Le comte est bon

Genres :
Thèmes : · ·
Distribution :
Durée :

Paul Mercier, riche patron d’industrie, n’a qu’une obsession en tête : inscrire sa lignée dans l’Histoire en mariant l’une de ses filles au comte Philbert de Gascogne, apparenté à la famille royale.
L’affaire est mal engagée car sa fille ainée, Suzanne, ne veut pas entendre parler de ce mariage et sa fille cadette, Amandine, entretient dans le plus grand secret une relation avec François Dulac, inspecteur en chef des impôts.
La petite dernière de la famille s’est fait passer auprès de François pour la fille de son majordome, Norbert, pour s’assurer de la sincérité de ses sentiments. Elle lui a aussi dit que Norbert n’avait droit à aucune visite. François, qui veut rencontrer Norbert pour lui faire sa demande, décide d’inventer un faux contrôle fiscal pour s’introduire discrètement chez les Mercier.
Paul, qui n’a encore jamais rencontré le comte, décide de l’inviter le soir même afin de lui faire signer un accord qui formalisera le mariage. Mais alors que le comte est attendu d’un instant à l’autre, c’est François qui se présente en premier à la porte…

Liste des personnages (10)

Paul MercierHomme • Adulte • 325 répliques
Le patron des entreprises Mercier
NorbertHomme • Adulte • 154 répliques
Le majordome des Mercier
François DulacHomme • Adulte • 117 répliques
L'inspecteur en chef des impôts
Philbert de GascogneHomme • Adulte • 64 répliques
Le comte
Maître plantardHomme • Adulte • 19 répliques
Colette MercierFemme • Adulte • 136 répliques
La femme de Paul Mercier
Amandine MercierFemme • Jeune adulte • 97 répliques
La fille cadette de Paul et Colette Mercier
Suzanne MercierFemme • Jeune adulte • 83 répliques
La fille aînée de Paul et Colette Mercier
Elisabeth MercierFemme • Senior • 59 répliques
La mère de Paul et Belle-mère de Colette
CarmenFemme • Adulte • 54 répliques
La bonne espagnole des Mercier

Décor (1)

Décor uniqueSur les murs, de nombreux tableaux représentant des Rois de France de diverses époques. Les portraits choisis ne renvoient pas une image très flatteuse. Au fond un palier donne sur la porte d’entrée à Jardin et sur l’escalier menant aux étages à Cour. Sur scène la porte située à Cour ouvre sur le bureau de Paul Mercier. L’armoire et la malle doivent pouvoir contenir une personne.

PROLOGUE

Carmen entre dans la salle avec son aspirateur. Elle le branche et commencer à le passer devant le public. Elle chante une chanson en espagnol.

Elle demande aux spectateurs du premier rang de lever les pieds pour passer son aspirateur. Une sonnerie retentit. Elle éteint son appareil. Un téléphone est sur scène devant le rideau.

Elle va décrocher comme si de rien n’était.

Carmen s’exprime en français avec un fort accent espagnol qui est présenté en phonétique dans le texte.

Carmen :

Ola ! Fous foulez parler à la Señorita Amannedine ? Dé la part dé ? Dou Señor Doulac ? No Señor, cé pas possiblé Señor. La Señorita elle est encore dans la salle dé bain cé matin, yé né pé pas fous la passer. Yé soui muy déssolé. Le Señor, il doit rappeler après la salle dé bain. Dans combienne dé temps ? (Elle rit) Oh Madre de Dios avec la Señorita Amannedine, il faut mieux appeler cet après-midi Señor c’est plouss soûr ! Voilà. Si Señor. Adios Señor.

(Elle raccroche).

(Au public)

Oh Madre de Dios, Dios mio, si yé poufais couper cé téléfono qui saunne touté la yournée ! Comment yé fé mon trabail si tout le monde il appelle ! Comment yé fé ? Bienne, il faut qué yé m’occoupe dou saloune.

(Le rideau s’ouvre. Elle monte sur scène et continue de passer l’aspirateur dans le salon).

ACTE I

Scène 1 

Paul Mercier :

(Hors scène) Norbert ! Norbert !...

(Entre Paul Mercier)

(À Carmen)

Carmen, vous n’avez pas vu Norbert ?

