Homme sandwich

Pendant la pause déjeuner trois femmes se retrouvent dans un jardin public. L’une d’elle déprime parce que son mari la trompe. Ses deux amies décident de lui donner des leçons de « drague » afin de rendre l’époux jaloux. Ça tombe bien, un homme est assis sur le banc d’à côté…

Deux bancs publics à chaque coin de scène.

A l’ouverture Brigitte est déjà assise et en train de manger dans des tupperwares.

Apparaît MICHELLE.

MICHELLE - Bonjour Brigitte. Tu es déjà là ?

BRIGITTE - Ce que j’ai toujours admiré chez toi… c’est ton sens de l’observation !

MICHELLE - …Et tu manges déjà ?

BRIGITTE - Décidément, on ne peut rien te cacher Michelle !

MICHELLE (s’installant sur le banc) - Je suis simplement surprise de te voir : d’habitude, tu arrives toujours après Chantal et moi.

BRIGITTE - Mon patron est en vacances, je l’ai moins dans les pattes, du coup j’avance plus vite dans mon boulot ; cela me permet d’avoir des horaires à la carte. (Un temps, entre deux bouchées.) Tu m’excuseras si j’ai commencé à manger, mais j’avais vraiment trop la dalle !

MICHELLE - Qu’est-ce que tu manges ? Ça a l’air bon !

BRIGITTE - Des concombres… je suis au régime…

MICHELLE - Ah bon ? Depuis quand ?

BRIGITTE - Depuis que j’ai eu le malheur de faire du rangement dans mes placards…

MICHELLE - Et alors ?

BRIGITTE - Je suis tombée sur ma robe de mariée et cette andouille de Jean-Paul m’a suppliée de l’enfiler. Il était tout excité. Voilà qu’il me faisait la nostalgie de la nuit de noce !

MICHELLE (levant les yeux au ciel) - Ah ! Les hommes !

BRIGITTE - Quoiqu’il en soit, impossible de rentrer dans ma robe ! Je l’ai remise au placard et j’ai suggéré à Jean-Paul d’en faire autant avec ses fantasmes à deux balles !

MICHELLE - Pourquoi tu gardes ta robe de mariée ? Moi, il y a longtemps que je l’ai recyclée en layettes, mouchoirs, torchons…

BRIGITTE - Je l’avais oubliée ! (Palpant son ventre.) Mais maintenant, je la garde : elle va me servir de maître étalon.

MICHELLE (regardant dans l’écuelle de son amie) - Tes concombres… je ne rêve pas : il y a de la crème dedans ?

BRIGITTE - Oui, et alors ? Je me mets déjà au régime, s’il faut en plus que ce soit dégueulasse ! (Sortant des canapés de sa glacière.) Je me suis aussi préparé des canapés au foie gras… t’en veux un ?

MICHELLE - Non merci. Je reste fidèle à mon sandwich crudités.

BRIGITTE - C’est juste : tu n’es pas au régime, toi ! (dépitée.) Pfff ! Je ne suis pas prête de refaire du rangement dans mes placards moi !

MICHELLE - Oui, en même temps, il y a pire comme régime ! (Changeant de sujet devant la mine outrée de Brigitte qui a la bouche pleine.) Qu’est-ce qu’elle fait Chantal ? Elle devrait être là !

BRIGITTE (ayant fini sa bouchée) - C’est vrai, elle va pas nous faire croire qu’aux impôts, ils font des heures sup’ !

MICHELLE - Elle doit encore pleurer dans un coin. Elle n’a pas le moral en ce moment !

BRIGITTE - C’est sûr que comme boute en train, elle se pose là, la Chantal !

MICHELLE - Chut ! Je crois qu’elle arrive !

Apparaît Chantal, traînant le pied, les yeux rouges, reniflant et tenant une glacière à la main.

CHANTAL (digne) - Bonjour les filles.

BRIGITTE (hypocrite) - Tiens ? Chantal ! Justement on parlait de toi ! On se demandait ce que tu faisais… Alors ? Débordée aux impôts ?

Elles se font la bise.

CHANTAL (mollement) - Non… non… (Elle fond en larmes en s’asseyant sur le banc.)

MICHELLE - Allons bon ! Qu’est-ce qu’il t’arrive ?

Un homme arrive et va s’asseoir sur le banc opposé, ouvre son journal et commence à le lire.

CHANTAL (pleurant toutes les larmes de son corps) - Bouhouhou ! J’suis trop triste !

BRIGITTE (d’un air entendu à Michelle) - Des fois qu’on n’aurait pas remarqué !

MICHELLE (prenant Chantal par l’épaule, après avoir fait une mine réprobatrice à Brigitte) - Allons ! Allons ! Calme-toi voyons ! Pourquoi tu pleures ?

CHANTAL (entre deux sanglots) - A cause de François !

MICHELLE - Qu’est-ce qu’il a encore fait ?

CHANTAL - Il me trompe !

BRIGITTE - Tu parles d’un scoop !

MICHELLE - Tu as l’art de remonter le moral des gens, toi !

BRIGITTE - J’y suis pour rien si son mari saute sur tout ce qui bouge !

CHANTAL (cessant de pleurer) - Qu’est-ce que tu dis ? Il a eu d’autres maîtresses ?

BRIGITTE (embarrassée) - Euh… Non ! .. Euh… Comment dire ?

CHANTAL (agressive) - Tu insinues qu’il y a eu d’autres traînées avant celle là ?

