Don Quichotte à Alger

Depuis cinq ans, Miguel de Cervantès est captif à Alger, mais finalement on est venu payer sa rançon. Il doit rédiger un témoignage, mais il n’y arrive pas, obnubilé par le souvenir de ce qui lui était arrivé deux ans auparavant… Enfermé alors dans le bagne parce qu’il a tenté de s’échapper de la ville, il reçoit la visite de Si Ali. Ali et Miguel ont des liens d’amitié depuis quelque temps, et Miguel accepte une proposition du marchand qui lui permet de sortir de prison et d’intégrer son ménage. Il apprend qu’Ali est en train d’arranger un mariage pour sa fille, Zohra, et celle-ci lui demande de l’aider à s’évader d’Alger et de se rendre en Espagne. Sa demande est peut-être un guet-apens pour mettre la loyauté de Miguel à l’épreuve, et Carmen, la concubine espagnole d’Ali qui a élevé Zohra, les surveille de près. Zohra a de l’argent, Miguel croit à la liberté, ainsi une nouvelle tentative de fuite est séduisante. Néanmoins, il faudra du temps pour réaliser son plan d’évasion et il lui faudra surmonter beaucoup d’obstacles.

Liste des personnages (4)

Miguel de CervantèsHomme • Adulte
30 ans, Espagnol maintenu en captivité contre une rançon. Sa main gauche, raide comme une griffe, est bandée à cause d’une blessure.
Si AliHomme • Adulte
50 ans, marchand fortuné algérois. Il est armé d’une dague (koumya) suspendue à une grosse corde en soie qu’il porte en travers de sa djellaba.
ZohraFemme • Jeune adulte
20 ans, fille unique d’Ali.
CarmenFemme • Adulte
40 ans, Espagnole, renégate et femme de Si Ali.

Décor (1)

Don Quichotte à AlgerLa scène est entourée de moucharabiehs rétroéclairés ; l’éclairage changera selon l’heure du jour ou de la nuit, l’ambiance, ou l’endroit. D’un côté se trouve une petite table de travail ou écritoire où sont entassées des pages de manuscrit. Deux petits tabourets.

SCÈNE I

 

Octobre 1580.  Tard dans la nuit.  On jette MIGUEL dans la chambre où il est censé écrire son témoignage.

MIGUEL. — Témoignage.

SI ALI entre en portant une rame de papier qu’il dépose aux pieds de MIGUEL.  CARMEN suit et dépose un encrier.  ZOHRA entre et tend une plume d’oie à MIGUEL qui la prend sans regarder ZOHRA.  MIGUEL lit quelques pages, prend une feuille blanche et commence à écrire.  Il ne voit pas les autres, et il est confus lorsqu’ils commencent à parler.

MIGUEL.  Témoignage de Miguel de Cervantès.  Octobre 1580.  Non !  Ça, non, non, et non !  Ah !

Il laisse tomber le papier et prend la tête dans les mains.  SI ALI vient prendre la feuille que MIGUEL a laissé tomber.

CARMEN. – Et alors?

SI ALI. — « Témoignage.  Octobre 1580.  Captif à Alger, sa rançon est maintenant payée, Miguel doit rédiger l’histoire de son séjour… »  Une histoire ?  Ce public veut toute la vérité.

CARMEN. — Si Ali, tu ne prendras pas de poires d’un peuplier.

SI ALI. — Carmen, l’enjeu est trop grand.

ZOHRA prend le papier à SI ALI.

CARMEN. – Tout à fait !  Ce joueur-né suit le hasard n’importe où.  Alors, Mademoiselle Zohra, lis-nous ce qu’il a écrit.

MIGUEL. — Zohra !  Tu es là.

ZOHRA. — Me voici.

MIGUEL. — J’ai cru que tu n’allais plus jamais revenir.

ZOHRA. — J’entre et je sors à ma volonté.  Voilà.

SI ALI. — (Il lui prend le papier.)  « Il est soldat et a supporté des années de captivité cruelle.  Il est de bonne souche, tous les membres de sa famille sont Vieux Chrétiens. »

CARMEN. – Et qui c’est qui t’a dit qu’il allait tout inventer ?

SI ALI. — « Il a toujours été fermement résolu à défendre la liberté, et si quelqu’un est en difficultés ou a subi une injustice, il luttera pour lui donner la liberté. »  Chose que tu n’as jamais réussi à faire, pas une seule fois.