Carmen : (toujours affairée avec son aspirateur)

Si Señor.

Paul Mercier :

Et où est-il ?

Carmen : (avec un grand sourire)

Si Señor.

Paul Mercier :

En fait vous n’entendez pas un traître mot de ce que je vous dis Carmen ?

Carmen :

Si Señor.

(Paul va débrancher l’aspirateur).

Paul Mercier :

Carmen, je vous demande si vous avez vu Norbert ?

Carmen :

No Señor, yé né l’é pas fou. yé passe l’aspirador.

Paul Mercier :

Oui Carmen, ça je peux le voir que vous passez « l’aspirador ». Écoutez, vous terminerez plus tard, on ne s’entend plus penser dans cette maison.

Carmen :

La Señora Mercier, elle né fa pas être connetenté si yé fé pas mon trabail.

Paul Mercier :

Vous n’aurez qu’à revenir tout à l’heure pour terminer.

Carmen : (range son aspirateur en râlant)

Oh Dios mio. Abéc les patronnes, cé touyours la même !

(Carmen range l’aspirateur puis sort)

Paul Mercier :

Norbert ! Norbert ! Où est-il encore fourré celui-là ? Si ça continue je vais être en retard chez Maître Plantard. Par tous les Saints, Norbert !

(Entre Norbert)

Ah vous voilà enfin. Mais quel est cet accoutrement ?

(Norbert passe sans répondre.
Il porte une chemise à fleurs ample et son pantalon est retroussé comme pour mettre les pieds dans l’eau)

Norbert ! (en aparté) Mais quelle mouche l’a piqué ? Norbert !

(Entre Colette Mercier)

Colette Mercier :

Paul, pourquoi hurles-tu sur Norbert de si bon matin ? D’habitude Tu attends au moins le déjeuner avant de lui crier dessus. Tu es bien matinal aujourd’hui !

Paul Mercier :

Que veux-tu, lorsque mon majordome file à l’anglaise sous mon nez, j’ai tendance à avoir la moutarde qui y monte !

Colette Mercier :

Ce que tu peux être émotif mon pauvre Paul.

Paul Mercier :

Emotif, moi ?

Colette Mercier :

Avoue qu’il ne te faut pas grand-chose pour avoir « la moutarde qui te monte au nez ». C’est sans doute dû à tes origines dijonnaises. Quant à Norbert, tu te fatigues pour rien, tu sais bien qu’il est « absent » aujourd’hui.

Paul Mercier :

Comment ça, « absent » ? Je viens de le voir à l’instant.

Colette Mercier :

Non Paul, Norbert est « absent » (Paul ne comprend pas) pour la simple raison que c’est son jour de repos ! Après plus de vingt ans à notre service, tu sais le mal que j’ai eu à lui faire accepter l’idée qu’il aurait une journée libre par semaine, alors ne complique pas les choses, veux-tu ?

Paul Mercier :

Encore ce satané jour de repos ! Je me demande d’ailleurs si tu as bien fait de le lui donner. Norbert ne s’est jamais plaint de rien que je sache. Rien ne nous y obligeait.

Colette Mercier :

Si, Paul, la loi française.

Paul Mercier :

La loi française, la belle affaire ! C’est dans ce genre de circonstances que l’on voit à quel point nos parlementaires sont éloignés des réalités de leurs électeurs… (Temps de silence) Obliger un homme à changer brutalement les habitudes de toute une vie, c’est vraiment très cruel !

Colette Mercier :

Figure-toi que le pauvre homme ne sait pas comment occuper son jour de repos. Alors je l’ai autorisé à rester à la maison à la condition qu’il fasse comme si nous n’étions pas là. Après tout, il est en congé.

Paul Mercier : (il a une idée)

En congé ? C’est ce que nous allons voir ?

(Norbert passe dans l’autre sens)

Paul Mercier :

Ah Norbert, vous tombez bien ! Je souhaitais m’entretenir avec vous de l’augmentation de vos gages. Je crois savoir que vous en avez formulé la demande auprès de Colette…

(Norbert s’arrête brusquement et se dirige vers Paul)

(en aparté) Je savais bien qu’il tomberait dans le panneau !