BRIGITTE (outrée) - Traînées ? Traînées ? .. Faut pas pousser non plus !

MICHELLE - Pourquoi tu t’énerves, Brigitte ? On a l’impression que tu te sens concernée.

BRIGITTE - Qui ? Moi ? Pas du tout ! (A part à Michelle.) Ça va pas la tête ? Tu vas éveiller des soupçons !

MICHELLE - Ah bon ? Parce que tu ? .. (Faisant un signe d’insinuation.)

BRIGITTE - Oui ! Mais ça remonte à cinq ans. Il doit y avoir prescription, non ?

CHANTAL (suspicieuse) - Qu’est-ce que vous chuchotez dans votre coin ?

BRIGITTE - Rien !

CHANTAL - Vous causez beaucoup pour des nanas qui n’ont rien à dire !

MICHELLE - On disait que tu devrais essayer de rendre François jaloux.

CHANTAL - Comment ça ?

BRIGITTE - En draguant des mecs ! Cette question !

CHANTAL - Mais je n’sais pas faire !

MICHELLE - Il suffit de se lancer. (Désignant l’homme.) Tiens, le type sur le banc d’à côté par exemple.

CHANTAL - Mais je ne le connais pas !

BRIGITTE (empoignant Chantal pour la faire lever) - On te demande pas de le connaître ! On te demande de le draguer !

CHANTAL - Mais il est en train de lire son journal ! Ça va le déranger !

MICHELLE - C’est le but du jeu !

BRIGITTE - Dans le genre godiche Chantal, tu te poses là ! (Poussant Chantal qui résiste.) Allez ! Avance !

CHANTAL (retournant s’asseoir sur le banc précipitamment) - Il ne me plaît pas du tout ce bonhomme !

MICHELLE (se levant) - Ce n’est pas important…

CHANTAL (offusquée) - Quand même ! Je ne vois pas l’intérêt de draguer un type qui ne me plaît pas !

BRIGITTE (essayant de tirer Chantal par la main, qui résiste) - Tu n’es pas non plus un canon, Chantal ! Alors tu vas arrêter de faire ta difficile !

CHANTAL (contrariée) - Oui, mais, quand même !

MICHELLE - De toute façon, ce n’est pas grave s’il ne te plaît pas : c’est un cas d’école.

CHANTAL (hébétée) - Un cas d’école ?

BRIGITTE - Voilà, c’est comme à l’école : tu es là pour apprendre !

MICHELLE - Imagine-toi que tu dois résoudre une équation à deux inconnues.

BRIGITTE - Deux inconnus qui vont tout faire pour se rencontrer !

CHANTAL - Mais, je suis nulle en algèbre !

Brigitte et Michelle se placent derrière le banc.

BRIGITTE - Ben dis donc ! J’espère que le bonhomme là-bas, il est un peu plus positif que toi, parce que, négative comme tu es !..

MICHELLE (à part, à Brigitte) - Remarque, avec un peu de chance, le « plus » et le « moins » vont s’attirer !..

BRIGITTE (à part, à Michelle) - Je ne sais pas. C’est pas gagné !

CHANTAL (se retournant vers ses amies) - Qu’est-ce que vous baragouinez ?

BRIGITTE - On parle de phénomènes physiques.

CHANTAL (face au public) - Je vous l’ai déjà dit : ce type n’a pas du tout le physique qui m’attire !

Michelle et Brigitte lèvent les yeux au ciel avec un bel ensemble.

L’homme se mouche bruyamment, puis se nettoie le nez avec minutie, sous les yeux dégoûtés des trois amies.

CHANTAL - En plus je n’aime pas ces manières !

BRIGITTE - C’est un homme… Ça donne rarement dans la délicatesse, un homme !

MICHELLE - Oublie ça et considère que c’est une leçon de choses.

CHANTAL - Une leçon de choses ?

MICHELLE - Une leçon de drague, si tu préfères.

BRIGITTE - Le mec là-bas, c’est notre cobaye, rien de plus !

CHANTAL (pas convaincue) - Bon…

BRIGITTE (empoignant Chantal, tandis que Michelle pousse) - Allez ! Maintenant, lève-toi et marche !

MICHELLE - Lance-toi !

CHANTAL (se débattant) - Je n’sais pas quoi faire ! Et je n’ai rien à lui dire à ce monsieur !

BRIGITTE - On te demande pas de raconter ta vie ! On te demande de l’aguicher !

CHANTAL - il n’a peut-être pas envie qu’on le dérange pendant qu’il lit son journal !

BRIGITTE - Emoustille-le ! Tu vas voir s’il a encore envie de lire son journal !

MICHELLE (s’éloignant) - On te laisse. Ne t’inquiète pas on t’observe de loin !

BRIGITTE (poussant Chantal qui résiste jusqu’au banc où se tient l’homme) - Allez ! Sors-nous le grand jeu ! (Elle s’éloigne à son tour, plantant Chantal à proximité du banc.)

Brigitte et Michelle se tiennent à l’écart au niveau du deuxième banc, en faisant mine de regarder ailleurs.

CHANTAL (pétrifiée, debout près de l’homme et s’adressant à ses copines) - Je fais quoi maintenant ?

MICHELLE - Bouge !

Chantal remue les bras au-dessus de sa tête. L’homme lève les yeux de son journal, regarde rapidement Chantal et se replonge dans sa lecture.

MICHELLE - Pas comme ça ! On dirait un sémaphore ! Ondule des hanches ! Remue tes fesses !

Chantal gigote de façon...

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