Bandis chéris

La nuit, deux cambrioleurs, Teddy, dit Teddy la serrure et Petit Jo pénètrent par effraction dans un appartement. (Ils arrivent par la salle et s’éclairent avec des lampes torche).Tout serait parfait s’il ne s’étaient pas trompés d’appartement.

Décor (1)

Bandits chérisAppartement bourgeois. Une plante verte. Deux portes et un placard

Scène 1 : Teddy la serrure / Petit Jo

Petit Jo / Tu vois, c'est comme je t'avais dit : quartier tranquille, cambriolage facile !

Teddy / T'es sûr que y'a personne ?

Petit Jo / C'est des retraités. Les retraités, c'est toujours en voyage. Et ceux là, ils sont partis aux Bahamas.

Teddy / Moi, j'aime bien que les gens qui ont fait des efforts, ils profitent de leur retraite.

Petit Jo / Mais nous aussi, on va en profiter, de leur retraite. J'ai potassé l'topo. On va s'en mettre plein les poches. C'est pas mal, pour mon premier cambriolage, non ?

Teddy / Pour un début, c'est pas mal ; et moi je suis pour aider les jeunes.

Petit Jo / Ça c'est gentil.

Teddy / C'est pas gentil, c'est professionnel.

Petit Jo / Ils doivent avoir amassé plein de trucs, les vieux.


Teddy / Le troisième âge, ça ramasse et ça amasse. Mais faut faire du tri. Même si ça vaut rien, ça garde n'importe quoi.


Petit Jo / Moi ma grand-mère, elle cache tout. Dans les armoires, les matelas, les chasses d'eau.

Teddy / Fais moi penser qu'un jour on cambriole ta grand-mère.

Petit Jo / Oh ben non ! Pas ma grand-mère.


Teddy / Oh ! Je plaisante ! Je touche pas à la famille. La famille, c'est sacré.

Petit Jo / Ma grand-mère, elle aime pas les banques.

Teddy / Moi j'aime bien les banques..

Petit Jo / Dans une banque, quand tu te fais pas braquer par un gangster, c'est par le directeur.

Teddy / Chez le charcutier, c'est pareil.

Petit Jo / Y'a tellement de gens malhonnêtes.. (Soupçonneux, il promène sa lampe dans le public)

Teddy / (Il arrive devant une porte) Une porte blindée ? Tu m'avais pas dit qu'elle était blindée.

Petit Jo / Je m'y connais pas beaucoup dans les portes. Tu crois qu'on va pouvoir entrer ?

Teddy / Oh ! Tu sais à qui tu parles ? Teddy la serrure ! Et Teddy la serrure, il assure.

Petit Jo / T'as vu le paillasson ! «Bonjour aux amis». J'aimerais bien en avoir un pareil.

Teddy / On n'est pas venus pour voler un paillasson. .. Mais une porte blindée, c'est bon signe. C’est difficile, mais moi j'aime bien quand c'est difficile. Regarde l'artiste. (Il sort un énorme trousseau de clefs et essaie de l'ouvrir)

Petit Jo / J'ai peur.


Teddy / (Il braque la lampe sur son visage et prend une expression de dur) C'est normal que t'aies peur. Mais t'en fais pas, moi, les serrures, c'est comme avec les femmes, plus c'est difficile, plus ça m'excite. (Il essaie plein de clefs et n'arrive pas à ouvrir)

Petit Jo / Qu'est-ce que tu vas faire après le cambriolage ?

Teddy / Mon rêve, c'est de faire construire. Seulement, à la banque, ils veulent pas me faire de prêt. Soit disant que je n'aurais pas une situation stable.

Petit Jo / Pourtant dans ta branche, y'a toujours du boulot.

Teddy / Une de ces nuits je passerai à ma banque faire un petit retrait...

Petit Jo / Les banques, c'est ouvert la nuit ?

Teddy / Pour Teddy la serrure, c'est toujours ouvert. (Il s'énerve un peu pour ouvrir)

Petit Jo / T'arrive pas à ouvrir ?


Teddy / Et toi ? T'arrives à la fermer ? .. Tu vois pas que je me concentre.

Petit Jo / C'est du costaud comme porte !

