Fusion Et Confusion

Maurice – minable comptable – prépare Jean-Philippe – cadre supérieur – menteur pathologique – à une rencontre avec Madame Zéboni, redoutable femme d’affaires. Vingt ans auparavant, elle n’était que Daisy… mignonne petite secrétaire… fragile brebis aux dents encore plus longues que celles de nos jeunes loups.
Le monde des finances : tous les coups sont permis, à condition que ça rapporte…
Trois personnes, tortueusement modelées par leurs rapports d’antan, se retrouvent dans la même toile d’araignée, tissée
d’avarice et de désir.

 

 

 

 

 

 

        FUSION ET CONFUSION

 

COMEDIE d'ALAN ROSSETT

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Jean-Philippe

Maurice

Daisy

 

 

 

 

 

 

Acte 1

Une allée dans le Parc de St. Cloud.

Scène 1  :  Midi.

Scène 2  :  Le lendemain Matin.

 

Acte 2

Chez Maurice. Fin de Matinée.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

ACTE 1

 

Scène 1

 

Fin du 20ème siècle.  La pièce commence dans une allée du Parc de St. Cloud.  Midi, printemps, beau fixe.

 

Ce décor peut être fait de mille-feuilles vertes si ça plaît au scénographe... ou, selon le budget, un simple banc. L'important, ce sont les deux hommes qui y sont assis. Entre eux : une grande boîte contenant une pizza.

 

Maurice : 45 ans, fébrile et effacé à la fois.

 

Jean-Philippe : dans les quarante ans, lui aussi : bel homme, un peu usé, dans un beau costume.

 

Maurice taquine Jean-Philippe avec une sournoise insistance...

Jean-Philippe esquive... tantôt renfrogné... tantôt attiré. Ambiance assez tendue :

 

 

JEAN-PHILIPPE   Mais enfin, Maurice... pourquoi m'as-tu invité ici ? Pour manger

une pizza ? Ou pour me dire que j'essaie, moi, de t'acheter avec du caviar ?

 

MAURICE   Tu n'essaies pas. Tu y arrives.

 

JEAN-PHILIPPE    Que veux-tu de plus ? De temps en temps, en technocrate par excellence, tu me fournis la solution d'un petit casse-tête informatique. Je te récompense en champagne, ou par un dîner chez Taillevent… Tu sais, je ne suis pas du genre à graisser la patte.

 

MAURICE    Et l'affaire Polineau-Rey ?

 

JEAN-PHILIPPE   Comment ?!

 

MAURICE  Mes ordinateurs, vieux. Je prends une statistique, je la confronte à un nom, je la fais violer par un autre et tiens-tiens bing ! ton nom entaché de la corruption !

 

JEAN-PHILIPPE ("amusé")  Tu veux me faire chanter ?  C'est ça ?  Sacré Maurice ?

 

 

MAURICE   Au contraire ! Je rêve de devenir aussi dégueulasse que toi !  Quand on travaillait ensemble, c'était l'adoration !! Tu sais, je ne suis pas totalement fermé aux propositions en ce moment. Donc j'attends la tienne, et ensuite...

 

JEAN-PHILIPPE   Ca tu l'attendras jusqu'à la fin du monde !! Non, on a beaucoup de choses en commun mais..­.

 

MAURICE  Aucune ! On est complémentaires !! Toi et moi, dans le temps,

ensemble !

 

JEAN-PHILIPPE  (le coupant)  On a fait une merde !

 

MAURICE  Pas exactement..­-

 

JEAN-PHILIPPE (le coupant)  U-Ne Mer-De ! Même si ce n'était pas de notre faute.

 

MAURICE  Si ! La tienne !

 

JEAN-PHILIPPE  Je m'en souviens à peine. Mais... ?  Ç'aurait pu se passer autrement non... ?  ... si... on n'était pas tout simplement mal tombés...  avec...

ce... ?

 

MAURICE  Cette.

 

JEAN-PHILIPPE  Oui, cette... associée... Cette... ?

 

MAURICE  Mademoiselle Zéboni. Daisy Zéboni. Daisy. Aucun souvenir ?

 

JEAN-PHILIPPE  Oh que si ! Je l'appelais "Ma beauté juive"... Cela l'excitait ! Cela m'excitait ! Ah ! cette excitation devant la beauté juive !

 

MAURICE   Tu ne serais pas un peu antisémite, Jean-Phi ?

 

JEAN-PHILIPPE   Loin de là ! Qu'à voir les jambes satinées de cette jolie juive... étincelantes de "Rosée de Rose", eau de toilette pur Ménilmontant. Elles m'ont attendri, ces jambes-là !

 

MAURICE   J'espère bien. Tu as laissé quelques milliards couler entre ces

jambes-là.

 

JEAN-PHILIPPE   Enfin. C'est du passé !