(Norbert passe juste devant Mercier, jette un regard malicieux à Paul, récupère un chapeau de paille qu’il met sur sa tête, avant de repartir vers le Jardin comme si de rien était)

Colette Mercier :

Bien essayé, Paul, mais il ne risquait pas de mordre à l’hameçon.

Paul Mercier :

Et pourquoi ça ?

Colette Mercier :

Te souviens-tu quand Norbert nous a fait cette demande ?

Paul Mercier :

J’avoue que je n’y ai pas prêté beaucoup d’attention… Il y a 4 ou 5 mois si je me souviens bien ?

Colette Mercier :

C’est presque ça Paul : mais c’était il y a 3 ans !

Paul Mercier :

3 ans ? Tant que ça ? Le temps passe vite…

Colette Mercier :

Oui tant que ça, alors depuis le temps je crois que Norbert ne se fait plus beaucoup d’illusions.

Paul Mercier :

C’est fâcheux…

Colette Mercier :

Qu’est-ce qui est fâcheux, que tu ne l'aies pas augmenté depuis des années ou qu’il ne se fasse plus d’illusion ?

Paul Mercier :

Ce qui est fâcheux, c’est que maintenant mon appât tombe à l’eau. J’ai besoin de Norbert ! Il n’est pas question qu’il soit en congé aujourd’hui. D’abord, qui a autorisé ça ? Son jour de repos est uniquement le samedi, il me semble. Alors voilà, c’est toujours comme ça. Je suis systématiquement le dernier informé dans cette maison. Même mon majordome n’en fait qu’à sa tête…

Colette Mercier :

Paul.

Paul Mercier :

…Et puis tu n'as qu’à doubler ses gages pendant que tu y es…

Colette Mercier :

Paul.

Paul Mercier :

…Après tout ce n’est pas comme si j’étais le chef de cette famille…

Colette Mercier :

(Élevant la voix) Paul !

Paul Mercier :

(Avec un ton doucereux) Oui, mon sucre d’orge ?

Colette Mercier :

Tu sais combien j’ai horreur de devoir hausser le ton ! Norbert est en congé pour la simple et bonne raison que, justement, nous sommes samedi, le jour de son repos.

Paul Mercier :

...Nous sommes samedi ?...

Colette Mercier :

Jusqu’à preuve du contraire, nous le sommes.

Paul Mercier :

Fichtre ! Mais c’est épouvantable !

Colette Mercier :

Tu peux bien te passer de Norbert une journée, quand même.

Paul Mercier :

Mais ça n’a rien à voir ! C’est ce soir que le Comte Philbert de Gascogne vient dîner à la maison.

Colette Mercier :

Première nouvelle et tu comptais m’en parler quand ? Tu voulais peut-être me faire la surprise ! Tu as de la chance, je suis disponible ce soir ! Qu’as-tu prévu pour le diner ? Parce que si Carmen doit préparer autre chose qu’une soupe, il faudrait peut-être commencer à s’en inquiéter, non ?

Paul Mercier : (comme s’il n’avait pas entendu)

Un homme de sa condition doit être reçu avec tous les égards dus à son rang. Colette, quelle image aurait-il de nous, si nous n’avions même pas de majordome pour nous servir ? Imagines-tu, un cousin de la lignée des rois de France avec une seule malheureuse bonne pour le recevoir !

Colette Mercier :

Cela dit, il paraît que ton comte n’a plus un sou en poche, alors une bonne suffira amplement.

Paul Mercier :

Peu importe sa situation financière, c’est un excellent parti et j’entends bien le convaincre d’accepter de devenir mon gendre. (Grandiloquent) Ainsi, du même coup, je fais de l’une de mes filles, une comtesse et j’inscris notre descendance dans l’Histoire de France !

Colette Mercier :

Que d’ambition ! Et laquelle de nos deux filles sera l’heureuse élue ?

Paul Mercier :

À vrai dire, je n’ai pas encore arrêté mon choix. On a dû normalement vanter au Comte les mérites d’Amandine, mais tu connais son caractère ! En cas de pépin, Suzanne fera aussi bien l’affaire.

Colette Mercier :

Tu parles de Suzanne, notre fille aînée ? Tu crois réellement que ton comte voudra épouser Suzanne ?

Paul Mercier :

Pourquoi diable ne le voudrait-il pas ?

