La Rocambolesque émancipation de Sandrine Ilion

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“Tale-sitcom” ou réécriture contemporaine et boulevardesque de Cendrillon, La ROCAMBOLESQUE EMANCIPATION DE SANDRINE ILION propose la co-habitation difficile et cocasse d’un père avec sa fille, qu’il n’a pas vu depuis longtemps. Mais la seconde femme du père veille… parviendront-ils à mettre Sandrine, trentenaire en deuil déprimée, sur le chemin de l’émancipation ?

Ce texte est une réécriture de CENDRILLON OU LA PETITE PANTOUFLE DE VERRE de Charles Perrault, on y retrouve l'histoire et certains personnages en filigrane. En outre, les titres des scènes font directement référence au conte original.

 

1. Aujourd’hui, il n’y a pas que la mort qui sépare

(Salon, petit déjeuner, Hélène en déshabillé ; bruit de sonnette)

Hélène :
Oui

Sandrine :
Bonjour
Je
Alexandre est là

Hélène :
Vous êtes

Sandrine :
Il est là ou pas

Hélène :
Pas très polie visiblement

Sandrine :
Pardon
Sandrine

Hélène :
Sandrine

Sandrine :
Sa fille

Hélène :
Sa fille

Sandrine :
Oui

Hélène :
Ah
Sa fille
Bonjour
Je suis Hélène

Sandrine :
Hélène

Hélène :
Oui
La femme de votre père

Sandrine :
Ah oui
Mais
En fait
Je ne savais pas votre prénom
Je ne l’ai jamais su

Hélène :
Je me doute

Sandrine :
Ah oui

Hélène :
Filtre maternel

Sandrine :
Heu

Hélène :
Entrez
Alexandre est dans la salle de bain

Sandrine :
Oh vous en êtes encore au p’tit-dej’
Je suis désolée si j’avais su

Hélène :
Je vous en prie
Un petit-déjeuner un dimanche à dix heures c’était très peu probable

Sandrine :
désolée

Hélène :
Poulet
Tu peux venir s’il te plait

Sandrine :
Je suis confuse

Hélène :
Faut pas

Sandrine :
J’aurais dû téléphoner

Hélène :
Ça effectivement

Sandrine :
Mais c’est un peu compliqué en ce moment

Hélène :
De téléphoner

Sandrine :
Non
De faire des choses
Tout court

Hélène :
Ah

Sandrine :
Donc voilà

Hélène :
Poulet

Voix d’Alexandre :
Salle de bain

Hélène :
Je sais poulet mais là ça me semble important que tu viennes

Sandrine :
Je tombe mal

Hélène :
Pensez-vous

Voix d’Alexandre :
C’est quoi le problème

Hélène :
Trois fois rien

Sandrine :
Il ne doit pas s’attendre à me voir

Hélène :
Il s’en remettra

Voix d’Alexandre :
Si c’est trois fois rien ça devrait pouvoir attendre

Hélène :
Viens quand même

(Alexandre râle ; il apparaît en serviette)

Alexandre :
Alors c’est quoi

Sandrine :
Bonjour Papa

(Un temps)

Alexandre :
Comment elle est entrée

Sandrine :
Moi aussi je suis contente de te voir

Hélène :
Elle a sonné comme n’importe quelle personne civilisée

Sandrine :
Papa bonjour

Alexandre :
Et tu lui as ouvert toi

Hélène :
Bah j’ai ouvert simplement comme on ouvre quand ça sonne
Tu voulais quoi

Sandrine :
Bonjour

Alexandre :
Mais tu ouvres à n’importe qui
Ça serait un cambrioleur tu ouvrirais grand la porte

Hélène :
Poulet je pense que tu recommences avec le déni digressif

Sandrine :
Heu
Je suis là

Alexandre :
N’importe quelle greluche débarque en disant je ne sais quoi et toi tu ouvres
Comme ça

Sandrine :
Greluche

Alexandre :
Tu veux pas lui offrir un panier garni aussi

Hélène :
Non mais tu vas te calmer
Je n’y suis pour rien
Ça sonne j’ouvre c’est tout
Pas de quoi se mettre dans cet état

Sandrine :
Hello

Alexandre :
Mais quel état merde
Tu me fais venir à poil pour ça

Hélène :
Ecoute je crois vraiment que c’est pas le moment de parler de ça

Alexandre :
Mais si justement c’est le moment
On est tranquille
On est dimanche
Tu traînes en déshabillé avec ton thé au jasmin et moi je suis à poil dans la salle de bain et toi tu ouvres et tu fais entrer cette cette

Sandrine :
Cette

Hélène :
Excusez-le Sandrine il est dans un processus psycho-régressif tout à fait courant

Sandrine :
Vous êtes psy

Hélène :
Non
Styliste

Alexandre :
Allez moi je retourne dans ma douche et toi tu lui dis de foutre le camp

Sandrine :
Papa on s’est pas vu depuis dix ans tu pourrais pas

Alexandre :
Et dis-lui de fermer sa gueule

Sandrine :
Maman est morte

(Un temps)

Hélène :
Poulet
Si tu veux utiliser tes bras noue d’abord ta serviette

Sandrine :
La semaine dernière
Incinérée cette semaine

(Elle sort une urne de sa valise)