 

MAURICE   Pour toi ! Qui as transformé une petite connerie en pierre angulaire de ton fabuleux empire ! Broncard ! Directeur Général de l'Uni-Pasico ! Tandis que

moi ! J'ai récolté la tempête ! Les conséquences des jambes satinées et la rosée de rose de Mamzelle Zéboni et ce depuis vingt ans !

 

JEAN-PHILIPPE   Maurice ! Pas possible ! Troublé encore par un trivial incident         lointain ?

 

MAURICE  Trivial ? Explique-moi pourquoi - une fois « la rigolade » classée - trois ans se sont écoulés avant que tu oses me revoir ?  Pourquoi - pendant toutes ces années - ­on n'a jamais prononcé un seul mot là-dessus ?  Fais gaffe ! Même pour un Directeur Général, le moment des comptes arrive ! En bas de la note : Qui tu étais !... Qui j'étais ! (insinuant) Qui elle était.

 

JEAN-PHILIPPE   N'étions nous pas, toi et moi, de jeunes gens comme il y en a cent, comme il y en a mille : désespérément banals ? Petits employés de banque qui trimaient dans un cagibi vétuste ? Toi... toujours ce pull-over informe...

 

MAURICE    Toi, penché déjà vers l’avenir, attifé en caricature de cadre supérieur… Ensemble on vérifia les dossiers des petites sociétés qui avaient demandé à notre banque des emprunts modestes pour financer des projets quelconques. Toi... au téléphone…

Jean-Phi…  :

 

JEAN-PHILIPPE   (Comme dans un flash-back, « au « téléphone », jeune, mielleux)   "Monsieûûûr, je n'ai pas de conseils à vous donner… «

 

MAURICE   (ronronnant)   Mmmmm vas-y donne, donne…

 

JEAN-PHILIPPE   « Mais entre nous – chut - on m'a dit que si - au lieu d'emprunter - vous "placiez" ce que vous n'avez pas... mais que vous aurez si vous suivez mes conseils à le lettre ... Chut, Monsieur, chut !!"   (clin d'œil à Maurice)   Et encore un qui va perdre un paquet !  … Ce que je m'amuse !!

 

MAURICE   "Mon petit Jean-Phi... "   Ce  talent… de faire gober n'importe quoi à n'importe qui !!''…

 

JEAN-PHILIPPE  C'est une telle preuve de la connerie des gens.

 

MAURICE  "... que tu arrives à te sentir intelligent en comparaison. Pinocchio de mon cœur… ne serait-ce pas de la vraie intelligence de marier ton don à mon génie pour les chiffres ?

Et plutôt que de perdre des paquets pour les autres, en faire un… pour nous-même ?

Si, par exemple, on s’approprie un de ces dossiers devant nous…"

 

JEAN-PHILIPPE    "S'approprie ? "

 

MAURICE    (insidieux)  T'as à nouveau vingt ans. T'es beau à nouveau. Tout est possible de nouveau ! Pour toi ! Pour moi ! Main basse sur un dossier.  N'importe lequel. Tiens, cela  pour financer une nouvelle chasse d'eau qui en principe remplit votre cuvette à une vitesse "supersonique" !

 

JEAN-PHILIPPE  De la foutaise, quoi.

 

MAURICE  Tant mieux ! : nous serions bien les seuls à s’intéresser à ce dossier à la con. Alors toi, tu vas téléphoner au patron qui l’a déposé. Et – en faisant semblant d'être

un fondé de pouvoir de notre banque..- ­

 

JEAN-PHILIPPE   Moi ? Fondé de pouvoir ? Non ?

 

MAURICE   Si ! Pour Pinocchio, un jeu d’enfants !  Mets ta cravate la plus impressionnante et va convaincre Mr. Water-closet d'oublier son emprunt mesquin... pour se laisser acheter par une grande société. Celle de mon choix !  Car - toujours en "faux fondé de pouvoir" -­ tu vas prendre contact avec une grande société et  ­la convaincre d'acheter notre petite société. On appellera l'opération... ?

 

JEAN-PHILIPPE    "Fusion et Confusion"  !?

 

MAURICE   Oûûûi ! Car, quand ce sera marché-conclu entre les deux sociétés, nous présenterons le résultat ici, à notre banque. Nous allons avoir besoin d’une banque, non, pour officialiser l'affaire ? Notre banque - ayant touché une fort jolie commission juste pour quelques menus services – nous remercier sous forme de….(chantonnant)   « Promotions !"

 

JEAN-PHILIPPE    "Augmentations !"

 

MAURICE  "Titres ! Du fric, Jean-Phi, du fric !"

 

JEAN-PHILIPPE    (coupant le flashback)   Du fric, bah !! Daisy Zéboni en tout ça !!

 

MAURICE  Ses fesses...

 

JEAN-PHILIPPE  ... Ah... ?

 

MAURICE   Deux melons à point ondulants derrière une mini-jupe jaune canari ?

 

JEAN-PHILIPPE  Comment le sais-tu ?!

 

MAURICE  Chéri, tu m'as tout raconté d'elle ! A la grande société... tu as suivi ses déhanchements le long d'un corridor... jusqu'à... ?

