Scène 1 : Jacinthe, Daphné

Le téléphone sonne dans un salon. Une femme apparaît, elle semble très fatiguée.

Jacinthe - Appeler à onze heures du matin, faut être malade. (Elle décroche) .. C'est qui ? … Vous voulez parler à Jacinthe ? … Euh.. Ah ben oui c'est moi. .. Ah c'est toi. Tu peux parler moins fort... Oui.. La fête.. C'était super.. Heureusement, c'est pas tous les jours.. Oui.. Je sais.. (On sonne à la porte d'entrée) Attends ! On m'sonne. .. (Elle appelle doucement) Daphné !

Daphné apparaît à toute vitesse, elle est en pleine forme

Daphné - (Elle hurle) Présente !

Jacinthe - (Elle ne la voit pas et sursaute) T'es malade !

Daphné - J'ai la super forme !

Jacinthe - Tu peux parler moins fort ?

Daphné - J'ai une de ces pêches ! Ça doit être ce que j'ai bu hier soir.


Jacinthe - C'était pas d'la pêche.

Daphné - En tout cas, ça ma donné un sacré coup d'fouet !

Jacinthe - Moi, ça m'a donné un coup d'mou.

Daphné - Tu m'as appelée pour quoi ?

Jacinthe - Y'a quelqu'un qu'a sonné..

Daphné - Et alors ?


Jacinthe - (Elle lui montre le téléphone) Je peux pas bouger.

Daphné - Je m'en occupe ! (Elle va ouvrir, elle crie) J'arrive !

Jacinthe - Moins fort. (au téléphone) C'est Daphné.. Ben oui, elle est restée. Elle a un peu picolé.. Dans l'état où elle était, elle pouvait pas rentrer chez elle. Mais ce matin, t'as l'impression qu'elle n'a bu que d'la flotte. Et moi, c'est pas pareil. Déjà que je ne tiens pas l'alcool ? Là je ne tiens rien du tout.

Daphné revient avec un bouquet de fleurs composé de sept roses rouges et d'une blanche.

Daphné - T'as vu ça !

Jacinthe - (Elle sursaute à nouveau) Tu peux pas la fermer ! (au téléphone) .. Non. Pas toi ! C'est Daphné qui ramène un bouquet. … Ben oui.. Un bouquet de fleurs, pas des crevettes...

Daphné - Elles sont super ! .. C'est qui au téléphone ?

Jacinthe - C'est Anémone.

Daphné - Anémone ? (Elle prend le téléphone) Tu t'es amusée dis donc hier. Alors, t'as dégivré l'frigo ?

Jacinthe - T'es malade !

Daphné - Mais si. Faut dire les choses. Dégivrer l'frigo, mettre le lapin dans la luzerne, le coq dans la volaille, lâcher l'cochon dans l'maïs. C'est clair non ?

Jacinthe - Tu peux pas la laisser tranquille ?


Daphné - (à Anémone) J'espère que t'as pris la pilule, parce que si sa trouve t'es enceinte de sept ou huit heures.

Jacinthe - (Elle reprend le téléphone) Excuse là, faut toujours qu'elle dise des conneries.

Daphné - Et alors ? Entre copines, on peut tout s'dire non ?

Jacinthe - Et la vie privée ?


Daphné - La vie privée d'Anémone ? Depuis cette nuit, tout l'quartier est au courant.

Jacinthe - (Au téléphone) Bon. Et bien, oui, faut qu'on dorme. Allez, on s'rappelle. (elle raccroche)

Daphné - (Elle montre le bouquet) Ma vieille, y'a quelqu'un qui pense à toi.

Jacinthe - Un bouquet de fleurs ? Y’avait quelqu’un avec le bouquet ?,

Daphné - Et un beau bouquet.

Jacinthe - Y'avait personne avec le bouquet ?

Daphné - Tu veux dire, un mec. Et ben non. Y’avait personne.

Jacinthe - T'es sûre ?

Daphné - J'ai encore rien bu, mais si y'avait eu un mec au bout, je le ramenais tout d'suite dans l'salon.


Jacinthe - Ça doit venir d'un timide.

Daphné - Un timide très timide. Quand on offre un bouquet, on s'montre, ou alors c'est qu'on en tient une couche. Sinon, ça sert à rien de dépenser du pognon.

