pantalon de survêt)

Annabelle / Et bien dis-donc, tu vas faire du sport ? T'es un sportif ?

Planton / Ah mince ! J'y pense jamais. C'est parce que je viens en courant au boulot. Alors comme ça, en short, j'arrive plus vite. Hé ! Un poulet qui court, c'est plus costaud. Prend en de la graine !

Annabelle / Prend en d'la graine ?

Planton / De la graine. Les poulets ! Ok.. Bon. J'y vais.

Il sort

Scène 9 : Annabelle / Madame Moulette

Madame Moulette / J’ai faim !

Annabelle / Vous avez pas mangé avant de venir ?

Madame Moulette / Tout ça c'est à cause de l'autre vicieux.

Annabelle / Dans votre métier, c'est pas rare.

Madame Moulette / Moi les vicieux, je les mettrai contre un mur, et pan !

Annabelle / Il resterait pas grand monde..

Madame Moulette / Comme ça, il nous arriverait rien.

Annabelle / Vous seriez au chômage. Et qu'est-ce que vous mangeriez ?

Madame Moulette / De la purée.

Le téléphone sonne, Marie Gisèle décroche

Annabelle / (Elle parle sur un ton de vendeuse aguicheuse par téléphone) La police à votre service bonjour.. Nous vous prévenons que cette conversation peut être enregistrée. Si vous êtes d’accord, tapez un. Si vous n’êtes pas d’accord, tapez deux… Attention ! Cette conversation vous sera facturée vingt-quatre euros la minute…Pigé ? Bien. Alors… S’agit-il d’un accident, tapez un, d’un suicide, tapez 2, d’un crime, tapez 3, ou autre, tapez 4. (Elle attend puis crie) Tapez !

Ah. Le 4 ! S’agit-il de votre propre mort.., tapez 1, de la mort de quelqu’un d’autre, tapez, 2

2 ! .. Êtes-vous l’assassin.., tapez 1, un témoin, tapez 2, ou d’un membre de la famille, tapez. 3

Le 3. .. La victime est-elle vraiment morte.., tapez 1, tout à fait morte, tapez 2, ou pas encore complètement morte, tapez 3.

Le 4 ! .. Vous appelez pour quoi ? Pour demander du secours, tapez 1, pour prévenir, tapez 2. … Alors ? .. Il a raccroché. Et après, ça va venir se plaindre.

Scène 10 / Annabelle / Lieutenant / Madame Moulette

Le lieutenant entre

Lieutenant / Ah ! la nouvelle ! (Il l'examine) Et là, c'est plutôt une bonne nouvelle..

Annabelle / Je m'appelle Annabelle.

Lieutenant / Avec Annabelle, faîtes vous la belle !

Annabelle / Oh.. Oh...

Lieutenant / Moi, c'est Dominique. Alors, Annabelle, on cherche le frisson..

Annabelle / Le frisson ? Faut je mette un pull ?

Lieutenant / Pas la peine, on haussera le chauffage.

Annabelle / Je préfère parce que j'aimerais pas que j'attrape un pneumologue.

Lieutenant / Moi je ne crains rien, je peux tenir douze heures dans un frigo.

Annabelle / Douze heures dans un frigo !

Lieutenant / Et sans manger !

Annabelle / Dans un frigo !

Lieutenant / J'ai eu un entraînement spécial. Celui des «Extrême-Commando». Douze heures dans un frigo, deux jours dans un sauna, seul ! Moins quarante dehors, quarante de fièvre à l'intérieur !

Annabelle / Et après vous avez droit à des massages ?

Lieutenant / Je me masse moi-même. Lieutenant Dominique. En cas de problème, on fait appel à moi ou à quelqu'un dans mon genre.

Annabelle / Et vous répondez au téléphone ?

Lieutenant / Oh ! On va s'tutoyer. Ici c'est une grande famille.

Annabelle / J'oserais jamais. Vous êtes quand même au dessus de moi

Lieutenant / Au dessus, au dessous, c’est comme tu veux.. Alors comme ça, tu fais l'téléphone. Moi j'adore les petits combinés.

Annabelle / J'aime bien le téléphone, mais je trouve qu'il se passe pas grand chose.

Lieutenant / Tu aimes quand il se passe quelque chose..

Annabelle / Ah oui, mais là, je trouve que c'est un peu mort.

Lieutenant / Qu'est-ce tu veux, y’a moins d’crimes qu’avant.

Annabelle / C'était bien avant ?

Lieutenant / C'était l'bon temps, mais si ça continue, qu’est-ce qu’on va devenir ? Si y’a moins d’vols, si y'a moins d’crimes, comment qu’on va vivre si y’a pas d’morts ?

Le téléphone sonne.

Annabelle / Je vais répondre

Lieutenant / Laisse..

Annabelle / Ah ça c'est gentil. Je vais en profiter pour aller me maquiller un peu. Parce que pour l'accueil, je trouve que c'est un peu léger.

Lieutenant / Moi je trouve que c'est dommage. Tu mériterais qu'on te voie au téléphone.

Annabelle / C'est où les toilettes ?

Lieutenant / Au fond du couloir, à côté des cellules.

Annabelle / Des cellules ? C'est dangereux ?