Teddy / Teddy la serrure, il fait pas de la manucure. Moi, y'a rien qui m'résiste. Les portes, les femmes, j’entre où je veux. .. (Il peine à ouvrir) Saloperie.. (Enfin il ouvre la porte) Et voilà ! C'est ouvert. (Ils pénètrent ensuite sur scène tout en continuant à parler) Attends ! J'allume !

Petit Jo / Mais on va nous voir ?


Teddy / Y'a que des vieux dans l'immeuble. Et les vieux, quand ils sont pas aveugles, ils sont sourds.

Petit Jo / J'ai pas envie de finir en prison.

Teddy / Erreur ! En prison, on finit pas, on commence. La prison, c'est indispensable. La prison, c'est un centre de formation.

Petit Jo / Je suis trop jeune pour aller en prison.


Teddy / Pense à ta carrière ! Deux ans de taule, c'est dix ans de gagnés ! En prison, t'as que des spécialistes. Ils connaissent toutes les ficelles.


Petit Jo / T'es sûr ?


Teddy / Si je suis sûr ? Il me demande si je suis sûr ? Tu vois, moi, au début, je savais rien, mais je savais que j'avais la vocation. Pourtant, je peux pas dire que ce sont mes parents qui m'ont encouragé. Heureusement que dans ce métier, y'a des gens qui vous aident.

Petit Jo / T'en a connu beaucoup ?


Teddy / Si j'en ai connu ? Tiens ! René le fêlé. Il tapait sur tout ce qui bougeait.

Petit Jo / T'as connu René le fêlé ?

Teddy / Oui monsieur ! René le fêlé ! Hubert la vipère !

Petit Jo / Hubert la vipère ! On disait pas aussi Hubert le vicieux ?

Teddy / Hubert la vipère ! Hubert le gangster ! Hubert le vicieux ! Il a mal fini, il a fini pauvre. Il a pété les plombs quand on lui a coupé le courant. Déjà que c'était pas une lumière.

Petit Jo / Tu dois avoir un sacré carnet d'adresses.

Teddy / Je peux dire que j'ai des relations. Marianne la castagne ! Jeannot le boucher.

Petit Jo / Jeannot le boucher ?


Teddy / C'est chez lui que j'achète des côtelettes. Mais aussi Romain le coup d'main, Didier le coup d'pied, et la plus belle paire de gangsters que je connais sur la terre : Henri le diplomate et Arnaud l'mécano !

Petit Jo / Arnaud le mécano ?

Teddy / Arnaud le mécano, il te démontait une Ferrari les yeux fermés.

Petit Jo / Et Henri le diplomate ?

Teddy / Il te démontait la tronche.

Petit Jo / Et Bernard le faire-part ? T'as connu Bernard le faire Part ?

Teddy / Tu me parles jamais de Bernard le faire-part !


Petit Jo / Ah bon ? Euh.. Et pourquoi on l'appelle Bernard le faire-part ?


Teddy / Avec Bernard le faire-part, tu reçois une balle en même temps que le faire-part. Bernard le faire-part, c'est pas un Saint Bernard.

Petit Jo / Vous êtes fâchés ?

Teddy / On se cause plus.

Petit Jo / Mais Pourquoi ?


Teddy / Assez de causettes, on bosse. T'embarques tout ce qui a de la valeur.

Petit Jo / C'est Joli comme appartement ! Mais tu trouves pas que les rideaux ne sont pas dans le style ?

Teddy / Mais qu'est-ce qu'il me raconte avec les rideaux qui sont pas dans le style ! C'est un cambriolage ! Alors, moche ou pas moche, du moment que ça a de la valeur, tu embarques !

Petit Jo / J'embarque les rideaux ?


Teddy / Je sens que je vais le calmer.. Les bijoux ! Le pognon ! T'embarques tout ce qui brille !

Petit Jo / Et les casseroles ? Parce que ma mère, elle dit que les casseroles ça coûte cher

Teddy / J'espère que ta mère, elle a fait qu'un fils unique. Parce qu'un deuxième, ce serait terrible pour l'avenir de la planète.

Petit Jo / Pourquoi tu dis ça ? Elle est gentille, ma mère.

Teddy / Ok.. Pas d'arme, pas de violence, l'intelligence suffit. (Il crie, énervé) Cherche le pognon!

