Les Haricots de Paimpol

Cette pièce est extraite de “Spécialités françaises”, un recueil de trois pièces courtes écrites par Nicole Genovese :
“Les Haricots de Paimpol”
“Les Calissons d’Aix”
“L’andouille de Vire”

Cette auteure est assimilée à un théâtre comique qui baigne dans une atmosphère néo-absurde. Entre vaudeville et surréalisme, ce recueil crypto-antipatriotique tourne en dérision trois traits de notre fameux caractère français : l’orgueil, la mauvaise humeur et bien sûr la gastronomie !




Les Haricots de Paimpol

Les haricots de Paimpol

Nelly. — Victor ! Victor !!! Une nouvelle fantastique ! Victor ! Mais où est-il, ce paltoquet ? Victor !!!

Victor apparaît, débraillé, sans doute tiré du lit.

Victor. — Qu’as-tu donc à brailler ainsi ?

Nelly. — Victor ! Une nouvelle fantastique ! Mme Frossard, tu sais, la petite-nièce du général, celle qui a des chiens…

Victor. — Des chiens ?

Nelly. — Des chiens, celle qui a des chiens. Eh bien, elle a trouvé un document dans le grenier de son arrière-grand-cousin qui atteste de leur descendance directe avec les Habsbourg !

Victor. — Et qu’y a-t-il de fantastique là-dedans ?

Nelly. — Tu es encore en pyjama ?

Victor. — Je dormais quand tu es entrée…

Nelly. — À cette heure ?

Victor. — Je suis en congé ! J’ai bien le droit d’en faire usage exclusivement pour mon sommeil, que je sache !

Nelly. — Mais il est bientôt onze heures !

Victor. — Et les Habsbourg ?

Nelly. — Que veux-tu avec les Habsbourg ?

Victor. — Tu es entrée en hurlant « une nouvelle fantastique », et tu m’annonces que la nièce du cousin de machin est une Habsbourg. En quoi ça nous concerne ?

Nelly. — Tu n’y comprends rien.

Victor. — Alors je retourne au lit.

Nelly. — Victor Moullet, ne bougez pas !

Victor. — Quoi encore ?

Nelly, le tape. — Une bête, là.

Victor. —ça ?

Nelly. — Là ! Une petite bête qui pique. (Elle le tape encore.)

Victor. — Où ça ? Où ça ?

Nelly, une dernière tape, énergique. — Là ! La petite bête !

Victor. — Aïe ! Mais quelle dinde ! Qu’est-ce qui te prend ?

Nelly. — Les Habsbourg, c’est la grande famille d’Autriche, la famille de la reine Marie-Antoinette !

Victor. — Je le sais très bien, j’ai eu des cours d’histoire au collège, comme tout le monde ! Viens-en au fait !

Nelly. — Eh bien, Mme Frossard est l’arrière-petit-gendre de la cousine issue de germain de Marie-Antoinette et de Marie-Thérèse !

Victor. — Marie-Thérèse ?

Nelly. — La mère de Marie-Antoinette !

Victor. — Tu me fatigues, je retourne au lit. (Nelly sonne un domestique.) Tu sonnes, à présent ?

Nelly. — Oui, j’appelle Michou, j’ai besoin qu’il m’aide.

Michou entre.

Michou. — Madame, Monsieur, bonsoir.

Nelly. — Michou, peut-on recevoir dignement la cour d’Autriche cet après-midi ?

Victor. — La cour d’Autriche ?!

Michou. — Pour boire le thé darjeeling, par exemple ?

Nelly. — Je pensais plutôt à des frites, pour changer.

Michou. — Je vais me renseigner.

Il sort.

Nelly. — Et toi, va t’habiller, nous recevons la cour d’Autriche !

Victor. — Très bien, très bien ! Quelle histoire !

On sonne.

Nelly. — Les voilà ! Catastrophe ! Et les frites qui ne sont pas prêtes !

Victor. — Je vais voir ce que c’est.

Nelly. — Dans cette tenue ?

Victor. — Bien sûr dans cette tenue, et allons bon ?

Nelly. — Marie-Antoinette, Victor ! Marie-Antoinette ! Tu vas te présenter en pyjama à l’arrière-petit-fils du grand-neveu de la reine Marie-Antoinette ?

Victor. — Je dirai que c’est la dernière mode.

Il sort, déterminé.

Nelly. — Les Habsbourg… des frites… Ah ! quelle nouvelle fantastique ! La grand-tante du général qui est le petit-oncle de l’arrière-petite-pute de Marie-Thérèse, quelle chance, mais quelle chance pour nous !

Victor entre, suivi de cinq personnes en tenue traditionnelle régionale : Linda, Guy, Monique, Sylvie et Jacques qui n’a qu’un bras.

Victor. — Tranquillise-toi ! Si c’est ça les Habsbourg, alors je peux garder le pyjama !

Linda. — Bonjour, nous sommes le Chœur Français du France et nous chantons des gloires.

Silence.

Nelly. — Quelles gloires ?

Linda. — Des gloires nationales du France, ce grand pays.

Nelly. — Pourquoi me parle-t-elle du France quand nous recevons l’Autriche ?

Michou revient.

Michou. — Je viens prévenir madame que tout est complètement OK pour ses frites.

Nelly. — Michou, qui sont ces gens ?

Michou analyse le petit chœur.

Michou. — Je dirais qu’il s’agit là du Chœur Français du France, il chante des gloires.

Victor. — Mes alors, ces gloires, y en a-t-il eu tant que ça en France ?

Linda. — Très peu, c’est pourquoi nous les chantons aux frais du contribuable.

Guy. — C’est le ministère qui nous envoie.

Monique. — Pour remonter le moral français.

Victor. — J’aimerais bien voir ça !

Nelly. — Ce sera long ?

Linda. — Le temps se compte-t-il lorsqu’il s’agit de se faire plaisir ?

Nelly. — Parce que nous recevons le beau-fils de l’arrière-petite-grand-mère de l’impératrice Marie-Thérèse et que…

Le chœur chante. Il chante fort.

La chanson du Chœur Français du France

Ah le France le France le France

Ses gants blancs...

Il vous reste 90% de ce texte à découvrir.


Achetez un pass à partir de 5€ pour accédez à tous nos textes en ligne, en intégralité.



Retour en haut
Retour haut de page