Lieutenant / Tant qu'on s'trompe pas d'porte, ça va. C'est celle où y'a pas de barreaux.

Annabelle / J'espère parce que je voudrais pas qu'on m'attaque, j'ai pas été formée dans un frigo, moi.

Lieutenant / T'en fais pas, tu cries, j'arrive.

Annabelle sort

Scène 11 / Madame Moulette / Commandant / Lieutenant / Roro

Madame Moulette / Et ma purée ?

Lieutenant / La purée, ça s'mérite. (Il prend le téléphone et crie, agressif) Police à votre service bonjour ! .. Comment ? .. Oui... Connard ? Oui.. Avec deux n ? .. Merci.. Pardon ? En.. En quoi ? .. Ah. Avec un c.. Merci.. C'est tout. Moins vite s'il vous plaît... Va.. te faire … D'accord ! Très bien. Oui je transmettrai au Commandant. .. C'est ça. Bonne journée !

Il raccroche, le téléphone sonne à nouveau.

Lieutenant / Police à votre service bonjour ! …......... Quoi ? (Il va dans l’bureau du Commandant. Patron ? Une urgence ! Y’a comme qui dirait du grabuge. Un tapage nocturne !

Commandant / Un tapage nocturne ! En plein jour ! Où ça ?

Lieutenant / 7 rue des petits moineaux. .. (Il appelle) Commandant !

Commandant / (Aussitôt la Commandant sort. Elle a une cagoule et porte un sur-vêtement. Le lieutenant met aussi sa cagoule. Un troisième cagoulé (Roro) les rejoint. La Commandant est suréquipée ainsi que le lieutenant qui prend du matériel derrière le comptoir . Les casques ! Les grenades ! Les gilets pare-balles ! Tenue de combat ! Mais attention, approche psychologique !

Lieutenant / C'est quoi une approche psychologique, chef ?

Commandant / On assomme d’abord, et après on discute !

Lieutenant / Oui chef !

Commandant / J'entends rien ! Comment ?

Lieutenant et Roro / (Ils hurlent) Oui chef !

Roro / Oui fef.

Commandant / On n’est pas deux d’habitude ?

Lieutenant / Euh. Oui. (Il compte) Un deux.. (Il voit Roro)

Commandant / C’est qui l’troisième ?

Roro est gêné, il baisse la tête.

Lieutenant / On t’a r’connu.

Roro / (Il enlève sa cagoule) V’ai vamais d’fanfe.

Commandant / Tu me mets ça au frais. Je m’en occuperai à mon retour

Planton / Et l'autre, chef ! Je la mets avec le vicieux ?

Madame Moulette / J'veux pas d'un vicieux ! J'aime pas les vicieux.

Roro / Perfonnellement, ve penfe que faut pas la forfer.

Commandant / (Le menaçant d’une baffe) Tu veux qu’on discute ?

Roro / F'est touvours moi qui trinque.

Commandant / Ok. (Madame Moulette) Hop ! Dans mon bureau !

Lieutenant / Dans votre bureau chef ?

Commandant / (Au lieutenant) Tu me l'attaches au radiateur.

Lieutenant / (Il crie) Oui chef !

Madame Moulette / On va à la cantine ?

Lieutenant / C'est ça, c'est par là..

Madame Moulette / Moi j'aime bien la purée.

La Commandant sursaute. Le lieutenant emmène Madame Moulette dans le bureau du Commandant.

Commandant / Et celui-là, au placard !

Lieutenant / Ok. Allez, viens, on va t'mettre au frais.

Roro / Ve fuis innofent !

Le lieutenant emmène Madame Moulette puis revient. La Commandant voit le papier tapé par le planton. La Commandant lit le papier.

Commandant / Je prends mon grand couteau, je leur fais toujours un petit trou pour voir si c'est assez ferme, puis après je les épluche, lentement, puis après, je les découpe en petits morceaux, je les mets dans de l'eau et je les fais cuire, et après j'les bouffe ! .. Mais c'est quoi ça ? (Elle donne le papier au lieutenant)

Lieutenant / (Il lit le papier) .. Et du poulet ! Non ? La vieille est une tueuse !

Roro / Une tueuse ! Elle est venue pour moi ?

Commandant / Une tueuse de poulet.

Lieutenant / C'est une bonne nouvelle chef. Une tueuse, dans le commissariat. Des affaires comme ça, y'en a pas tous les jours. Je vois déjà les titres. La Commandant a arrêté une siriolkilleuse. Pour un peu j'irai l'embrasser.

Roro / Ve veux qu'on m'protève !

Commandant / Va l'boucler, y m'énerve.

Le lieutenant emmène Roro en cellule.

Scène 12 / Commandant / Planton

Le planton revient

Commandant / Félicitations !

Planton / Merci chef, c'est gentil.

Commandant / Modeste avec ça.

Planton / J'ai pas fait grand chose.

Commandant / Oui mais là, vous avez fait fort.

Planton / Oh Commandant.

Commandant / Ah si ! Et j'my' connais.

Planton / J'ai fait comme j'ai pu chef.

Commandant / Ça mérite une médaille.

Planton / Une médaille ? Quand même. Faut pas exagérer chef.

Commandant / Ah si ! Un truc pareil faut qu'ça s'sache. On va en parler à la télé ! La radio ! Interné ! On va te décorer comme un sapin d'Noël !