Jacinthe - Et la galanterie ?

Daphné - La galanterie ? Quand un mec achète des fleurs, normalement, ce qui l'intéresse après, c'est un autre genre de cueillette.


Jacinthe - Une cueillette ?


Daphné - La cueillette des poires. Les mecs, ça adore les poires.

Jacinthe - Y'avait pas un livreur ?

Daphné - Y'avait personne ! Mais t'as raison. Moi, la dernière fois que j'ai commandé une pizza, je me suis tapé le livreur. Et j'ai eu une pizza gratuite.

JacintheTu t’es tapé le livreur ?

Daphné - Si je faisais ça chaque fois qu'on me livre à domicile, je ferai de sacrées économies.

Jacinthe - C'est rare qu'on m'offre des fleurs.

Daphné - Moi, on me donnerait plutôt à bouffer, mais faut aimer les pizzas.

Jacinthe - C'est un beau bouquet. Ça veut dire qu'il y'a quelqu'un qui m'aime bien ?

Daphné - En général on n'envoie pas des fleurs à quelqu'un pour lui dire qu'on a envie de lui balancer une tarte.

Jacinthe examine le bouquet

Jacinthe - Y'a pas une carte avec ?

Daphné - Y'a la carte du fleuriste.

Jacinthe - Et au dos de la carte ?


Daphné - Y'a rien.

Jacinthe - C'est sûrement un amoureux..

Daphné - Un amoureux qui sait pas écrire.

Jacinthe - C'est romantique.


Daphné - C'est plutôt très con. Quand on paye des fleurs, on donne au moins son nom. Parce que sinon, le gars, il risque d'investir pour rien.

Jacinthe - Tu déformes toujours tout.

Daphné - Moi j'avais un copain qui m'offrait à boire. Et bien c'était pas désintéressé.

Jacinthe - C'est pas pour parler à mon petit cœur ?


Daphné - Ton p'tit cœur, ton p'tit cœur... Il veut peut-être parler à autre chose..

Jacinthe - T'exagères..

Daphné - Question d'habitude. Un homme qui offre des fleurs, un jour ou l'autre faut que tu l'rembourses.

Jacinthe - Et comment je rembourserais ?

Daphné - Devine..

Jacinthe - Sept roses rouges ! J'ai trouvé ! Les sept rouges, ce sont mes copines, et la blanche, c'est moi.

Daphné - Ou alors, la blanche c'est lui, et il veut se taper les sept copines.

Jacinthe - C'est quelqu'un qui sait parler aux femmes.

Daphné - Ça m'étonnerait qu'il ait juste envie de causer..

Jacinthe - En tout cas c'est gentil. On n'est pas obligé d'offrir des fleurs.

Daphné - Vu le bouquet, il n'est pas près de lâcher le morceau.

Jacinthe - Tu veux dire qu'il veut me... .

Daphné - Ou alors, c'est que t'es déjà passée à la casserole.

Jacinthe - Moi ? Mais quand ?

Daphné - A mon avis, c'est récent ? Parce que cette nuit...

Jacinthe - Cette nuit ? Je ne me rappelle de rien.

Daphné - Lui, il doit s'en rappeler..

Jacinthe - Quand même, je m'en souviendrais..

Daphné - Des fois, ça laisse pas un grand souvenir.


Jacinthe - Il aurait quand même pu mettre son nom.

Daphné - Ou alors c'est pour remercier. Remarque, un bouquet d'fleurs pour un petit câlin, c'est pas cher payé.

Jacinthe - Et puis zut ! A la poubelle !

Daphné - Ça va pas ! Ça coûte la peau des fesses !

Jacinthe - Y'a pas qu'une femme dans l'immeuble ! Ça doit être une erreur


Daphné - Une erreur, tu rigoles ?


Jacinthe - En plus, un bouquet de fleurs anonyme, ça fait peur.

Daphné - Mets le dans un vase !

Jacinthe - Ah ben oui. T’as raison. Autant que j'en profite. Alors.. Il est où le vase.. (Elle cherche un vase). C'est dur à trouver, un vase.

Daphné - Surtout quand on est vaseuse.

Jacinthe - Ça veut dire quoi..

Daphné - Vase ! Vaseuse ! Tu piges ?