Petit Jo / (Il cherche puis tombe sur une photo) Oh t'as vu, ils sont en photo.

Teddy / Qui ça ?

Petit Jo / Ça doit être les propriétaires.


Teddy / Soyons zen.. (Il hurle) On s'en fout de l'album de famille !

Petit Jo / Ils ont pas l'air si vieux que ça !

Teddy / (Il regarde le cadre) C'est pas possible ! Dîtes-moi que je rêve.

Petit Jo / Qu'est-ce qu'y s'passe ?


Teddy / Qu’est-ce qu’y se passe ? Il me demande ce qui se passe ! .. Tu sais où on est là ?


Petit Jo / En oui. Résidence des oiseaux. Numéro 9

Teddy / (Il va voir à la porte) Numéro 9. Numéro 9.. Le numéro 9, il est à l'envers. Ici, c'est le numéro 6

Petit Jo / Le numéro 6 ?

Teddy / Oui. Monsieur. Deux fois trois. Six fois un. 8 moins 2, ça fait ?

Petit Jo / C'est pas d'ma faute !

Teddy / (Il marmonne) Les abrutis, c'est jamais de leur faute. Y'en avait qu'un et je tombe dessus.

Petit Jo / Ah ben oui ! Le 6 à l'envers, ça fait un 9 !

Teddy / Et au numéro 6, tu sais qui habite ici ?

Petit Jo / C'est pas les p'tits vieux ?


Teddy / Non monsieur ! C'est pas les petits vieux. C'est Lili.

Petit Jo / Lili ?

Teddy / Lili l'alibi ! Tu connais pas Lili l'alibi ? Dans le métier, quand t'as besoin d'un alibi. T'as qu'à dire : j'étais avec Lili. Et ça suffit. Lili l'alibi, elle a couché avec la moitié de Fleury-Mérogis.

Petit Jo / Faut avoir la santé.


Teddy / La Santé aussi. Lili, c'est une dépanneuse. Dans le métier, elle est plus connue que la Tour Eiffel. Et celui qui touche à Lili, s'il finit pas à la santé, il finit à l’hôpital. Lili l'alibi, elle a que des amis.

Petit Jo / On peut pas la voler, alors ?


Teddy / Seigneur, pardonnez moi à l'avance si je le dégomme, mais je pense que ça va me faire plaisir.

Petit Jo / On lui dira rien.

Teddy / Attends, je t'envoie les informations complémentaires. Lili l'alibi, à l'heure où je te parle, elle est rangée des voitures. A cause qu'elle a quelqu'un.


Petit Jo / Et c'est qui ?

Teddy / Bernard le faire part.

Petit Jo / Bernard le faire-part ?

Teddy / Bernard le faire-part. Bernard le coup d'barre ! Bernard le corbillard ! Et celui qui Touche à Lili, il touche à Bernard le faire-part.

Petit Jo / Ils sont mariés ? Ils ont des enfants ?


Teddy / Un jour, je sais pas à quelle heure, mais un jour, je vais me le faire. Quand t'es en cabane, c'est moins facile pour fonder une famille ! Surtout si tu veux emmener les enfants à l'école.

Petit Jo / Donc ils sont plus ensemble.

Teddy / Ils sont ensemble par correspondance. Parce que le Bernard le faire-part, s'il a pas la main sur Lili l'alibi, il a un œil dessus.

Petit Jo / Y'a pas intérêt à y toucher, alors.

Teddy / Lili l'alibi, tu la touches, t'es mort. Surtout que Lili, pour Bernard le faire part, elle a des remords.

Petit Jo / Qu'est-ce qu'y s'est passé ?

Teddy (Il marmonne) Qu'est-ce qu'y s'est passé ? Bernard le faire-part, maintenant, c'est Bernard le taulard. A cause que la Lili, elle a pas pu mentir.

Petit Jo / Et pourquoi ?

Teddy / Parce que le Bernard, il a été pris en flagrant délit. Juste à la sortie de son travail. Une toute petite banque de rien du tout. Alors Lili, elle a pas pu dire à la police que Bernard le faire-part était dans son lit.

Petit Jo / Elle était avec quelqu'un d'autre ?