ZOHRA. – Il a tenté de le faire, Baba.

SI ALI. – Il a fait des tentatives insensées.

CARMEN. – Et d’autres sont morts à sa place, n’est-ce pas ?

SI ALI. – « Soldat au service du roi.  Esclave à Alger.  La rançon payée.  Il veut témoigner de tout ce qui lui est arrivé »

CARMEN. – Il ne va pas tout raconter.

SI ALI. – « Le tout signé et juré par des témoins. »

CARMEN. – Encore une fois, non ?

SI ALI. – « Témoins qui attestent par la présente de son bon caractère, de sa foi constante, et de ses bonnes actions auprès des chrétiens assujettis  »

CARMEN. – Nous n’allons donc pas figurer.

ZOHRA. – Il ne peut pas nous laisser à l’écart !

CARMEN. – Bien sûr que oui.

ZOHRA. — Et tu te demandes pourquoi je m’éloigne de toi.

MIGUEL. — Écoute, s’il te plaît.

ZOHRA. — Pourquoi ?

MIGUEL. — Je veux te lire un poème.

ZOHRA. — Pas maintenant.

MIGUEL. — C’est l’affaire d’un instant.

ZOHRA. — (ensemble) Pour une fois tu vas m’écouter.

SI ALI. — (ensemble) Tu es censé achever ceci.

CARMEN. — (ensemble) Vous n’allez pas vous débarrasser des punaises dans ce lit.

MIGUEL. — (Il porte les mains à la tête.)  Arrêtez ce vacarme là-dedans.  Taisez-vous.

SI ALI. – Ça alors !  Je ne suis pas les ordres de monsieur le fabuliste.

MIGUEL. – Zohra, tu te rappelles le sonnet ?  (Il cherche un papier.).  Je m’en suis souvenu hier.

ZOHRA. — Et mon histoire / à moi ?

MIGUEL. — Écoute ceci d’abord :

Pendant le long silence de la nuit,
Quand le doux sommeil berce les dormeurs,
J’énumère toutes mes riches douleurs
Et les inscrit pour Zohra, ange, esprit.

ZOHRA. — Je trouve que le poète s’apitoie sur son sort.

CARMEN. — Dis quelque chose, toi.

SI ALI. — Ah.  Attends que cette idée lui sorte de la tête.

MIGUEL. — Laisse-moi terminer.

Quand le soleil se montre aux portes rosées
De l’Orient, je renouvelle mes soupirs,
Et mon ancienne plainte revient croupir
Dans la peine qui m’a été imposée.

MIGUEL continue à lire {VERS} pendant que les autres parlent entre eux.

CARMEN. — C’est pas bon, ça, n’est-ce pas ?

SI ALI. — Il a écrit de meilleurs.

ZOHRA. — Je le trouve barbant, qu’il s’arrête.

CARMEN. — Oh !  Mais c’est toi qui inspire toutes ces belles paroles.

ZOHRA. — Ne me taquine pas, Carmen.

MIGUEL. — {À son zénith le soleil me voit gémir,
Entend mes pleurs redoubler, ma voix frémir.
Ma lamentation se poursuivra la nuit.
Je ne garde aucun espoir car il s’enfuit,}
Et toujours dans cette lutte si inflexible
Le Ciel est sourd et Zohra insensible.
Alors ?

ZOHRA. — Ce n’est que de l’amour-propre, mon pauvre.

MIGUEL. — Tu as tort, je dis que je t’aime beaucoup.

ZOHRA. — Même si c’était le cas, pourquoi donc devrais-je être amoureuse de toi ?

MIGUEL. — Je grimperai des rochers coupants pour arriver à toi.

ZOHRA. — S’il te plaît !

MIGUEL. — Je pense à toi depuis deux ans.

ZOHRA. — Oui, oui.  Tu es amoureux d’un souvenir.

MIGUEL. — Tu es si belle.

ZOHRA. — Dieu m’a donné la beauté.  Je ne l’ai pas choisie pas plus que la vipère n’a choisi son venin.  Arrête tes élucubrations.

MIGUEL. — La beauté n’est pas le venin.

ZOHRA. — Ce n’est pas ce que j’ai dit.

MIGUEL. — Quand j’écrirai notre histoire, tu m’accompagneras.  Nous aurons un bateau et nous prendrons la mer pour aller à la liberté.  Tu seras toujours, toujours à mes côtés.  Nous nous marierons, / nous irons...