Elle est là
Maman je te présente Hélène

Hélène :
Bonjour madame

Sandrine :
Et tu te souviens de Papa

Hélène :
Poulet
Tu dis bonjour

Alexandre :
C’est quoi ce bordel
On peut même pas se reposer le dimanche

Sandrine :
Oui Maman il n’a pas changé

Hélène :
Ça
Je vous le certifie

Alexandre :
Impossible
Im
Po
Ssible

Hélène :
Toutes mes condoléances au fait

Sandrine :
Merci

Alexandre :
Impossible de se poser quoi

Hélène :
Vous voulez un café

Sandrine :
Ça ira

Alexandre :
Mais pourquoi t’es là

Sandrine :
Papa
Maman est morte

Hélène :
Oui Poulet c’est évident
Sa mère est

Alexandre :
Oui c’est bon j’ai entendu

Hélène :
Bon

Alexandre :
Mais pourquoi
Tu es

Tu pouvais pas

Sandrine :
Appeler

Alexandre :
Par exemple

Sandrine :
T’aurais répondu

Alexandre :
Non

Sandrine :
Bah voilà

Hélène :
Bon bah moi je vais finir mon petit-déjeuner dans la cuisine

Alexandre :
Tu finis rien du tout dans la cuisine
Tu finis ici
Tu t’affales sur le canapé car c’est dimanche et qu’on se repose
Je retourne à poil dans la douche et après on ira
On ira

Hélène :
On ira

Alexandre :
On ira en forêt

Sandrine :
Toujours alors

Hélène :
En forêt
Avec ce temps

Alexandre :
Je dois prendre l’air

Hélène :
Et si simplement tu t’asseyais et que tu écoutais ce que Sandrine
Ta fille
Et
Ce qu’il reste de ton ex-femme
Ont à te dire

Sandrine :
Ça serait cool

Alexandre :
Pourquoi t’es venue putain
Tu connais pas les faire-part de décès
Ou même les mails
Les cartes électroniques
Les
Les
Les e-faire-part

Hélène :
Ça existe pour les décès

Sandrine :
Non je ne connais pas les e-faire-part
Je connais mes pieds qui sont venus jusqu’ici et qui pourraient bien finir dans tes fesses

Alexandre :
Non mais tu as vu comment elle me parle

Hélène :
Oui si vous commencez à le menacer là je ne suis plus d’accord

Alexandre :
Mais bon sang
Ta mère est morte
OK
Je suis désolé
OK
Mais c’était
Une
Enfin

Sandrine :
Une connasse

Alexandre :
Voilà

Sandrine :
Ecoute
Tu as remarqué je t’ai pas invité aux funérailles
Je voulais pas
Si c’était pour entendre ça je voulais pas
Mais j’ai un autre problème

Alexandre :
Oui tu as un problème
Et il est enfermé dans une petite boîte en ferraille

Sandrine :
La proprio m’a expulsé

Hélène :
Oh je suis désolée

Alexandre :
La garce

Sandrine :
J’ai nulle part où aller

Alexandre :
La salope

Hélène :
Poulet
Le langage

Sandrine :
J’ai pas trop réfléchis
J’ai fait mon sac
Quelques vêtements
Ma trousse de toilette
Et Maman bien sûr

Alexandre :
Putain c’est pas vrai

Sandrine :
Je me suis dit que peut-être
Maintenant que Maman est morte
On pourrait
Enfin
Je le fais pas de gaité de cœur
J’ai personne
Je vois pas ce que je peux faire d’autres

Alexandre :
Et juste bosser et te payer un appart
Tu as trente balais tu ne fais rien dans la vie

Sandrine :
C’est compliqué de bosser en ce moment

Hélène :
On comprend

Alexandre :
Non on comprend rien
Putain
Même après sa mort elle arrive à me faire

Hélène :
Langage

Alexandre :
Suer

Sandrine :
Ça sera pas pour longtemps
Je suis seule
Perdue
Et

(Elle se met à pleurer en marmonnant des choses incompréhensibles)

Hélène :
Mais bien sûr qu’on va vous accueillir

Alexandre :
Hors de question

Hélène :
Mais si

Alexandre :
Et où

Hélène :
Bah ici
Le canapé est suffisamment grand

Alexandre :
Mais enfin

Hélène :
C’est décidé
Tu ne vas pas la laisser à la rue

Alexandre :
Mais Poupoule

Hélène :
Y a pas de poupoule qui tienne
C’est ta fille
Elle est en train de pleurer et de geindre sur ton ex-femme dans notre salon
Tu crois qu’on va la laisser tomber

Alexandre :
Bon

Hélène :
Allez
File sous la douche
C’est décidé

(Alexandre sort en grommelant)

Sandrine :
Merci

Hélène :
Seule au monde hein

Sandrine :
Oui

Hélène :
À d’autres
Y a toujours une pote avec un sofa
Tu viens pas pour ça

Sandrine :
Mais madame

Hélène :
Hélène

Sandrine :
Pardon

Hélène :
Tu veux quoi en fait

Sandrine :
Renouer

Hélène :
Je me doute
Alors c’est d’accord
Mais attention
Je veille au grain
Si tu caquettes trop fort je te vole dans les plumes et exit du poulailler
Capito

Sandrine :
Capito

(…)

Voix de Mamy :
Oui Alexou c’est Mamy
C’était pour te dire que j’ai eu ton message mais j’ai pas tout compris tu sais à cause de mes machins dans les oreilles ils ont des piles et faut les remplacer et là ça marche plus
Alors j’ai pas tout compris tu disais que Sandrine est chez toi
C’est sans doute pas ça mais si tu as des nouvelles tiens-moi au courant
Ça sert à rien de m’appeler cet après-midi je serai avec Maryvonne au scrabble jusqu’à six heures et après je débranche le téléphone parce que même si je l’entends pas j’ai toujours...

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