Teddy / Peut-être.. Lili l'alibi, elle dort mal toute seule.

Petit Jo / Mais alors, Le Bernard, y'a quelqu'un qui l'aurait dénoncé ?

Teddy / Dans le métier, quand on a quelque chose à dire, c'est mieux quand on la ferme. Et ceux qui causent alors que c'est pas certain qu'ils aient le droit à la parole, on les retrouve en vrac ou alors on les retrouve pas.

Petit Jo / T'as l'air bien au courant

Teddy / Moi ? Je suis au courant de rien. Je dis rien, je cause pas, je me la ferme. On m'interroge, je réponds : Monsieur le commissaire ! Bernard le faire-part, je sais pas qui c'est. Et même moi-même, c'est à peine si je sais comment je m'appelle.

Petit Jo / Il va rester combien de temps en prison ?

Teddy / Beaucoup de temps. Le Bernard le faire-part, en ce moment, il dort dans sa petite cellule, sur son petit lit, avec la petite lueur de la petite Lune qu'il aperçoit à travers les petits barreaux.


Petit Jo / Il dort pas les yeux fermés ?

Teddy / (Au public, en parlant de Petit Jo) Celui-là, faudrait tous se cotiser pour qu'on le soigne.

Petit Jo / Il a pris combien d'années de prison ? Bernard le faire-part ?

Teddy / Beaucoup.


Petit Jo / Mais Lili l'alibi ? Si jamais elle rentre ?


Teddy / Lili l'alibi, elle rentre pas comme ça chez elle. Lili l'alibi, c'est une femme active. Lili l'alibi, c'est pas le genre à rester enfermée pour tricoter des chaussettes.

Ils entendent du bruit

Petit Jo / T'a entendu ? On dirait que y'a quelqu'un.

Teddy / (Il entend du bruit) Et merde ! Ça doit être Lili l'alibi.

Petit Jo / Mais t'as dit que c'était pas le genre à rentrer chez elle.


Teddy / Est-ce que je t'ai dit aussi de fermer ta gueule ! Allez, on se cache. La Lili, faut mieux pas qu'elle nous trouve.

Petit Jo / Lili l'alibi ! Oh ben si j'avais su.. (On entend ensuite un bruit de clefs dans la serrure) Ah ben oui ! (Affolé) Mais qu'est-ce qu'on fait ?

Teddy / Merde ! Merde ! Merde !

Petit Jo / On a qu'à sauter par la fenêtre

Teddy / T'as un parachute ? (Au public) Le jour où on trouvera un vaccin contre la connerie, faudra lui donner sa dose et tous les rappels du premier coup.

Tous les deux s'affolent dans l'appartement et cherchent à se cacher

Petit Jo / En plus, c'est mon premier cambriolage

Teddy / Et moi, c'est la dernière fois que je le fais avec un amateur.


Petit Jo / On peut se cacher ensemble ?


Teddy / On peut pas ! Une planque, ça peut durer des semaines. On peut pas !

Petit Jo / Qu'est-ce que je fais ?

Teddy / Tu te démerdes. (Il va dans la chambre)

Petit Jo / (Il ouvre la porte d'un placard) C'est quoi ça ? Bon ! (On entend les propriétaires qui entrent. Il se réfugie dans le placard)

Scène 2 : M Bernard / Lili l'alibi

Lili / Je sais pas ce qu'elle a, la serrure. J'ai cru qu'on n'allait jamais entrer.

M Bernard / C'est pas grave, j'ai attendu deux ans, je peux bien patienter cinq minutes.

Lili / Ah Bernard ! J'ai pensé à toi tous les jours


M Bernard / Et moi toutes les nuits.

Lili / Mais maintenant tu es sorti, c'est le principal.


M Bernard / Je sais mais je suis sorti à cause d'une remise de peine.

Lili / Une remise de peine, c'est formidable non ?


M Bernard / Remise de peine pour bonne conduite. A moi ! Bernard le faire-part ! Même à l'école, j'avais que des mauvaises notes à cause de ma conduite. Tu te tends compte ? Libéré pour bonne conduite. Et ma réputation, t'y penses, à ma réputation ?

Lili / Une bonne réputation, ça peut arriver à n'importe qui.


M Bernard / Je suis pas n'importe qui.