SI ALI. — Elle veut t’épouser ?

MIGUEL. — Si Ali, elle s’en est remise, n’est-ce pas ?

SI ALI hausse les épaules.

Quand les gardes m’ont pris, elle avait commencé de parler.

CARMEN. — Et depuis ce moment-là, (CARMEN tapote la tête de MIGUEL) tout se passe ici, n’est-ce pas ?

SI ALI. — Effectivement.  Eh bien, ta rançon a été versée, tu es libre de prendre le chemin de retour.  (Il prend un des papiers.)  Mais il y a toujours ce « témoignage à présenter à sa majesté » ?

CARMEN. — Il croit que le roi se laissera y prendre, et lui donnera ce qu’il veut ?

ZOHRA. — Mais si ils le signent, tous ?

CARMEN. — Le roi ne tombera pas dans ce portrait-piège d’un chevalier portant lance, heaume et armure.  (À MIGUEL.)  Vous souhaitez être quelqu’un d’autre, non, il faut rester fidèle à vous-même.

MIGUEL. — Je ne peux pas être moi-même ici à Alger.

CARMEN. — Vous ne savez pas qui vous êtes, vous ne pourrez pas vous intégrer là-bas, et ils savent déjà tout de vous.

MIGUEL. — Notre terreur, qui êtes dans l’obscurité, que votre peine soit sanctifiée.

SI ALI. — Mon dieu.

MIGUEL. – Que ma rançon vienne.  Donnez-moi ma liberté.  Pardonnez-moi ma panique.

CARMEN. — Les cafards ont infesté le placard.

MIGUEL. – Ne nous menez pas à la conversion, mais délivrez-moi mon histoire.

SI ALI. — Miguel, est-ce que tu vas déclarer les faits ?

MIGUEL. — La vérité est toujours une histoire, Si Ali.  On sélectionne, on dispose, pas forcément dans l’ordre original.  On crée un ensemble pour que tous les éléments aient un sens qu’ils n’avaient pas à l’origine.

CARMEN. — Déclarez ce que nous, nous avons vu, Capitaine Quichotte.

MIGUEL. — Dites-moi, elle n’a pas épousé ce soupirant ?

CARMEN. — (tapote la tête de MIGUEL)  Ici dedans, elle est libre de vous épouser.

MIGUEL. — C’est la vérité ?

CARMEN. — Elle peut toujours vous refuser.

MIGUEL. — Répondez.

CARMEN. – Alors que vous m’avez toujours dédaignée ?  La petite femme paysanne convertie de Si Ali, là pour s’occuper de la fille.

SI ALI. — Occupons nous de l’affaire en cours.

MIGUEL. — Je veux tout savoir sur Zohra.

CARMEN. — Le diable le fera trébucher quand il écrira son histoire.

ZOHRA. – Ce n’est pas que son histoire à lui, Carmen, c’est notre histoire.

 SI ALI. – Ma très chère fille, / je crois que ...

ZOHRA. –  Tout le monde devrait connaître notre histoire !

CARMEN. – Tu veux qu’il te lave ton linge sale ?

ZOHRA. – Si ce n’est pas lui, qui va raconter notre histoire ?  Miguel, prend ta plume, et j’exige que tu racontes la vérité.

SI ALI. – Regarde-le lui céder.

CARMEN. – J’en connais un autre.

MIGUEL prend une plume et commence à écrire.

ZOHRA. – Fais-le pour moi.  Vous voyez ?  Il écrit notre histoire.  Commence le jour où Baba est venu te chercher au bagne.  Chut, Carmen, il va écrire toute la vérité.

 

 

SCÈNE II

Vers la mi-matinée, juillet 1578.  Cellule du bagne d’Alger.  Une porte d’un côté.  MIGUEL est à demi-nu.

MIGUEL. — Dans une grande ville de Barbarie et je ne vous dirai pas le nom – qui voudrait se le rappeler ? - il y avait un soldat pris en otage par des pirates.  Cet homme s’était battu au nom de Dieu pour son roi et sa patrie.  Il portait les cicatrices de blessures de coup de balle et de coup d’épée reçues dans les batailles où il avait guerroyé tant sur terre qu’en mer.  Au moment où je reprends son histoire, ce capitaine d’armée courageux attendait debout dans une ruelle.  La nuit était obscure comme une cellule de bagne.  Son épée à la main, il attendait un vieil ennemi qui s’est interposé entre lui et le moment de s’échapper de la ville diabolique.