Colette Mercier :

Je sais que ton Gascogne est sur la paille, Paul, mais l’argent ne fait pas tout !

Paul Mercier :

Suzanne est une jeune femme… Comment dire… Originale, unique sur bien des aspects et je ne doute pas qu’elle puisse faire un jour le bonheur d’un homme, n’aie aucun souci pour elle.

Colette Mercier :

Je ne me fais pas de souci pour Suzanne, plutôt pour ton futur gendre !

Paul Mercier :

De toute façon, nous verrons en temps voulu laquelle des deux fera le mieux l’affaire. Au pire, Suzanne ne dira pas non.

Colette Mercier : 

Depuis le temps qu’elle attend que quelqu’un s’intéresse à elle, je ne peux pas te donner tort.

Paul Mercier : 

Tu verras, quand elles entendront parler du Comte elles se battront pour le fréquenter.

Colette Mercier : 

Espérons que la bataille ne fera pas trop de victimes ! Tu as l’air bien sûr de toi, pour quelqu’un qui n’a jamais rencontré ni ce comte, ni sa famille. En plus d’être sans le sou, tes Gascogne sont peut-être très laids.

Paul Mercier :

Penses-tu, une famille qui a du sang royal dans les veines, voyons… Ne dis pas de sottises !

Colette Mercier :

Je ne savais pas que la noblesse rendait beau.

Paul Mercier :

C’est parce que tu n’y connais rien, Colette ! « Bon sang ne saurait mentir ».

Colette Mercier :

(Montrant du doigt les tableaux du salon) Ton adage s’applique-t-il aussi à la galerie des horreurs accrochée aux murs de notre salon ? Ou peut-être que ceux-là sont l’exception qui confirme la règle !

Paul Mercier :

Colette, comment peux-tu parler ainsi de notre royauté française ! Il n’y a ici que d’illustres Rois dont nous ne pouvons qu’admirer l’œuvre.

Colette Mercier :

L’œuvre je ne sais pas, mais la plastique, ça me semble plus difficile ! J’espère que ton Comte n’a pas hérité de tous les traits caractéristiques de tes Rois (mimant le geste d’un nez très long), parce que dans le cas contraire, ce n’est pas un Dom Juan que tu veux offrir à tes filles, mais un Cyrano !

Paul Mercier :

Sois rassurée, Maître Plantard ne m’en a dit que du bien !

Colette Mercier :

Comment ça, Maître Plantard ? Pourquoi me parles-tu de ton avocat ?

Paul Mercier :

C’est lui qui supervise les négociations avec les Gascogne pour le moment. En parlant de Plantard, quelle heure est-il ?

Colette Mercier :

Près de neuf heures.

Paul Mercier :

Neuf heures ? Fichtre ! Je vais finir par être en retard ! J’ai justement rendez-vous avec lui pour faire le point sur tout ça.

Colette Mercier :

Un samedi ?

Paul Mercier :

Pour une affaire d’une telle importance, il n’y a pas de jour chômé ou férié ! Après tout Plantard ne va pas se plaindre, il double ses honoraires le week-end ! Neuf heures, il faut vraiment que je me sauve.

Colette Mercier :

A quelle heure est ton rendez-vous ?

Paul Mercier :

Huit heures.

Colette Mercier :

(Ironique) Oui, en effet, tu risques d’être un peu en retard…

Paul Mercier :

Tu connais Plantard. Jamais à l’heure ! Ce n’est pas pour rien que ses collègues du barreau l’appellent Maître « Plus Tard » ! Alors je me rends toujours à nos rendez-vous avec une heure de retard et généralement il n’y voit que du feu. Allez, je me sauve. (Juste avant de sortir) Fais-moi plaisir, offre à Norbert autant de jours de congés qu’il faudra, mais qu’il retrouve l’usage de la parole au plus vite, veux-tu ?

Colette Mercier :

Et si nous lui proposions d’augmenter ses gages, qu’en dirais-tu ?

Paul Mercier :

Non, il n’en est pas question ! Nos dépenses se sont envolées depuis que nous sommes obligés d’héberger Madame ma Mère sous notre toit, à ta demande d’ailleurs…

Colette Mercier :

Paul, enfin c’est ta Mère. Tu ne pouvais pas la laisser à la rue.