Lili / L'important c'est que tu sois revenu. Ces deux années ont été atroces sans toi.


M Bernard / Je sais, sans moi, c'est atroce. Mais je sais aussi que j'ai pas manqué à tout l'monde.


Lili / T'en veux toujours à Teddy la serrure ?

M Bernard / C'est pas Teddy la serrure ! C'est Teddy l'enflure. Teddy la pourriture ! Et Teddy la serrure, si je le trouve, après ce sera Teddy la confiture. Au fait, c'est quand la dernière fois que tu l'a vu ?


Lili / C'était à l'enterrement de Hippolyte.

M Bernard / Hippolyte la dynamite ?

Lili / Il s'est fait sauter avec sa cuisinière

M Bernard / Sa femme ?

Lili / Non. Sa cuisinière. Une fuite de gaz.

M Bernard / On s'méfie pas assez des cuisinières.

Lili / Tu crois toujours que c'est Teddy qui t'a dénoncé ?

M Bernard / Je le crois pas, j'en suis sûr !

Lili / Tu crois vraiment qu'il t'a dénoncé pour avoir l'argent ?

M Bernard / Quand on dénonce, c'est rare qu'on le fasse à titre gratuit. Et le Teddy, le désintéressement, ça m'étonnerait que ça l'intéresse.

Lili / C'est peut-être quelqu'un d'autre ?

M Bernard / Les autres qui auraient pu me dénoncer, ils ont pas eu le temps de le dire. Je ne vois que cette pourriture..

Lili / T'aurais pu le dénoncer.

M Bernard / Moi ? Je dénonce pas, je bute. C'est une question de savoir vivre. Et puis les histoires de famille, ça sort pas de la famille. Alors, le Teddy la serrure, tous les soirs, j'avais une pensée affectueuse. Le matin aussi. Et l'après-midi, pendant la promenade.. Même en ce moment, j'y pense. Le Teddy il le sait pas encore, mais il est cuit.

Lili / Tu devrais classer toute cette histoire.


M Bernard / Mais je vais la classer. Teddy la serrure, il va pas tarder à recevoir un faire-part. Le Teddy, je vais lui faire un lifting à l'envers. Je commencerai par la devanture. Si je lui donne pas le coup de grâce, après, il pourra prendre un abonnement chez le dentiste.

Lili / Tu n'vas pas le tuer ?

Lili / Pas tout de suite. Parce que moi, je peaufine. Le Teddy, faudra qu'il me raconte sa vie avant que je le passe à la sulfateuse. Après il pourra servir de flacon pour du sucre en poudre.

Lili / Tu risques de retourner au trou.


M Bernard / Oh ! Tu sais ce qu'il y'a là dedans (Il montre son crâne) Moi quand je pense, je réfléchis.


Lili / Je ne voudrais pas encore me retrouver toute seule

M Bernard / Toi ! Toute seule ?T'es plus belle qu'une décapotable à la sortie de l'usine. Tu resterais même pas deux secondes sur le trottoir. D'ailleurs, tout cela m'énerve. Viens dans ta chambre, que je te fasse l'inventaire.

Lili / Nous avons tout notre temps.

M Bernard / Pas moi. Ça fait deux ans que je me retiens (M Bernard ouvre la porte de la chambre. Il crie) Sortez de dessous le lit ou je tire !

Lili / Qu'est-ce que tu dis ?


M Bernard / Je plaisante. Je sais bien que tu es toute seule. Ah Lili, j'ai dû te manquer.

Lili / Si on pouvait remettre ça à plus tard.

M Bernard / C'est l'affaire de deux minutes.

Lili / J'ai un rendez-vous chez le coiffeur

M Bernard / A cette heure là ?

Lili / C'est un coiffeur de nuit.


M Bernard / Belle comme tu es, plus belle, c'est pas possible.

Lili / C'est gentil ce que tu dis.


M Bernard / C'est pas gentil, c'est mérité. Bon, va te faire arranger la colline, pendant ce temps, je vais m'occuper du Teddy la moisissure. Je vais lui faire ça à l'ancienne. Parce que moi, je suis pour le respect des traditions. D'abord, il me dit où il a planqué le fric, et après, une bastos et hop dans le béton. Lui qui rêvait de faire construire, il va finir en première pierre.