SI ALI entre, il porte un petit bouquet de jasmin, et un fardeau, qu’il dépose.

SI ALI. — Je veux juste t’écouter un peu mieux.  Poursuis ton histoire.

MIGUEL. — Les rats l’ont déjà écoutée.

SI ALI. — Mais ton ami ne l’a pas écoutée.

MIGUEL. — Mon ami ?  Qu’est-ce qui t’a empêché si longtemps de venir me voir ?

SI ALI. — Si j’ai bien compris, tu as la forme. Et rassure-toi, moi aussi, Dieu merci.

MIGUEL. — Qu’est qui t’a retenu ?

SI ALI. — Où en sommes-nous ? D’après ton calendrier chrétien, au mois de juillet, 1578. / Alors j’ai…

MIGUEL. — Cela fait des mois, Si Ali !

Dans le fardeau SI ALI prend un petit bol et un gant de toilette mouillé dont il se sert pour laver MIGUEL.  Il revêt MIGUEL d’une chemise et un blouson.

SI ALI. — L’accès n’est pas facile.

MIGUEL. — Plus facile que d’en sortir.

SI ALI. — J’ai une affaire à mener, et une fille qui sait tout chambouler.

MIGUEL. — Alors, pour tout cela tu as le droit d’oublier ton ami ?

SI ALI. — Qu’est-ce que je suis censé faire quand il se met en péril ?

MIGUEL. — Lui venir en secours.

SI ALI. — Qui te dit que je ne l’ai pas fait ?

MIGUEL. — Tu n’as fait que t’occuper de ton commerce.

SI ALI. — C’est comme ça que je gagne ma vie.  Quoique, Dieu sait, je viens de faire un investissement risqué.

MIGUEL. — Cela est démuni de sens pour un soldat.

SI ALI. — Soldat ?  Jusqu’à ce qu’on te rachète, tu es captif.

MIGUEL. — Soldat.

SI ALI. — Captif.  Miguel, tu n’as pas réussi à t’évader.  À nouveau.

MIGUEL. — Parce qu’on m’a trahi.  À nouveau.

SI ALI. — Néanmoins, on t’a épargné les deux mille coups de fouet.  Alors, qui s’en est occupé de cela ?

MIGUEL. — Ce n’était pas fini ?

SI ALI. — Deux mille coups t’auraient enlevé toute la chair du dos, et tu le sais, ça.

MIGUEL. — Je n’arrivais pas à poser les pieds par terre quand ils ont terminé.

SI ALI. — Ils auraient arrêté la bastonnade si tu avais dit la vérité.

MIGUEL. — Mais j’ai tout dit.

SI ALI. — Voilà pourquoi ils ont continué de te battre.

MIGUEL. — Ils ne voulaient pas entendre ce qui s’est vraiment passé.

SI ALI. — Que tu avais tout planifié toi-même et seul ?

MIGUEL. — Voilà, toi, tu ne me crois pas non plus.

SI ALI. — Voyons !  Tous les hommes portés sur cette liste étaient d’un rang supérieur au tien.

MIGUEL. — Cela ne veut pas dire qu’ils savaient tout sur mon projet.

SI ALI. — Tu les as tout simplement inscrits sur ta liste ?

MIGUEL. — Tu sauras le déterminer tout seul.  Si j’étais arrivé en Espagne, ils se seraient…

SI ALI. — Tu es toujours ici.  Tu sais ce qui est arrivé à ton messager ?

MIGUEL. — Les rats ne me raconte jamais de nouvelles.

SI ALI. — Il a refusé de parler.  On allait le suspendre aux crochets, comme son prédécesseur.  On a décidé de l’empaler.  Il a survécu pendant presque trois heures suspendu au pal.

MIGUEL. — Je te connais.  Tu n’as pas regardé un empalement.

SI ALI. — Il est le deuxième de tes complices à se faire exécuter à la suite d’une de tes évasions ratées.

MIGUEL. — Je vous salue, obscurité, pleine de hantise, les rats sont avec vous et vous êtes torturée parmi les païens, / et mise au supplice…

SI ALI. — On me conseille de te laisser ici.  Pourtant, j’ai un projet pour toi.

MIGUEL. — Me mettre à ramer sur une galère ?

SI ALI. — Je n’ai pas l’intention de gaspiller mon investissement.

MIGUEL. — Tu as toujours dit que le commerce est fait de risques.