Jacinthe - Non. .. Ah ! (Elle trouve un vase) Des roses ! En langage des fleurs, ça veut dire quoi ?

Daphné - Des roses, viens là qu'on cause ! Des lilas, couches toi là ! Et des marguerites ! ...

Scène 2 : Jacinthe, Daphné, Marguerite

Marguerite entre. Elle est en robe de chambre et pas fraîche non plus

Marguerite - J'ai pas la frite !

Daphné - Qu'est-ce que tu fais là ?

Marguerite - Je suis pas chez moi ?

Jacinthe - Ben non..

Marguerite - Mais on est où, là ?


Jacinthe - Chez moi.

Marguerite - J'ai pas dormi chez moi ?

Daphné - Dormi, c'est pas sûr..

Marguerite - Mais alors, j'étais où ? J'ai découché ?

Daphné - C'est pas grave. Moi aussi.

Jacinthe - Tu n'te rappelles de rien ?

Marguerite - Pourquoi ? Il m'est arrivé quelque chose ?

Daphné - Faut croire, moi quand je suis couchée, c'est pas rare s'il m'arrive quelque chose.

Jacinthe - On devrait arrêter de boire..

Marguerite - Parce qu'on a bu ?

Daphné - Pour être exacte, on a picolé. Et c'était pas d'la limonade.

Marguerite - (Elle aperçoit le bouquet) Oh le joli bouquet ! C'est pour moi ?

Jacinthe – On sait pas, on vient de les livrer.

Marguerite - (A Jacinthe) Un bouquet, ça veut dire qu'il y'a quelqu'un qui pense à toi.

Jacinthe - Moi je vois personne qui pense à moi.

Marguerite - Mais si ! Cette nuit, tu te rappelles pas, le petit blond ?

Jacinthe - Y'avait un mec ? Mais c'était une soirée entre filles.

Daphné - Une soirée entre filles, si y'a pas d'mec, qu'est-ce qu'on peut faire ?

Marguerite - Une belote ?

Daphné - Remarque, ça peut-être aussi pour quelqu'un d'autre.


Jacinthe - Qui ça ?

Marguerite - Moi ?

Daphné - Il aurait au moins mis un prénom avec le bouquet..

Jacinthe - Ou alors c'est un vicieux. Ceux qui offrent des fleurs, c'est les pires.

Marguerite - Ou bien c'est pour nous trois.


Daphné
- Nous trois ? Tu veux dire, avec toi ?

Marguerite - Ben oui.. Trois filles. Et ce matin, un bouquet. Ou alors, peut-être que c'est pour une d'entre nous et qu'il n'arrive pas à choisir.


Jacinthe - Le mec qui envoie le même bouquet de fleurs à trois nanas, c'est sûr qu'il cherche les emmerdes.

Marguerite - Ou alors, on a fait le tour de France et y'en a une qu'a gagné l'étape.

Daphné - C'est vrai qu'hier soir, c'était plutôt sportif.

Jacinthe - Quand on vous envoie des fleurs, ça veut dire qu'il s'est passé un truc.

Marguerite - Non ? Tu crois qu'il nous aurait..

Daphné - Ça s'pourrait..

Marguerite - Toutes ?

Daphné - Moi, ça m'a pas marquée.

Marguerite - Ou alors c'est un homme sensible.

Daphné - Les homme sensibles, ça n'existe pas.


Marguerite - Si ! Y'en a !

Daphné - (Regardant le public) Y'en a pas des tonnes.

Marguerite - Et comme on est copines, il veut pas qu'on soit fâchées.

Jacinthe - Mais comment qu'il aurait pu savoir qu'on serait là ce matin ?

Daphné - Déjà, toi t'habites ici.

Jacinthe - Ah ben oui.

Marguerite - Et les autres filles ?


Daphné - Les autres filles, elles ne sont pas reparties toutes seules..

Jacinthe - Même Anémone ?

Daphné - Anémone, après deux verres, elle part avec n'importe qui.

Marguerite - Anémone, elle est très partante.

Daphné - Et pas difficile

Marguerite - Et Rose ? On a des nouvelles ?

Jacinthe - Rose ?

Daphné - Tu connais pas Rose..

Marguerite - (Elle rit) Rose, fais gaffe à la cirrhose.