Lili / Tu devrais peut-être réfléchir.


M Bernard / J'ai réfléchi ! Pendant dix piges ! Jour et nuit. Teddy la raclure, il le sait pas encore, mais il est mort.


Lili / Mais peut-être que..


M Bernard / Stop ! Alors, bon d'accord, les femmes ont le droit à la parole. Mais attention ! Dans la limite de mon cerveau disponible. Le Teddy de mes deux, je vais m'en occuper tout de suite. Et quand je dis que je m'en occupe, je m'en occupe.


Lili / Mais tu sais pas où il habite ?


M Bernard / Oh ! (Il montre son crâne) Là dedans, y'a son adresse, son numéro de téléphone, même son arbre généalogique. Si je le retrouve pas, je bute sa famille. Même son cochon dinde je le bute.

Lili / Tu veux que je vienne avec toi ?

M Bernard / Qu'est-ce qu'on va penser dans la profession ? Le règlement de compte personnel, faut que ça reste personnel. Toi, tu vas chez le coiffeur.

On sonne à la porte

M Bernard / T'attends du monde ?

Lili / Non.

M Bernard / Alors si t'attends pas du monde, pourquoi on te sonne ?

Lili / Ça doit être ma voisine. Madame Touche. Elle est un peu collante mais elle très gentille. De temps en temps je la dépanne. Elle n'est pas riche, elle a une petite retraite.


M Bernard / Va ouvrir, mais tu vois ce qu'il y’a là (Il montre une poche de son vêtement). Ce machin là, j'y tiens plus qu'à mes deux prunelles. Alors si jamais c'est pas ta madame Touche et que ce serait par exemple quelqu'un comme le Teddy la pourriture, je tire.

Scène 3 : M Bernard / Lili l'alibi / Madame Touche

Lili va ouvrir. Madame Touche entre

Mme Touche / Je ne voudrais pas déranger.

Lili / Mais vous ne nous dérangez pas, il n'est que cinq heures du matin.

Mme Touche / Tant mieux. Parce que figurez vous que je n'arrivais pas à dormir.

Lili / Vous ne voulez pas un somnifère ?


M Bernard / Ça tombe bien, je suis spécialiste en somnifères..

Mme Touche / Oh mais vous avez du monde ! Je suis confuse.


Lili / Ne vous en faîtes pas. Je vous présente..

Mme Touche / Laissez-moi deviner. C'est votre papa ?

M Bernard fait la tête

Lili / Non ! C'est mon ami.

Mme Touche / Monsieur.. ?

M Bernard / Bernard.

Mme Touche / J'ai connu un Bernard. Ce ne serait pas de votre famille ? C'est comment votre nom ?


Lili / Euh.. Bernard le canard ! (M Bernard fait la tête)

Mme Touche / Bernard le canard ? C'est rare comme nom. Moi c'est Touche.

M Bernard / Touche ?

Mme Touche / C'est bizarre aussi hein. Remarquez, Canard c'est pas mieux. Surtout à l'ouverture de la chasse. (Elle rit) Oh pardon.

Lili / Je vous en ai déjà parlé.

Mme Touche / Ah oui ! C'est vous qui étiez en vacances.

M Bernard / J'avais besoin de repos

Mme Touche / Vous étiez en vacances au soleil !

M Bernard / Au soleil, deux fois par jour, pendant la promenade.


Mme Touche / La promenade. Moi aussi j'adore marcher. Tous les jours, je fais au moins deux cents mètres.

M Bernard / Deux cent mètres, c'est beaucoup.


Mme Touche / N'est-ce pas ? Et vous ?


M Bernard / Oh moi je faisais les cents pas.

Mme Touche / Vous n'avez pas beaucoup bronzé.


M Bernard / Je suis beaucoup resté à l'ombre. Faut toujours faire gaffe à sa peau.


Mme Touche / Et vous avez bien raison. Parce que moi aussi, dès que je m'expose, j'ai des coups de soleil. Vous supportez les coups de soleil ?


M Bernard / Les coups de soleil, les coups d'couteau, les coups en d'ssous, je n'aime pas les mauvais coups.