SI ALI. — Miguel, que Dieu m’aide, j’ai acheté ta rançon.

MIGUEL. — Si Ali, tu me libères ?

SI ALI. — J’ai dit acheter, pas payé.

MIGUEL. — Je suis donc ton captif ?

SI ALI. — Je ne veux pas te perdre, mon ami.

MIGUEL. — Ici je suis en sécurité.

SI ALI. — Je veux que tu fasses un travail pour moi.

MIGUEL. — Tuer des rats ?

SI ALI. — J’aurai besoin de faire traduire des lettres.

MIGUEL. — Des lettres d’affaires ?

SI ALI. — Pas exactement.

MIGUEL. — Qu’est-ce que c’est que ceci ?

SI ALI. — Tant que tu n’as pas donné ton accord, je ne te dirai pas davantage.

MIGUEL. — Quelque chose que tu fais pour les Turcs ?

SI ALI. — Dans la mesure où Alger est une ville de cet empire.

MIGUEL. — Tu travailles avec le Gouverneur.

SI ALI. — En tant que délégué du Sultan, / il est...

MIGUEL. — Tu te négocies une entrée.

SI ALI. — Je fais ce que fait un bon citoyen.

MIGUEL. — Ces lettres iraient donc en Espagne ?

SI ALI. — Les lettres seront écrites en espagnol.

MIGUEL. — Alors, il y a une récompense, n’est-ce pas ?

SI ALI. — La paix.

MIGUEL. — Tu veux dire que les mers seront plus faciles d’accès pour les marchands et les négociants.  C’est une question de commerce.

SI ALI. — Cela suffit, j’ai déjà trop dit.  Est-ce que tu acceptes ma proposition?

MIGUEL. — Et ma récompense ?

SI ALI. — Il faudra que tu acceptes / de…

MIGUEL. — Jamais.  Tu le sais d’avance.

SI ALI. — Te convertir ?  Il n’en est pas question.  Tu peux continuer à croire en un dieu en trois personnes.

MIGUEL. — Tu ne le comprends toujours pas.

SI ALI. — Oh, si.  J’ai une trinité en toi : Don Miguel, le poète ; le capitaine Quichotte, le soldat ;  et le conteur, Sidi Hamid Fils d’Ange.

MIGUEL. — Tu blasphèmes.

SI ALI. — Je peux te garder sous les verrous, ou tu peux assumer la tâche.  Sans faire de tentative d’évasion.

MIGUEL. — Des termes très sévères.

SI ALI. — Ta parole d’honneur d’un officier de l’armée.

MIGUEL. — Venez regarder, les rats.  On joue, et la mise est ma liberté.

MIGUEL sort deux dés.

SI ALI. — Je ne joue pas avec toi.

MIGUEL. — Juste un petit jeu de hasard.  Si tu gagnes, je vais travailler pour toi, si je gagne, tu vas me libérer.

SI ALI. — Je ne joue pas.

MIGUEL. — Si, si, tu joues.  Eh bien, un coup simple.  Voilà.  Ooh, tu as huit.

SI ALI. — Je ne joue pas avec toi.

MIGUEL. — On tente sa chance à tout moment, Si Ali.  Cinq.  Tu as gagné.

SI ALI. — Je veux que toi, tu décides, pas les dés.

MIGUEL. — Marchands, soldats, nous ne sommes que des joueurs.

SI ALI. — Certainement pas.  Je ne laisse pas la chance déterminer ma vie.

MIGUEL. — (Il agite sa main gauche)  Tu ne sais pas à quel moment la balle frappera, ni qui sera frappé.  Une mise avant la bataille :  celui qui prendra le premier une balle.  Qui recevra une balle dans les fesses.  Le nombre d’oreilles que l’on coupera.  Cela t’aiguise les sens.  Cette fois tu as gagné.

SI ALI. — Parole d’honneur ?

MIGUEL. — Tu veux la parole d’un officier.

SI ALI. — Dieu merci.

MIGUEL. — Il me faut du papier, de l’encre, des plumes d’oie.

SI ALI. — Bien sûr.  Tu seras mon secrétaire.

MIGUEL. — Je dois écrire tout ce que je porte dans ma tête depuis des mois.

SI ALI. — Qu’est-ce qu’il veut d’autre, le conteur ?

MIGUEL. — Du pain frais.

SI ALI. — Le mitron viendra à la maison en...

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