Scène 13 : Commandant / Planton / Lieutenant / Annabelle

Annabelle réapparaît, ultra maquillée et avec des bijoux partout.

Commandant / Qu'est-ce que c'est qu'ça ?

Annabelle / Vous êtes sans doute la «commissairaisse ». Je suis drôlement très enchantée de faire votre connaissance.

Commandant / On dit Commandant, pas "commissairaisse".

Annabelle / Ah ben oui, c'est du féminin. Faut me demander pardon, je suis encore à l'essai. C'est mon papa qui a voulu que je m'engage, Mon papa, il connaît bien le cousin du conseil des ministres.

Commandant / Je sais, mais pour rester, faudra mettre les bouchées double !

Annabelle / Des bouchées de quoi ?

Commandant / (Se parlant à elle-même) Ok.. C'est la pistonnée. .. De plus, nous risquons d'avoir une visite d'inspection.

Annabelle / (Très nunuche) Pour inspecter quoi madame la Commandante ?

Commandant / Ok... Je vais faire simple. Vous m'astiquez le commissariat, vous m'accueillez les clients, vous répondez au téléphone, et si vous faîtes l'affaire, je ne vous oublierai pas.

Annabelle / Faut que j’astique ? Et si je ne fais pas les affaires ?

Commandant / Je ne vous oublierai pas non plus. En attendant, nous, on a une mission ! Écartez-vous, je fais l'appel. Lieutenant ?

Le lieutenant revient

Lieutenant / (Il crie) Oui chef !

Commandant / On répond présent !

Lieutenant / Présent chef !

Commandant / Check-up ! Cagoule ? ..

Lieutenant / (Il crie à chaque fois, faisant sursauter la Commandant) Présent ! Euh oui chef !

Commandant / Lance-grenades ?

Lieutenant / Oui chef !

Commandant / Fusil d’assaut ?

Lieutenant / Oui chef !

Commandant / Gilet pare-balles ?

Lieutenant / Oui chef !

Commandant / Boules quiès ?

Lieutenant / Comment ?

Commandant / C’est un tapage nocturne ! Boules quiès !

Lieutenant / Oui chef !

Commandant / Casse-croûte ?

Lieutenant / Merde, j’ai oublié l’casse-croûte. 

Commandant / Tant pis ! On mangera en route ! On trouvera bien un p’tit resto. Un pour tous !

Lieutenant / Euh .. Je m’en rappelle plus

Commandant / C’est quoi la devise. Un pour tous ?

Lieutenant / Tous ensemble ! Tous ensemble, tous ensemble..

Commandant / C'est pas ça ! Un pour tous !

Lieutenant / Tous dehors !

La Commandant et le Lieutenant sortent en prenant toutes les précautions (couverture du partenaire, braquage du pistolet vers un ennemi imaginaire, etc..)

Scène 14 / Annabelle / Planton

Planton / Tu t'rends compte, je vais avoir une médaille.

Annabelle / Moi une fois j'ai eu une médaille dans un concours de beauté.

Planton / Quand tu seras à mon niveau, t'en auras aussi des médailles.

Annabelle / Pour être à ton niveau, ça sera pas facile.

Planton / Je sais, mais si je t'apprends toutes les ficelles, un jour tu seras commandant !

Annabelle / Moi ?

Planton / Pour grimper dans la hiérarchie, t'as tout c'qu'il faut.

Annabelle / Alors ça c'est gentil. J'avais peur d'oublier quelque chose.

Planton / Je te rassure, t'as rien oublié du tout. Au fait, elle est où, la vieille ?

Annabelle / Elle est dans le bureau de madame la Commandante.

Planton / Je vais lui jeter un œil. Alors si tu pouvais garder la boutique pendant cinq minutes.

Annabelle / Fais attention, des personnes âgées, des fois ça peut être méchant.

Planton / La centenaire qui va m'faire peur, elle est pas encore née ! (Il entre dans le bureau de la Commandant). Alors mamie, on a son p'tit couteau ?

Annabelle s’installe au comptoir, se remaquille et se fait les ongles. Le téléphone sonne, elle décroche.

Annabelle / Bonsoir.. La police à votre service bonjour. Annabelle à l’appareil. Ah non ? C’est pas un club de rencontres. C’est la police. .. C'est pourquoi ? Oui... Oui... Oui..

Exhibitionniste / A ce moment un exhibitionniste entre (Imperméable, lunettes noires, chapeau, méconnaissable). Sans un mot, il se met devant le comptoir et dos, au public il ouvre son imperméable. Annabelle le regarde sans le voir, l'exhibitionniste repart.

Annabelle / C'est ça. Bonne journée. (Elle raccroche puis se fait les ongles)

Le planton revient

Annabelle / C'est drôlement facile comme travail.

Planton / Facile ? Faut de la psyloco, de la ksypolo..

Annabelle / C'est sûr, il en faut.

Planton / Ah. Si c'est pas trop te demander, tu pourrais donner un p'tit coup d'balai dans l'couloir.

Annabelle / Un coup d'balai ? Mais pourquoi faire ?

Planton / Je peux pas l'faire moi-même, j'ai trop d'ancienneté.