Daphné - (Elle rit aussi) Rose, t'as des mycoses ?

Jacinthe - C'est pas sympa.


Daphné - On rigole..

Marguerite - «Mignonne, allons voir si la rose, qui ce matin avait éclose, sa robe de pourpre au soleil, a point perdu cette vesprée» 

Daphné - Hé ! T'entends comment tu causes ?

Marguerite - Première en poésie à l'école !

Daphné - Moi, j'étais toujours la première, mais la première dehors !

Marguerite - J'aurais pu faire du théâtre


Daphné
- Du théâtre, toi ? Oublie..

Jacinthe - Au fait, t'as passé une bonne soirée ?

Marguerite - Ah ça oui. T'es drôlement gentille de m'avoir invitée.

Jacinthe - C'est normal, t'es quand même ma troisième meilleure amie.

Marguerite - Y'a longtemps que ça m'était pas arrivée.

Jacinthe - Qu'est-ce qui t'était pas arrivé ?

Marguerite - Ben.. La soirée.. On a fait une de ces noubas. Jacinthe, ta prochaine fête, tu m'invites.

Jacinthe - Je veux bien refaire la fête, mais pas tout d'suite..

Marguerite - Et puis t'as des copains. Alors là ! On en voit pas souvent des comme ça ! Surtout un..

Jacinthe - Quel ami ? J'ai un copain, moi ?

Marguerite - Mais oui ! Ton copain ! Qu'est-ce qu'il est gentil !

Daphné - Gentil ! Prévenant, attentionné, stylé.. Et en plus, quel beau morceau !

Jacinthe - J'en ai aucun souvenir..

Marguerite - Moi j'ai pas de mal m'en rappeler.

Jacinthe - Il était comment ?

Marguerite - L'homme idéal.


Jacinthe - L'homme idéal, il n'existe pas.


Marguerite - Mais si, il existe, et il est là.

Jacinthe - Il est là ?

Scène 3 : Jacinthe, Daphné, Narcisse, Marguerite

Narcisse entre. Bel homme, Il porte une robe de chambre légère

Narcisse - Bonjour..

Jacinthe - (Elle l'aperçoit) La vache !

Narcisse - Mesdemoiselles..

Jacinthe - C'est qui ?

Daphné - T'es encore là ?

Narcisse - Je ne suis jamais loin..

Jacinthe - Vous vous tutoyez ?

Daphné - On s'est beaucoup rapprochés..

Jacinthe - Mais d'où il sort ?

Narcisse - De la chambre.


Jacinthe - Il sort de ma chambre ?

Narcisse  - J'adore la chambre. Cette tapisserie avec ces fleurs partout sur les murs, on entend presque les abeilles. Et le lit ! Une vraie formule 1. Je n'ai qu'un mot à dire : Jacinthe, merci !

Jacinthe - Jacinthe ? C'est qui ?


Daphné - C'est toi.

Jacinthe - Ah ben oui.

Narcisse - J'ai été très heureux de vous découvrir.

Jacinthe - J'ai été découverte ?

Marguerite - Évidemment que t'as été découverte. Comme l'Amérique.

Jacinthe - On s'connait ?

Narcisse - Bien sûr..

Jacinthe - Ah bon ?

Marguerite - Mais si, tu le connais. Et même, tu le connais vachement bien.

Jacinthe - Mais c'est ma robe de chambre ! Pourquoi il est dans ma robe de chambre ?

Narcisse  - Vous avez beaucoup de goût. De la soie.. Ça me va bien non ?

Jacinthe - Et comment ça se fait que c'est pas moi dans ma robe de chambre ?

Daphné - Tu t'es couchée toute habillée.

Marguerite - Toute habillée, c'est vite dit.

Narcisse - Je peux l'enlever si ça vous gène.

Marguerite - Oh oui !

Daphné - (A Marguerite) Calme toi, Marguerite.

Jacinthe - (Très attristée) Ma robe de chambre !

Narcisse - J'ai fait une gaffe ?

Marguerite - C'est qu'une robe de chambre. Et puis, c'est comme quand on achète une boîte de haricots, c'est pas la boîte qui compte, c'est ce qu'il y'a à l'intérieur.

Daphné - Faut aimer les haricots.

Narcisse - Oh ça c'est drôle. On ne m'avait jamais comparé à des haricots.