Paul Mercier :

A la rue ! Tu y vas un peu fort tout de même ! Ce que je sais c’est que nous ne pouvons pas nous permettre de jeter l’argent par les fenêtres.

Colette Mercier :

J’oubliais ton sens des affaires. Bon, pour Norbert, je verrai ce que je peux faire, même si… je ne suis pas très optimiste.

Paul Mercier :

Comment cela ?

Colette Mercier :

S’il n’était question que de le convaincre, tu te doutes bien qu’il nous rendrait ce service, mais contre le législateur suprême, Paul, il est plus difficile de lutter.

Paul Mercier : (qui a compris le petit jeu de sa femme)

Le législateur suprême, rien que ça… 2% et pas un sou de plus.

Colette Mercier :

2% sur les 5 dernières années, cela nous fait donc une augmentation de 10%, c’est parfait, je m’occupe de régler cette question avec lui.

Paul Mercier :

Comment ça 10% ? Ce n’est pas du tout…

Colette Mercier : (Elle le coupe et lui apporte sa mallette)

Paul, tu viens de me dire que tu es très en retard. Allez vite dépêche-toi !

Paul Mercier :

Mais je…

Colette Mercier : (Elle le pousse vers la sortie)

Ne dis plus un mot. Inutile de me remercier. Je me charge de tout, fais-moi confiance. A tout à l’heure.

(Paul sort malgré lui. Suzanne entre. Elle est vêtue tout en noir)

Colette Mercier :

(En aparté) Voilà une bonne chose de faite !

Suzanne Mercier :

Bonjour Mère.

Colette Mercier :

Bonjour ma chérie. Comment vas-tu aujourd’hui ?

Suzanne Mercier :

« Les maux désespérés ont des remèdes désespérés ou n'ont pas de remède ».

Colette Mercier :

Othello ?

Suzanne Mercier :

Non, Hamlet, Acte IV, Scène 3.

Colette Mercier :

Je déduis de ta tenue que tu n’as pas encore trouvé le remède en question.

Suzanne Mercier :

Hélas non. « C’est folie de vivre quand la vie est un tourment : et quand la mort est notre seul médecin, alors nous avons une ordonnance pour mourir ». Othello, Acte 1er, Scène 3.

Colette Mercier :

J’ai toujours aimé ton optimisme acharné Suzanne, mais tu serais bien aimable de repousser tes funestes projets à demain. Nous avons un invité ce soir.

Suzanne Mercier :

Certainement Mère, je m’en voudrais de gâcher votre réception pour si peu.

Colette Mercier :

Tu es un ange !

(Norbert passe)

Suzanne Mercier :

Bonjour Norbert.

(Il ne répond pas)

D’évidence, nous sommes déjà samedi. Je n’ai pas vu la semaine passer !

Colette Mercier :

As-tu vu ta sœur ce matin ?

Suzanne Mercier :

Mademoiselle ma Sœur est dans la salle de bain. La connaissant, vous l’y retrouverez probablement ce soir.

Colette Mercier :

Cette petite est désespérante. Je dois voir Norbert, je te laisse ma chérie.

(Elle sort. Un instant après, on sonne)

Suzanne Mercier :

Comme Norbert est absent, je suppose que c’est à moi d’aller ouvrir ! « Nous ne pouvons pas tous être les maîtres, et les maîtres ne peuvent pas tous être fidèlement servis ».

(Suzanne sort pour aller ouvrir. Entre Carmen avec son aspirateur.
Elle voit que le champ est libre. Elle reprend donc son travail.
À peine a-t-elle commencé qu’entrent Suzanne et François)

Suzanne Mercier :

Entrez je vous en prie.

François Dulac :

Je vous remercie infiniment.

Suzanne Mercier :

Carmen, nous avons un invité, pouvez-vous éteindre votre aspirateur quelques instants ?

Carmen :

Si Señorita.

(Voyant que Carmen n’a rien entendu, Suzanne va débrancher l’aspirateur)

Suzanne Mercier :

Carmen, je vous disais que nous avons un invité. Il serait préférable de revenir plus tard.

Carmen :

Oh, Madre mia, et quand yé fé mon trabail ? Dios mio ! Les patronnes…

Suzanne Mercier : (À François)

Je vais chercher Amandine.