Annabelle / Mais je suis secrétaire dans l'accueil.

Planton / Rappelle toi ce qu'a dit la chef.

Annabelle / (Très déçue) Où est qu'il est le balai ?

Planton / On va pas lancer un avis de recherche.. La dernière fois que je l'ai vu, il était dans l'couloir.

Annabelle va dans le couloir

Scène 15 / Planton / Avocat

Le planton reprend son journal. Le téléphone sonne. Il décroche puis raccroche aussitôt. Il reprend son journal puis le téléphone sonne encore. Il décroche.

Planton / Occupé !

Il raccroche et reprend son journal. Après quelques instants, l'avocat (e) entre.)

Avocat / Je désire voir mon client.

Planton / Un client ? J'ai rien commandé.

Avocat / Je suis avocat.

Planton / Avocat ? Vous avez des papiers ?

Avocat / Je n'ai pas besoin de papiers, je suis avocat.

Planton / Les avocats, ils mettent toujours une robe et un bavoir. Et vous en avez pas. Donc, faut les papiers.

Avocat / Et ça c'est quoi? (Il lui donne sa carte de visite).

Planton / Maître Dulour, avocat à la Cour. Ah d'accord... Et c'est qui votre client ? Roro le vicieux ?

Avocat / Je ne défends pas le petit gibier, je ne défend que des innocents.

Planton / Vous devez pas défendre grand monde..

Avocat / Madame Moulette.

Planton / La vieille !

Avocat / On dit : personne mûre d'un âge dépassé.

Planton / Comment vous avez été prévenu ?

Avocat / C'est pas moi le prévenu.

Planton / C'est vous qui allez la défendre. Et bien, c'est pas gagné.

Avocat / J'en ai défendu d'autres.

Planton / Et vous avez défendu qui ? On peut savoir ?

Avocat / Vous ne lisez pas la presse ?

Planton / J'ai pas l'temps, j'arrête pas de bosser.

Avocat / Vous vous rappelez ? Le PDG de la Banque pour tous.. «Votre pognon d'abord !»

Planton / Le PDG qui faisait de la fausse monnaie ?

Avocat / Sans moi, il serait encore en taule.

Planton / C'est pas malin. Un banquier en taule. Après on s'étonne que les gens aient peur d'aller à la banque. Un banquier ça peut vous vider un compte plus vite qu'un cambrioleur.

Avocat / Et le ministre !

Planton / Lequel ? Le ministre de de la Culture qui avait vendu la Joconde ? Le ministre de la Jeunesse qui voulait s'taper Miss France ? Le ministre du travail qui touchait l'chômage ? Ou le directeur de cabinet du ministre des Finances, qui piquait du papier cul à Bercy ? C’est vous ?

Avocat / Lui-même. Dès qu'il y a une saloperie quelque part, j'arrive. Et celui-là, sans moi, il ne s'en serait jamais sorti.

Planton / C'est que l’autre avec son histoire de cabinet, il s'était foutu dans une sacrée m..

Avocat / Comme vous dîtes.

Planton / Moi, je lui aurai mis dix ans d'taule ! Piquer du PQ qui appartient à la France, c'est dégueulasse.

Avocat / Chacun a droit à une seconde chance

Planton / Ici, piquer une feuille de PQ, c'est impossible. Les feuilles sont numérotées. Et en plus, depuis l'affaire du ministre même dans les toilettes, ils filment. Aux toilettes, un de ces jours, on sera obligé d'y aller à deux. Comme les motards ! Il en faut toujours un pour surveiller l'autre.

Avocat / Ils filment ? Donc, en ce moment, je pourrai être filmé. (Il se recoiffe) Et bien, c'est une honte.

Planton / Donc vous voulez voir madame Moulette. Pourquoi faire ?

Avocat / J'aimerais m'entretenir avec elle.

Planton / Vous entretenir ?

Avocat / Lui parler, discuter.

Planton / D'accord ! Un moment j'ai cru que c'était pour, hein, mais bon, chacun ses goûts..

Avocat / Il est où ?

Planton / Va falloir attendre le retour de la chef.

Avocat / Elle est où, la chef ?

Planton / Elle est en mission secrète, mais j'ai pas l'droit de l'dire.

Avocat / C'est quoi comme mission secrète ?

Planton / Elle est partie calmer un groupe d'individus suspects non identifiés qui font du tapage nocturne en plein jour.

Avocat / Très bien. Je vais l'attendre.. (Il voit la note sur le comptoir et la lit) C'est quoi ça ?

Planton / C'est confidentiel.

Avocat / C'est vous qui avez tapé ça ?

Planton / Avec un doigt. C'est fou ce qu'on peut faire avec un doigt.

Avocat / (Il relit le papier) Mais c'est un monstre.

Planton / C'est pas faux, physiquement.. y'a quelque chose.. Mais faut pas exagérer non plus

Avocat / Mais vous n'vous rendez pas compte ! Au contraire ! C'est génial ! C'est l'affaire du siècle.

Planton / L'affaire du siècle, l'affaire du siècle..

Avocat / Pour une fois, je vais défendre une coupable. Elle est où ?

Planton / Dans l'bureau d'la chef.

Avocat / Et vous la laissez toute seule ?

Planton / Oh là, elle ne risque rien.