Jacinthe - Ma robe de chambre !

Narcisse - Euh... Si j'allais me changer.

Daphné - (Murmuré) Faut rien changer..

Jacinthe - (Elle remarque que Marguerite porte un de ces vêtements) Mais ça aussi, c'est à moi !

Marguerite - Je l'ai trouvée dans l'placard. Je peux te l'emprunter ?

Jacinthe  - C'est tout. Y'a pas autre chose à moi sur toi ?

Marguerite - Ben... Une de tes petites..

Jacinthe - Une petite.. non ?

Marguerite - Toute rose..

Narcisse - (A Jacinthe) Vous avez beaucoup de goût..

Daphné - Forcément ! Marguerite, Elle n'a pas retrouvé la sienne.

Marguerite - Si ça s'trouve, y'a quelqu’un qu’est parti avec. Un fétichiste ! Jamais il la rendra.

Daphné – T’auras qu’à mettre une annonce dans le journal. «La personne ayant été vue partir avec ma petite culotte est prié de la rapporter sous peine de poursuites»


Marguerite – Et si jamais si un mec te la ramène lavée, pliée, repassée, celui-là, ma vieille, tu l'épouses.

Jacinthe - Mais dîtes moi que je vais me réveiller !

Marguerite - En tout cas on s'est bien amusées.

Jacinthe – Oui, et bien, la prochaine fête, ce sera chez toi.

Marguerite - On sera drôlement serrées.

Daphné - C'est pas grave, j'adore être serrée..

Jacinthe - Je suis une poire, la reine des poire !

Narcisse - J'espère que je ne vous ai pas trop perturbées.

Marguerite - (Très émue) Mais pas du tout

Jacinthe - Qu'est-ce qu'il foutait dans ma chambre ?

Marguerite – Il passait pas l'aspirateur.

Narcisse - Avant tout, je tiens à vous remercier pour votre accueil.

Jacinthe  - Parce que c'est moi qui vous a accueilli ?

Narcisse - Vous ne vous souvenez pas ? Vous m'avez même empêché de partir.


Marguerite  - Ah oui ! T'étais plaquée contre la porte ! (Elle lui montre) Faut pas sortir ! Faut m'passer sur le corps, que tu disais !


Jacinthe - Je disais ça ?

Daphné - Ah non, tu criais ! (Elle fait une démonstration plus exagérée devant la porte) «Faut m'passer sur le corps !»


Marguerite - Tu te roulais par terre.

Narcisse - J'étais très gêné.

Marguerite - Tu disais que c'était ta fête ! "Oh oui ! Oh oui ! Faut m'faire ma fête !» Tu t'rappelles pas ?

Narcisse - Et je suis resté. Pourtant, j'évite toujours de m'attarder après ma petite apparition.

Jacinthe - Une apparition ? Vous êtes sorti d'où ?

Narcisse - Du gâteau.

Jacinthe - Un gâteau ? Y'avait un gâteau ?

Daphné - Un gâteau et de la crème, beaucoup de crème.

Jacinthe - J'ai goûté au gâteau ?

Marguerite – Ah ben oui. T'en as mangé du gâteau ! T'as même léché la crème. T’as tout léché ! C'est normal, c'était ta fête.

Jacinthe - D'habitude, je ne prends jamais de gâteau, ça fait grossir

Daphné - Là, si. Tu criais : «Du gâteau ! Du gâteau !»

Marguerite - Un gâteau aux cerises !

Narcisse - J'étais la cerise sur le gâteau.

Jacinthe - Vous étiez dans le gâteau ? Et comment il s'appelle, le dessert ?

Narcisse - Narcisse

Jacinthe - Narcisse ?

Marguerite - Moi, c'est Marguerite

Daphné - Et moi, Daphné. Mais ça, tu l'sais déjà..

Marguerite - C'est la première fois que je rencontre un Narcisse.

Narcisse - Les Narcisse sont rares..

Jacinthe - Et cette nuit, vous.. ?

Narcisse - J'ai très mal dormi..

Marguerite - Moi aussi.

Daphné - Ça doit venir du matelas.


Narcisse - On n'a pas été tout l'temps sur un matelas.

Jacinthe - J'ai dormi où, moi ? (Regardant Narcisse) J'ai quand même pas dormi dans la baignoire.