 

JEAN-PHILIPPE    (rêveur)   "Mademoiselle ! Je suis Broncard de Trans-Crédit ! J'ai un rendez-vous avec Monsieur Patarin."

 

MAURICE    (caricaturant Daisy, aguichant")   "Il doit y avoir erreur sur votre rendez-vous ! Bernard... Monsieur Patarin est actuellement en vacances.

("s'assoit, sexy")   Je suis sa secrétaire... "  (croise ses jambes)  "de direction !!"

 

JEAN-PHILIPPE   J'ai entendu le crissement de ses bas...

 

MAURICE  ("Daisy, bavant")   "Ce dossier est bien présenté ! La chemise jolie ! Ooh ce dossier ! Laissez-le moi !"

 

JEAN-PHILIPPE    (flirt)   "Non ! Tu vas le mouiller" !

 

MAURICE    ("Daisy")   "Monsieûûûr !! Je vais essayer de le déchiffrer toute seule... ce soir... chez moi... !? "

 

JEAN-PHILIPPE    "Si on s'y mettait... ensemble ? "

 

MAURICE    ("Daisy, choquée")   "Comment ça !? "

 

JEAN-PHILIPPE    "Au restaurant ! Je vous emmènerai à, à..."

 

MAURICE    ("Daisy, maligne")   "La Tour d'Argent".

 

JEAN-PHILIPPE    (sort du jeu)   Elle a osé ?

 

MAURICE   (sec, redevenu Maurice)   Oui ! Le lendemain, tu m'as extorqué la moitié de la note.

 

JEAN-PHILIPPE    Et ça a payé ! Car, entre deux bouchées de canard aux pêches, elle m'annonce... !

 

MAURICE   ("Daisy, la bouche pleine")   "Je suis prête à tout, Monsieur Broncard ! Je vais pistonner le dossier."

 

JEAN-PHILIPPE    (un peu surpris)   "Mais Daisy... pourquoi ? "

 

MAURICE   ("Daisy, d'un coup espiègle")   "Là là là ! Simple curiosité ! J'adôôôre lancer l'hameçon... ! juste pour voir où peuvent aller les choses ! Grâce à mon appui, votre projet marchera ! On m'exploite. Mais on m'écoute.   (un autre ton)   Ne t'avise jamais de croire que je suis bête."

 

(redeviens Maurice  :  )   Alors, bête comme tu es, tu l'accompagnais chez elle... Et cinq minutes plus tard...

 

JEAN-PHILIPPE    (enthousiaste)   Oh, toutes les nuits de cette semaine

fantastique ! Il n'existait pas une autre comme ma jolie juive. En plein milieu de... d'un coup elle me transportait dans son passé… son lit un tapis magique parfumé de Tunisie... Mais en même temps, tu comprends, en même temps...

 

AURICE    ("Daisy, nasillarde")    "Qui est le couillon qui a fait ces calculs

cul-culs dans ton dossier !?  Aaaaah ta bouche aaah ces stupides calculs !!"

 

JEAN-PHILIPPE   ("jeune, condescendant")   "Daisy, mes chiffres me sont confiés personnellement par notre meilleur analyste financier. Par... Chut !! Maurice Despraux !! Tu te rends compte !! Maurice Despraux !! Maintenant tu peux m'embrasser !"

 

MAURICE   ("Daisy, grommelant")   "Qu'il m'appelle demain, ce-con-là... sinon ! ... Serre-moi plus fort aaaah !"

 

JEAN-PHILIPPE    Evidemment toi et elle au téléphone !

 

MAURICE   (grognant)   J'suis mauvais menteur ! Tu le sais bien !

 

JEAN-PHILIPPE   Elle aussi ! Le soir même, en rentrant chez Daisy,

tout de suite elle m'a demandé qui tu étais ­"vraiment". Pour changer de sujet…

("intime")   "Avant toi, j'étais vierge, Daisy, je t'aime pour toute l'éternité."

(bien content de lui-même)   Là, elle me met sur le dos et elle recommence !

 

MAURICE    Pour que tu jactes ! tout comme Judith a fait une pipe à Holopherne, avant de lui couper la tête ?

 

JEAN-PHILIPPE    Toi, toi !! cette vulgarité foncière !

 

MAURICE    Toi,  toi ! Tu lui as tout dévoilé  :  que deux petits employés - nous - faisions un truc illégal !

 

JEAN-PHILIPPE    Près de la porte ! Deux heures du mat !  "A demain, Daisy !! Bye-bye !! A demain !"

 

MAURICE (se grattant l'oreille)    A demain, tu dis ?

 

JEAN-PHILIPPE    C'est vrai, on était vendredi. Ce week-end-là, je ne pouvais pas...

 

MAURICE   A...

Il vous reste 90% de ce texte à découvrir.


Connectez vous pour lire la fin de ce texte gratuitement.



Donner votre avis !

Retour en haut
Retour haut de page