Avocat / Je vois d'ici les titres. La grande plaidoirie de Maître Dulour. Je peux la voir ?

Planton / Normalement non. Mais bon ! On sait jamais. Des fois que l'envie me viendrait de piquer du papier cul.. Je ferai appel à vous. Même si c'est une petite affaire..

Avocat / Il n'y a pas de petite affaire ! Quand je prends une affaire en main, elle prend des proportions énormes ! Alors.. Allons voir ma future cliente... (Il lit encore) Elle en fait d'la purée, et le poulet, après elle le bouffe ! Ah (il lève les yeux au ciel) Merci ! Merci ! Une cannibale ! C'est merveilleux. (Il entre dans le bureau de la Commandant) Bonjour mamie, c'est votre avocat...

Madame Moulette / (On l'entend) J'veux pas d'légumes ! J'veux du poulet !

L'avocat ferme la porte

Scène 17 : Planton / Journaliste

Le planton sort son casse-croûte, pose une bouteille de vin sur le comptoir, se met une serviette autour du cou, etc). Un (ou une) journaliste entre.

Journaliste / Il est où ?

Planton / Oh ! Du calme ! Nom ! Prénom ! Carte d'identité

Journaliste / Je suis journaliste, à la voix des nouvelles.

Planton / (Il réajuste sa tenue) Un journaliste ! C'est pourquoi ?

Journaliste / Inutile de jouer au plus fin avec moi, je suis au courant.

Planton / Au courant de quoi ?

Journaliste / Écoutez mon vieux, avec moi on finit toujours par parler. Alors, si vous vouliez collaborer, on pourrait peut-être trouver un arrangement..

Planton / Je ne sais rien !

Journaliste / C'est ça, tout à l'heure, vous allez me dire que vous dormiez profondément. Seulement, moi, je suis journaliste, et tôt ou tard, tout finit dans l'journal. Alors, y'a intérêt à tout m'dire sinon on raconte des conneries, parce que les gens, quand y'a des conneries dans l'journal, ils l'achètent.

Planton / Vous savez, je ne suis que planton.

Journaliste / Justement ! Les plantons, c'est comme les concierges, ça voit tout.

Planton / Les concierges, eux au moins, des fois, ils ont des étrennes.

Journaliste / J'ai pigé. (Il sort un billet) Ça ira ?

Planton / (Il prend le billet) Oh mais fallait pas.

Journaliste / On m'a laissé entendre que vous auriez arrêté un gros vicieux chez vous.

Planton / Des gros vicieux, y'en a partout.

Journaliste / Inutile de nier, on m'a prévenu.

Planton / Je n'peux rien dire

Journaliste / Attention ! Refuser de parler à la presse, ça peut être grave.

Planton / Vous allez me prendre en photo ?

Journaliste / C'est pas prévu

Planton / Si j'suis pas dans l'journal, je vois pas pourquoi je l'achèterai après.

Journaliste / Ok. On va faire une photo. Allez, souriez !

Planton / J'ai pas l'droit d'sourire ! C'est interdit dans l'manuel. (Il prend un air méchant)

Journaliste / (Le journaliste prend la photo) Et voilà ! Et maintenant, à table !

Planton / Et ben oui. On a l'vicieux chez nous.

Journaliste / Roro le vicieux ?

Planton / Oui..

Journaliste / Roro le vicieux ! Vous avez Roro le vicieux !

Planton / J'viens d'vous l'dire.

Journaliste / Je peux l'voir ?

Planton / Il est pas visible.

Journaliste / Mon œil !

Planton / On l'a mis au placard.

Journaliste / Ok. Mais si je pouvais l'voir, j'aurais une information.

Planton / Je peux attendre, j'achèterai l'journal.

Journaliste / Dans ce cas, vous risquez d'être dedans.

Planton / En première page ?

Journaliste / A la rubrique des faire-parts. Avis de décès.

Planton / Attention ! Menace de mort à quelqu'un de vivant, vous pourriez vous retrouver au trou.

Journaliste / Ok ! Je vous l'dis, mais quand j'aurai besoin d'un p'tit service..

Planton / Un service ? Dans la police, on est là pour ça.

Journaliste / Y'a un contrat sur Roro le vicieux.

Planton / Un contrat d'assurance ?

Journaliste / Y'a quelqu'un qui veut lui faire la peau.

Planton / Un tatouage ?

Journaliste / Toto la teigne.

Planton / Toto la teigne ! Il veut se faire tatouer Toto la Teigne ?

Journaliste / Non monsieur. Toto la Teigne veut l'enlever de son carnet d'adresses ! Et d'après ce qu'on sait, faudrait mieux pas être là si l'envie lui prend de venir ici.

Planton / Merde. Toto la teigne ! (Il range son repas et sort. Il a une valise)

Journaliste / Qu'est-ce que vous faîtes ?

Planton / La malle. C'est pas avec ce que j'gagne que j'vais prendre des risques.

Journaliste / Vous ne pouvez pas partir ?

Planton / Ben si.

Scène 18 : Planton / Journaliste / Annabelle

Annabelle entre

Annabelle / Qu'est-ce que c'est qu'y se passe ?

Journaliste / Il veut s'en aller.

Annabelle / T'as fini ta journée de travail ?