Marguerite - Ben si. T'as couché dans la baignoire.


Daphné - Faut dire que t'étais pas fraîche.

Marguerite - T’appelais tout l’temps le plombier : «Le plombier ! Le plombier !»

Narcisse - En plus, je n'y connais rien en plomberie.

Jacinthe - Et toi ?

Marguerite - Moi, pendant un moment, j'étais dans l'placard. Et après ? Alors là.. le trou noir.


Daphné - Dans le placard ?

Marguerite - Heureusement, j'étais pas toute seule. Parce que j'ai peur dans les placards..

Jacinthe - (A Narcisse) Vous avez dormi seul ?

Narcisse - Je n'sais pas. Vous savez, votre petite prune..

Jacinthe - Il a goûté à ma prune ?

Daphné - Mais si ! Tu le suppliais : «Narcisse. O Narcisse, s'il vous plaît, goûte à ma prune !»

Jacinthe - La prune de ma grand mère !

Marguerite - La prune à mémère ! Cul sec !

Narcisse - Parce que d'habitude, je ne bois jamais avec une cliente.

Jacinthe - Une cliente ?

Daphné  - Ben oui. Narcisse, c'était la surprise, notre cadeau.

Narcisse - C'était moi le cadeau.

Jacinthe - Qu'est-ce que vous avez fait ?

Narcisse - Un strip-tease. Mon métier, c'est de me mettre à poil.

Daphné - C'est un beau métier

Marguerite - Au début, on avait pensé à t'offrir un aspirateur.

Daphné  - Narcisse, comme cadeau, c'est quand même mieux qu'un aspirateur !

Marguerite - Et c'est original, un beau mec qui sort d'un gâteau, c'est rare. Et moi, j’en ai repris deux fois.

Jacinthe - T'as repris quoi ?


Marguerite - Du gâteau. Après.. ? A quoi j'ai goûté ? Alors là ?

Jacinthe - Vous étiez combien dans la chambre ?

Narcisse - Je n'sais pas.. Sept ?

Marguerite - Douze ! A un moment on était douze.

Jacinthe - Douze !

Daphné - T'étais bourrée. T'as tout vu en double.

Narcisse En tout cas, j’étais pas tout seul. Heureusement !

Jacinthe - Douze ? Ça s'peut pas ! J'ai invité sept copines, et avec moi, ça fait huit.

Marguerite - Et les gendarmes ? T'as compté les gendarmes ?

Jacinthe - Les gendarmes ?

Marguerite - Ben oui. Ils sont venus, parce que soit disant qu'on faisait un peu de bruit.


Jacinthe
 - Ils sont où ?

Daphné - Ils sont repartis. Ils n'ont pas pu rester plus longtemps, ils étaient en service.

Jacinthe - Ça s'peut pas..

Daphné - J'ai une preuve ! (Elle va dans la chambre)

Jacinthe - Je l'crois pas..

Marguerite - Tellement, t'étais paf, t'arrivais même pas à souffler dans l'ballon.

Jacinthe - Ça m'étonnerait quand même que les gendarmes aient débarqué chez moi.

Daphné - (Elle entre, coiffée d'un képi et brandit un revolver) Vos papiers !

Marguerite - Oh non monsieur l'agent, m'envoyez pas en prison !

Daphné - Si si.. en prison... Avec moi..

Jacinthe - Y'avait les flics !

Daphné - Oui madame. Gendarmerie nationale, bonjour. Alors la p'tite dame, on fait du tapage nocturne.. ?

Marguerite - Oh oui ! Je fais du tapage. Je suis une tapageuse ! Faut m’arrêter monsieur l'agent ! Faut m'enfermer ! Mettez-moi les menottes ! Mettez moi en prison ! En prison ! Attachez-moi ! Ligotez moi ! Emballez moi ! Appelez les renforts !

Jacinthe  - Non mais tu vas t'calmer !

Daphné - (A Marguerite) Détends toi... Là.. Doucement..


Marguerite - Ca doit être à cause de la limonade, ça r'monte.

Narcisse - En tout cas, qu'est-ce qu'ils sont gentils dans la police !

Daphné - Remarque, c'est pas bête si tu veux passer une bonne soirée ! Tu mets ta télé à fond et t'attends que les gendarmes débarquent.