Mme Touche / Les mauvais coups ? Oh mais ! Alors celle là, elle est bonne. C'est un rigolo, votre ami.


M Bernard / Oui.. Je suis un marrant.

Lili / Bien. Madame Touche. C'est gentil d'être venue mais nous devons partir.


Mme Touche / En vacances ?


Lili / Non. Faut que j'aille chez le coiffeur.

M Bernard / Et moi je vais faire des courses.


Mme Touche / A cinq heures du matin ?


M Bernard / Quand on est un bon client, on vous ouvre..

Mme Touche / Au fait ? Pourquoi je suis venue moi (Elle réfléchit) Ah oui ! Il vous resterait pas un peu de café ?


Lili / Mais bien sûr. Du café.


M Bernard / Je m'en occupe ! (Il ouvre le placard et ne voit pas Petit Jo) C'est que des vêtements. (Il referme le placard)

Lili / Mais non / C'est dans l'buffet là. Ah les hommes, tous pareils.

Mme Touche / Oh vous savez, j'en ai eu qu'un, moi. Et déjà, un seul, c'est beaucoup. (M Bernard lui donne le paquet de café) Oh ça c'est gentil. Bon bien, je vais vous laisser faire vos courses. Au revoir. (Elle reste)


Lili / Euh.. Madame Touche. Là, vous êtes chez nous. C'est vous qui partez.


Mme Touche / Oh la la ! Ben dîtes donc, y'a des jours, on en tient une couche. Bon, bien au revoir. (Elle se dirige vers la porte de la chambre)

Lili / Non ! Là, c'est la chambre. La sortie, c'est l'autre


Mme Touche / Un peu plus j'allais m'coucher . Bon et bien, c'est moi qui pars, hein ? Alors, à plus tard.. Et merci pour le café.

Elle part

M Bernard / Elle a dû rester trop longtemps au soleil


Lili / Elle n'est pas méchante. Et puis rendre service, c'est un peu ma seconde nature.


M Bernard / Moi aussi, de temps en temps, j'aime rendre des petits services..

Lili / Alors.. mon p'tit canard..


M Bernard / Bernard le canard.. Pourquoi tu m'as appelé comme ça ?

Lili / J'ai pas réfléchi.

M Bernard / Que ça sorte jamais de là. On dira que je suis passé dans la volaille

Lili / Tu peux compter sur moi. Mon petit canard..

M Bernard / Bon. Fini les mamours. Maintenant, on passe aux choses sérieuses. Toi tu te fais refaire le dessus et moi, je m'occupe des choses tout court.

Lili / Mais tu me promets ! Si tu tombes sur Teddy, tu ne fais pas de bêtises !


M Bernard / Te fais pas du souci, avec Teddy la rognure, y'aura pas de bavures. (Il part)

Lili / Oh ! Chéri ?

M Bernard / (Il se retourne, prêt à dégainer) Chéri ? T'as quelqu'un d'autre ?


Lili / Mais chéri, j'ai que toi.


M Bernard / Excuse moi, je suis pas habitué. En prison, c'était rare qu'on m'appelle chéri.

Lili / Mets au moins une écharpe, tu pourrais prendre un coup d'froid.

M Bernard / T'en fais pas. Bernard le faire-part, c'est pas le climat qui va le refroidir.

Lili part avec M Bernard

Scène 4 : Teddy / Petit Jo

Teddy sort de la chambre

Teddy / Je l'crois pas ! On essaie de gagner malhonnêtement sa vie et voilà le résultat. Où il est le débutant que je le bute ?

Petit Jo frappe dans la porte du placard

Petit Jo / Y'a quelqu'un ? Au s'cours !

Teddy / L'abruti, il s'est enfermé est dans l'placard.

Enfin, il ouvre la porte du placard. Petit Jo sort, affolé

Petit Jo / Oh merci. En plus y'a pas d'lumière.

Teddy / (Il marmonne) Une poule mouillée. Et moi, je le recrute.

Petit Jo / Oh merci, t'es drôlement gentil de m'ouvrir.

Teddy / (Très énervé) Attends que je t'avertisse. Tu me redis encore que je suis gentil, je t'extermine.

Petit Jo / Mais c'est vrai !

Teddy / Qu'est-ce qu'on va dire dans...

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