Planton / Ma grand-mère vient d'accoucher.

Annabelle / Félicitations ! Et c'est quoi ? Un garçon ?

Journaliste / N'importe quoi ! Et votre sens du devoir ? Pourquoi êtes vous entré dans la police ?

Planton / J'avais peur de sortir tout seul dehors.

Le planton sort

Scène 19 : Journaliste / Annabelle / Client

Annabelle / Si sa grand-mère accouche, alors le bébé, ça va être son tonton ?

Journaliste / Ca m'étonnerait qu'on voit ça dans les faire-parts du journal.

Annabelle / Ah mais si ! Les bébés, ils sont toujours dans l'journal.

Un (ou une) client entre

Client / Bonjour. Je voudrai réserver une chambre.

Journaliste / Une chambre ?

Client / C'est bien l'hôtel de police ici ?

Annabelle / Tout à fait ! Alors une chambre pour une personne ou pour au moins deux.

Client / Pour une personne, je voyage seul.

Annabelle / Très bien.. Pour combien de nuits ?

Client / Pour deux nuits, c'est parce que je visite. Vous avez quoi ?

Journaliste / (A Annabelle) Vous n'allez pas lui louer une chambre ?

Annabelle / Ah mais si. Pourquoi ?

Journaliste / Mais c'est pas un hôtel ici.

Annabelle / Hôtel de police ! Vous savez pas lire ?

Client / Une chambre avec une salle de bains.

Annabelle / Ne vous en faîtes pas. Nos chambres sont entièrement équipées. Vous avez l'eau et un petit coin dans les toilettes. Vous verrez, c'est très pratique.

Client / Y'a la télé dans la chambre ?

Annabelle / Ah non ? Nos clients viennent ici pour se reposer. Il leur faut le plus grand calme.

Client / Tant mieux, parce que je suis en vacances, et moi, les vacances, je veux en profiter.

Annabelle / Mais c'est tout à fait normal. Alors, vous avez le numéro quatre.

Client / Je peux avoir la clef ?

Annabelle / Y'a pas de clefs. Ça se ferme et ça s'ouvre automatiquement. Ca marche au courant électrique.

Client / Parce que je ne voudrai pas qu'on me vole mes affaires.

Annabelle / Vous n'avez rien à craindre, Ici c'est rare qu'on ait des vols.

Client / Tant mieux ! C'est par où ?

Annabelle / C'est par là. Le numéro quatre. A droite au fond du couloir. Installez-vous et faîtes comme chez vous.

Client / Pour le petit déjeuner, c'est à quelle heure ?

Annabelle / A huit heures.

Client / On le prend où ?

Annabelle / Dans votre chambre. Chez nous, le client a droit à son petit déjeuner dans sa chambre.

Client / Dans sa chambre ! Alors là c'est super ! Et sinon, est-ce que je pourrai avoir un petit quatre heures ?

Annabelle / Mais bien sûr..

Client / C'est trop bien, je sais pas comment vous dire merci

Annabelle / Mais de rien.

Le client sort et va dans sa chambre

Journaliste / Je n'savais pas que vous louiez des chambres

Annabelle / C'est le ministre qui l'a dit, on coûte trop cher, faut qu'on rapporte.

Scène 20 : Commandant / Journaliste / Lieutenant / Annabelle

La Commandant et le Lieutenant entrent. Ils enlèvent leurs cagoules.

Commandant / (Au journaliste) C'est quoi ce bin's ?

Annabelle / C'est un journaliste !

Journaliste / A la voix des nouvelles.

Commandant / La voix des nouvelles, la voix des poubelles !

Lieutenant / Je tape dessus, chef ?

Commandant / C'est un journaliste, on n'a pas l'droit. Il est où l'planton ?

Annabelle / Il est parti, sa grand-mère vient d'accoucher.

Lieutenant / Ca m'étonnerait que sa grand-mère accouche. Elle prend la pilule.

Commandant / Comment tu l'sais ? Non, ne l'dis pas ! Je n'veux pas l'savoir.

Journaliste / Si ça peut aider, je crois savoir pourquoi il est parti.

Commandant / Sans déconner.. Vous savez des choses..

Journaliste / Je suis journaliste.

Commandant / Et il serait parti pourquoi ?

Journaliste / A cause de ce que je lui ai dit..

Commandant / Et vous lui avez dit quoi, au planton ?

Journaliste / Si j'vous l'dis, vous m'donnez quoi en échange ?

Commandant / Rien, mais si vous refusez de l'ouvrir, ce s'ra un coup d'matraque.

Journaliste / Je fais ça pour aider

Commandant / Ca s'appelle du chantage..

Journaliste / Bon, ben je m'en vais.

Commandant / Stop ! Vous voyez c'que c'est, ça ? (Elle lui montre le revolver) Ces machins là, c'est comme moi, c'est très sensible.

Journaliste / Vous voulez faire une bavure ? Mais y'a des témoins..

Commandant / Des témoins ? Vous voyez des témoins vous ?

Annabelle / Je n'vois rien Commandante, mais alors rien du tout.

Lieutenant / Et moi, je suis même pas là, chef !

Journaliste / Je suis venu, parce que j'ai entendu parler d'une grosse prise. Alors, j'aimerai beaucoup faire un reportage. Commandant ? Avez-vous une déclaration à faire ?