(Suzanne sort, ainsi que Carmen toujours râlant. François parcourt la maison du regard.
Il voit les tableaux accrochés aux murs et semble s’y intéresser.
Amandine entre, elle n’est pas encore habillée, toujours en robe de chambre).

Amandine Mercier :

François, mais par tous les saints, que fais-tu là ?

François Dulac :

Amandine, vous la prunelle de mes yeux ! L’aurore de mes matins ! Le sucre dans mon café ! L’herbe fraîchement coupée de mon jardin ! L’étoile de mes…

Amandine Mercier :

(Le coupant) Oui, ça va, François, j’ai compris l’idée ! Que viens-tu faire ici ?

François Dulac :

Je viens déclarer haut et fort ma flamme brûlante et intarissable à qui veut l’entendre !

Amandine Mercier :

Comment ça, à qui veut l’entendre ! Mais personne ne le veut François, personne.

François Dulac :

N’en soyez pas si sûre, ma bien-aimée !

Amandine Mercier :

François, tu veux me faire plaisir ?

François Dulac :

Je ne vis que pour vous servir… Un mot de vous et je m’exécute ! Demandez-moi la lune, demandez-moi l’impossible et je le rendrai possible ! Que nulle demande ne reste inassouvie, j’en fais le serment.

Amandine Mercier :

François !

François Dulac :

Oui mon amour ?

Amandine Mercier :

Tais-toi !

François Dulac :

Oui mon amour.

Amandine Mercier :

Que t’ai-je dit au sujet de cette maison ?

François Dulac :

Vous m’avez prié instamment de ne jamais venir ici.

Amandine Mercier :

Et donc que fais-tu là ?

François Dulac :

Ne vous inquiétez pas, j’ai guetté le départ du maître de céans, Monsieur Mercier, nous ne risquons rien, je l’ai vu partir. Je dois rencontrer Monsieur votre père afin de lui faire ma demande.

Amandine Mercier :

Quelle demande ?

François Dulac :

Mais votre main, voyons !

Amandine Mercier :

Tu veux aller voir mon père pour lui demander de m’épouser ? Mais François nous nous connaissons depuis quoi… une quinzaine de jours ?

François Dulac :

Dix-sept pour être exact et pas un de ces jours n’est passé sans que je ne pense à vous.

Amandine Mercier :

Dix-sept déjà ?

François Dulac :

Vous connaissez ma précision pour les chiffres. C’est une déformation professionnelle. Quinze années au Trésor Public, cela vous forge un homme !

Amandine Mercier :

Qui l’eut cru ? J’aurais imaginé cette remarque plutôt dans la bouche d’un légionnaire que dans celle d’un inspecteur des impôts, mais si tu le dis…

François Dulac :

Amandine, l’idée de vivre sans admirer votre exquise beauté chaque jour m’est devenue intolérable. Je dois voir votre père pour lui faire part de la résolution qui est la mienne.

Amandine Mercier :

François, tu sais toute l’affection que j’éprouve à ton égard, mais je te l’ai déjà dit, il n’est pas question de rencontrer mon Père. Il est le majordome des Mercier depuis vingt ans et…

François Dulac :

Oui, en effet j’en ai souvenance. Mais qu’est-ce qui peut m’empêcher de venir le voir ?

Amandine Mercier :

Et bien… Il n’a pas le droit de recevoir de visiteurs !

François Dulac :

Voilà qui est parfait puisque j’ai attendu que Monsieur Mercier s’en aille. Ainsi, nul n’en saura rien ! Où est-il ?

Amandine Mercier : (prise au dépourvu)

… Il dort !

François Dulac :

Il dort ? À cette heure-ci ? Je suis sûr que pour une occasion comme celle-ci, il vous pardonnera de l’avoir réveillé.

Amandine Mercier :

Tu ne comprends pas… Il est très malade !

François Dulac :

Miséricorde, est-ce que c’est grave ?

Amandine Mercier :

Oui, enfin non… Tu sais à certains moments ses...

Il vous reste 90% de ce texte à découvrir.


Connectez vous pour lire la fin de ce texte gratuitement.



Donner votre avis !

Retour en haut
Retour haut de page