Jacinthe - Et pour avoir des pompiers ? Tu mets l'feu ?

Daphné - Oh, y'avait aussi le petit curé.

Jacinthe - Un curé ?

Daphné - Alors lui, c'était l'pompon.

Marguerite - Mais il n'est pas resté longtemps.

Daphné - Sa bonne est très jalouse (Elle rit)

Narcisse - L'important, c'est que ça se soit bien passé.


Marguerite - Tant que y'a pas eu d'mort, c'est pas grave.

Daphné - Faudra quand même regarder sous les lits, des fois qu'il y aurait un cadavre.

Jacinthe - Un cadavre ?


Marguerite (Crié) Une bouteille !

Jacinthe - Moins fort..

Marguerite - (Elle aperçoit un carton) Oh, on a mangé de la pizza.

Jacinthe - On voulait une pizza ?


Daphné - Non. On voulait le livreur.

Marguerite - Une «Margarita» !

Daphné - On a tout fini.

Marguerite - Le livreur ?

Daphné - Les deux.

Marguerite - On avait un p'tit creux.

Narcisse - Après, tout l'monde est parti.

Daphné - Sauf nous !

Jacinthe - Oui, et bien, je vais quand même aller vérifier. (Elle part dans la chambre)

Daphné - Elle n'a pas encore atterri.

Marguerite - Quand on invite des gens, faut pas regretter après ! Sinon, ça sert à quoi d'avoir des amis.

Narcisse - L'important c'est que ça se soit bien passé.


Jacinthe - (Elle revient) Je l'savais ! Y'en a un autre !

Daphné - Un mec ?

Jacinthe - Je sais pas.

Marguerite - Un mec.. Tu veux dire ? Comme Narcisse ?

Narcisse - Un comme moi, c'est impossible.

Scène 4 : Jacinthe, Daphné, Marguerite, Narcisse, Églantine

Églantine - (Habillée en garçon manqué. Allure de mec ) Salut les filles !

Jacinthe - Bonjour monsieur.

Églantine - Madame ! Ou plutôt, mademoiselle. Alors... heureuse..

Jacinthe - C'est quoi ça ?

Églantine - Églantine.

Jacinthe - Églantine ?

Églantine - Églantine Dugland.

Marguerite - Églantine Dugland ?

Églantine - Je sais, les Églantine, ça court pas les rues !

Daphné - C'est mieux que les Chrysanthème.

Marguerite - L'églantine, la fleur des poètes ! (Elle chante) Viens siffler là haut sur la colline, viens voir mon petit bouquet d'églantines.

Narcisse, Daphné, Marguerite - Zaii zaii zai i zaii !

Églantine - Bon ça va. Celle là, j'la connais par cœur. Et puis la poésie, c'est pour les gonzesses. Moi, je suis plutôt fleur sauvage.

Marguerite - Sauvage ? Genre qui pousse à côté d'une bouse de vache ?

Églantine - Pardon ?

Marguerite - Je l'ai pas dit exprès. Je m'excuse.

Églantine - Parce que moi j'aime bien la rigolade, mais si on fout de ma fiole, je rigole plus.


Narcisse - Genre plante qui pousserait au milieu des cailloux ?

Églantine - C'est ça mon p'tit, genre plante grimpante, comme le lierre, plante étouffante, limite plante carnivore.

Jacinthe - Vous avez passé la nuit où ?

Églantine - J'ai pas fait attention au décor..

Jacinthe - C'était chez moi ?

Églantine - C'est ça, et je peux l'dire, j'ai passé une soirée de dingue..

Jacinthe - Une soirée de dingues ? Avec nous ?

Églantine - Oui madame. Et des soirées comme ça, j'en passerais tous les jours.

Jacinthe - Je vous ai invitée.


Églantine - T'as même drôlement insisté.

Jacinthe - Parce qu'on se tutoie ?

Églantine - Après ce qui s'est passé entre nous, on n'va pas prendre des gants. Hein Jaja.


Jacinthe - Jaja ?

Églantine - Jaja ! Jacinthe ! Moi, je préfère Jaja. (Elle chantonne sur un air de java) «Un p'tit coup d'jaja, vas-y, j'te r'mets ça, on fait la java».

Jacinthe - Alors on s'connait ?