Commandant / Non.

Annabelle / Oh madame la Commandante, ça pourrait faire de la publicité.

Commandant / Ah mais oui.. Excellent, ma petite ! (Elle parle très rapidement) Alors. A quinze heures trente deux, heure de Greenwich, nous avons investi les lieux où étaient localisés les suspects.

Journaliste / Moins vite s'il vous plaît ?

Commandant / Elle parle comme pour une dictée) A quinze heures trente deux virgule, à quinze heures trente deux virgule, heure de Greenwich, virgule, nous avons, nous avons investi les lieux, e u x, où étaient.., étaient localisés les suspects et nous les avons mis hors d'état de nuire.

Journaliste / (Il prend des notes) Les suspects ? Je croyais que vous aviez arrêté Roro le vicieux.

Commandant / Ca, je vous en causerai quand vous bosserez à la télé.

Journaliste / Vous ne lisez pas mon journal ?

Commandant / Quand vous l'imprimerez sur du papier cul, je m'abonnerai.

Journaliste / Quand je vais dire ça à la direction, ça leur fera pas plaisir..

Commandant / Et maintenant, si vous n'parlez pas, je vous fous en cabane !

Journaliste / Ok. Votre planton est parti quand je lui ai dit qu'il y avait un contrat sur Roro le vicieux.

Commandant / Un contrat ? Comment vous savez ça ?

Journaliste / J'ai mes sources.

Commandant / C'est qui vos sources ?

Journaliste / Un journaliste ne donne jamais ses sources.

Commandant / (Menaçante) C'est qui vos sources ?

Journaliste / C'est une jeune femme, (Ou jeune homme) que je vois de temps en temps.

Commandant / Votre fiancée ? (ou fiancé)

Journaliste / Pas tout à fait. Mais ça dépanne.

Commandant / Ok. Et c'est quoi comme contrat ?

Journaliste / C'est un contrat de Toto la Teigne pour éliminer Roro le vicieux ; paraît qu'il sait trop de trucs.

Commandant / Éliminer Roro le vicieux ! Mais comment on va faire ? Déjà avec la seriolekilleuse..

Journaliste / Une seriolekilleuse ? Vous avez arrêté une seriolekilleuse ? Elle est où ?

Commandant / Derrière vous.

Journaliste / (Il sursaute) Derrière moi ?

Commandant / Dans mon bureau. Je ne pouvais pas la mettre avec le vicieux, elle l'aurait bouffé, mais vous n'avez rien à craindre, elle est attachée. Enfin j'espère..

Journaliste / Une cannibale ! Oui. Et bien moi je vais peut-être y'aller..

Commandant / Et votre souci d'informer ? Que vont dire vos lecteurs ?

Journaliste / Si on leur dit pas, ils diront rien.

Commandant / Vous allez rester ici !

Journaliste / Vous m'arrêtez ?

Commandant / Je ne vous arrête pas, je vous réquisitionne.

Journaliste / Vous me réquisitionnez ? Vous n'avez pas le droit.

Commandant / Mais si. Je peux. En cas de danger, guerre atomique, invasion de sauterelles, et match de foot, j'ai tous les droits ! Alors vous allez vous mettre à la place du planton jusqu'à l'arrivée des renforts.

Journaliste / Mais je vais être en première ligne ! Je peux pas, j'ai les pieds plats.

Commandant / C'est ça. En première ligne au téléphone. Vous surveillerez l'entrée.

Lieutenant / On tape pas dessus, chef ?

Commandant / Non ! On tape pas ! Et en attendant, va dans l'panier à salade et envoie moi la cinglée.

Lieutenant / (Il crie) Oui chef !

Le Lieutenant sort

Journaliste / C'est quoi comme cinglée, Commandant ?

Commandant / Une femme. Madame manifestait chez elle. D'habitude on manifeste dans la rue, non ?

Lieutenant / Elle arrive, Commandant.

Commandant / Et maintenant, tu files chez l'planton et tu me l'ramènes, mort ou vif !

Annabelle / Oh Commandant ! Je peux aller avec lui.

Commandant / Vous êtes à l'accueil !

Annabelle / J'aimerais tellement aller sur le terrain. Pour voir.

Commandant / Ok. Et ramenez moi ce trouillard, mort ou vif !

Lieutenant / (Il hurle) Oui chef !

Commandant / (Elle sursaute) Je m'y f'rai jamais.

Scène 21 : Commandant / Journaliste / Pénélope

Pénélope entre en réclamant son mari. Elle porte une pancarte sur laquelle est écrit : Je veux mon mari !

Pénélope / Je veux mon mari ! Je veux mon mari ! Je veux mon mari !

Journaliste / C'est qui cette dame ?

Commandant / Une emmerdeuse. Madame appelle tout l'temps son mari, les voisins n'en peuvent plus.

Pénélope / Je veux mon mari !

Commandant / Madame ! Calmez vous !

Pénélope / (Elle s'arrête un instant puis reprend) Rendez-moi mari !

Journaliste / Mais madame ! Ce n'est pas grave. D'habitude on manifeste pour avoir du pognon, du boulot, des congés, mais pour récupérer un mari, alors là c'est ringard.