Églantine - On s'connait à fond.

Jacinthe - Qu'est-ce qui s'est passé ?

Daphné - Tu n'te rappelles pas ? C'est toi qui l'a fait rentrer.

Marguerite - C'est ton voisin de palier.

Églantine - La voisine de palier.

Jacinthe - La voisine ?


Églantine - Je suis venue frapper à ta porte pour te demander de faire un peu moins de bruit. Parce que moi, dans la journée, je travaille.

Daphné - (A Jacinthe) Tu l'as attrapée par le col, et tu l'as fait entrer.

Églantine - Et franchement, ma p'tite Jaja, t'as pas l'air mais t'as une de ces pognes. Tu sais, on voit des filles comme ça, toutes douces, et d'un seul coup, ça vous attrape, ça vous colle au mur, ça vous..

Jacinthe - J'ai fait quoi ?

Églantine - Tout c'que t'as voulu, ma p'tite, et moi, j'aime bien quand une fille, elle sait ce qu'elle veut, parce que moi, les filles qui veulent jouer les gonzesses, c'est pas mon truc.

Marguerite - Ça c'est vrai ! Quand elle veut quelque chose, la Jacinthe, faut pas lui en promettre.

Daphné - Et dans l'immeuble, y'a que vous qui êtes venue ? Et les autres ?

Églantine - A part moi, y'a que des vieux.


Narcisse - Ils doivent être sourds.

Églantine - De toutes façons, qu'est-ce que vous voulez faire avec des vieux ?

Marguerite - Ça c'est vrai. Quand c'est vieux, c'est vieux.

Daphné - Qu'est-ce qu'on peut en tirer, des vieux ?


Marguerite - A part du pognon, pas grande chose.

Églantine - Il reste pas de la prune ?

Jacinthe - De la prune ?

Églantine - J'adore ta p'tite prune

Marguerite - On a tout bu

Églantine - Dommage.. Parce que ta petite prune.. C'est comme le reste.. On en r'demande !

Daphné – On a vidé une bouteille de trois litres..

Narcisse - Quatre.

Jacinthe - Mais je rêve ! Dîtes moi que je rêve !

Églantine  - Et non ! Tu ne rêves pas. Deux ans qu'on habite l'une à côté de l'autre, à peine si tu me disais bonjour, et là, hier soir, tu te décoinces.

Jacinthe - Ça m'apprendra à être polie.

Églantine - Franchement, tu m'as épatée. Et je peux t'dire, c'est pas souvent qu'une nénette m'épate. Mais alors toi, chapeau !

Marguerite - Elle a pas l'air comme ça, mais elle est gentille, Jacinthe.

Églantine - Et tu as des amies merveilleuses. N'est-ce pas Marguerite ?

Marguerite - On n'aurait pas.. ? Moi aussi ?

Églantine - Peut-être..

Marguerite - ….. On a dormi enss.. ?

Églantine - Dormi.. C’est vite dit.

Marguerite - Non ?

Églantine - Si..

Marguerite - J'ai fait ça ?

Églantine - Ah les femmes.. Toutes les mêmes.

Marguerite - Je me rappelle de rien.

Églantine - Moi, je me rappelle de tout.


Jacinthe - Y’a pas que moi.

Églantine - Entre filles, y'a rien de choquant.

Daphné - Et moi ? J'étais où ?

Églantine - T'étais pas loin..

Narcisse - Euh.. Je me présente. Narcisse. J'étais dans l'gâteau.


Églantine - Ah oui. Le dessert.

Narcisse - C'est mon métier. Je sors des gâteaux.

Églantine - C'est mieux que d'sortir de taule !

Marguerite - Et alors, faut le voir sortir !

Églantine - On va pas non plus en faire un fromage.

Marguerite - Un fromage ? Narcisse ?

Pendant la conversation, Jacinthe prend son téléphone et compose un numéro

Narcisse - J'apparais toujours au dessert, je sors et je m'effeuille..

Églantine - T'est un mille-feuilles, quoi.

Marguerite - J'aime bien les mille-feuilles.

Daphné - Mais ça colle un peu.

Églantine - Et c'est trop sucré ; c'est pas bon pour le diabète.

Narcisse - Et vous faîtes quoi dans la vie ?


Églantine - Je suis hôtesse d'accueil...

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