Pénélope / Je veux mon mari !

Journaliste / Les hommes, c'est pas c'qui manque. Un d'perdu, deux cents de retrouvés. Justement, dans la rue, y'en a plein. Il suffit de se mettre à la fenêtre. Regardez !

Pénélope / (Elle se met à la fenêtre et regarde pendant quelques secondes le public. Après quelques instants à regarder le public) J'les aime pas.

Commandant / Ok. On va s'en occuper.

Journaliste / Vous allez lui ramener son mari ?

Commandant / On va lancer un appel. Alerte enlèvement ! On va mettre sa photo dans les gares, les aéroports.

Pénélope / Les cafés !

Commandant / Et les cafés. Vous avez une photo ?

Pénélope / J'ai pas d'photo.

Commandant / Ok. Bon. On va faire un portrait robot. Alors. Il est comment ?. (Elle dessine un portrait) Les yeux c'est comme ça ?

Pénélope / Ils sont plus p'tits. Oui.

Commandant / Quelle couleur ?

Pénélope / Blanc !

Commandant / Non ! Les yeux ?

Pénélope / Rouge bleu ! Avec des grosses lunettes !

Commandant / Ok. Les ch'veux ?

Pénélope / Vert ! Et un chapeau.

Commandant / Bien. Les oreilles ?

Pénélope / Très larges.

Commandant / Et le nez ?

Pénélope / Rouge ! Le nez ?

Journaliste / Mais c'est un clown.

Pénélope / Ben oui, il travaille dans un cirque.

Commandant / (Il regarde le portrait,) Si on le r'trouve on aura du bol.

Il va vers les cellules

Journaliste / Commandant ! Vous pouvez pas m'laisser tout seul ? Je suis journaliste !

Commandant / Vous ne risquez rien, vous êtes à la police.

Journaliste / Vous allez faire quoi Commandant ?

Commandant / Faut qu'je tire.

Journaliste / Sur qui, commandant ?

Commandant / Des tracts ! Faut que j'tire des tracts !

La Commandant sort. Le journaliste prend la place du planton.

Scène 22 : Journaliste / Pénélope

Pénélope / Vous êtes journaliste ! Vous allez parler de moi dans votre journal ?

Journaliste / Faudrait que vous ayez tué votre mari, là on pourrait.

Pénélope / Je peux pas, il est parti. .. Faut lancer un appel !

Journaliste / Madame, si fallait faire un article à chaque fois qu'un homme se tire de chez lui, les journaux feraient trois cents pages.

Pénélope / (Elle crie) Je veux mon mari ! Je veux mon mari !

Journaliste / Bon. Je vous écoute.

Pénélope / (Elle sort un mouchoir et se lamente) Chéri ! Mon amour ! Mon gros lapin ! Mon doudou ! Mon toutou-net.

Journaliste / Moins vite.

Pénélope / C'est moi, c'est ta petite mimi. Oh tu me manques. Viens à la maison, y'a les oiseaux qui chantent plus. Le petit chat fait la tête, et moi aussi. Hier j'ai mangé plein de bonbons pour me consoler mais c'est pas pareil. Rentre, je te ferai des frites, du bifteck avec plein de mayonnaise, je te ferai tout et on regardera que du foot. Reviens ! Reviens ! (Crié) Reviens ! Reviens vite !

Journaliste / Ca devrait suffire.

Pénélope / On n'a pas parlé des activité sexuelles !

Journaliste / Et les enfants qui lisent le journal ! .. On peut pas, mais avec ça, vous aurez des nouvelles.

Pénélope / De mon mari ?

Journaliste / Si c'est pas du vôtre, ne vous inquiétez pas, on va vous écrire. Des maris dans la nature, y'en a partout. Vous risquez même de refuser du monde.

Pénélope / Oh merci. Et bien, en l'attendant, je vais lui tricoter une écharpe, pour pas qu'il prenne froid quand il sort tout seul le soir. Ca va faire la quarantième en dix ans d'mariage. Il aime bien les écharpes, mon mari.

Journaliste / En attendant, la Commandant m'a confié une mission. (Il s'installe au comptoir)

Pénélope / Retrouver mon mari ?

Journaliste / C'est ça.. C'est ça..

Le téléphone sonne)

Pénélope / Ouais ! C'est mon mari !

Journaliste / (Il décroche) Allô ! Oui. Votre voisin a acheté une nouvelle voiture. Oui ! Quelle marque ! Vous trouvez que c'est une grosse voiture pour votre voisin. Très bien … Merci.. (Il raccroche, le téléphone sonne aussitôt)

Pénélope / C'était pas mon mari ?

Journaliste / (Il fait signe que non de la tête) Oui. Votre femme couche avec le boucher. Oui.. Qu'est-ce que vous pouvez faire ? .. Changez d'boucher. (Il raccroche, le téléphone sonne. Pénélope prête aussitôt l'oreille)

Journaliste / Vous avez un éléphant dans votre cuisine. .. Ca ne m'étonne pas. Hier, mon voisin en a vu deux dans son couloir. (Il raccroche, le téléphone sonne aussitôt)

Journaliste / Alors.. (Il inscrit sur une feuille) «Le boulanger se tape des clientes.. Madame Dirnote a eu un...

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