“Les sens de la Vie, enfin les réponses !”

L’HOMME, se lance dans une féroce introspection, afin de trouver en lui-même les réponses à ses grandes questions existentielles. Il décide d’oublier tout ce qu’on lui a appris, de repartir de zéro, et de voir s’il peut refaire par lui-même tout le chemin qui l’a conduit à être celui qu’il est.
Pièce jouée au Festival d’Avignon en 2012 dans une version très light, mais avec des voix off extrêmement brillantes : Jean-Claude Dreyfus faisait la voix de la Raison, Victoria Abril celle du Coeur, et Romain Bouteille celle du Corps. L’Homme était joué par l’auteur dans une formule seul en scène.
Voici la version intégrale de ce texte.

Liste des personnages (15)

L'HommeHomme • Enfant/Adolescent/Jeune adulte/Adulte
Le pèreHomme • Adulte
Le ScientifiqueIndifferent/Homme • Adulte
Le PhilosopheHomme/Indifferent • Adulte
Le ReligieuxHomme • Adulte
La VoixHomme • Adulte/Senior
Le CorpsHomme • Adulte
Le GénéralHomme • Adulte
Le Président de la RépubliqueHomme • Adulte
Le Taulard 1Homme • Adulte/Senior
Le Taulard 2Homme • Jeune adulte/Adulte
La Copine 1Femme • Jeune adulte
La Copine 2Femme • Jeune adulte
Le CoeurFemme • Adulte
DieuHomme • Senior

Voix off :

Un matin, entre deux cuisses,

tu gueules, beau comme une écrevisse.

Passager d'un corps pas choisi,

tu t'retrouves lourdé dans la vie.

La vie, on t'met vite au parfum,

c'est l'genre Monopoly vicieux,

où personne sait la régl' du jeu,

...excepté qu'on perd à la fin.

ACTE I

Acte I scène 1

Le père, Le fils.

Voix off

:

LES PARENTS.

Le fils

:

Dis, papa, pourquoi c'est faire, qu'on est là ???

Le père

:

On ne dit pas « pourquoi c'est faire » !

(Silence.)

Le fils

:

C'est pourquoi t'est-ce, qu'on est là ?

Le père

:

« Pourquoi t'est-ce », c'est pas français non plus ! ... On dit : « Pour quelle raison, EST-CE QUE » ... Là ! ... j'ai répondu à ta question, j'espère !

(Silence.)

Le fils

:

... Pour quelle raison EST-CE QUE c'est faire, qu'on est là ?

Le père

:

Pour faire des courses, pour que maman prépare à manger.

Le fils

:

NAAAAAN !!! … POURQUOI QU'ON EST LÀ, I C I  ? ? ?

Le père

:

(Mais qu'est-ce qu'y raconte, ce gosse ?) JE COMPRENDS RIEN À CE QUE TU ME DEMANDES !!!

Le fils

:

Pourquoi on est sur la terre ?

Le père

:

Hou laaa ! ... C'est beaucoup trop compliqué pour toi, cette question... Tiens-toi tranquille !!!

(Silence.)

Personne n'en sait rien, en gros...

(Silence.)

Le fils

:

Alors comme ça, tu travailles, tu te lèves le matin, tu rentres le soir, tu sais pas pourquoi ?

Le père

:

MAIS BIEN SUR QUE SI, JE SAIS POURQUOI !!! ... C'EST... C'EST POUR TON BONHEUR, PETIT MERDEUX !!!

(Silence.)

Le fils

:

Si tu m'avais pas eu, tu travaillerais pas, alors ?

Le père

:

(Il est con ce môme !) ... JOUE EN SILENCE AVEC TA GAME-BOY, ET ARRÊTE DE POSER DES QUESTIONS SANS QUEUE NI TÊTE TOUTE LA JOURNÉE, TU VEUX ?

Voix off

:

Les parents n'ont AUCUNE réponse. Ils en ont même moins que leurs parents, qui avaient la foi. Mais tout le monde fait comme si tout était clair. C'est ÇA, le vrai miracle de la Vie, chez les hommes...

Acte I scène 2

L’Homme, Le Savant.

Voix off

:

LES SCIENTIFIQUES !

Le Savant

:

Grâce aux supers-accélérateurs de particules construits ces dernières années, on a fait des bonds de GÉANT dans la connaissance de la matière et de ses origines !!! ... Savez-vous que le boson++, qu'on croyait être le niveau ultime de la matière universelle, est en réalité fait de milliards de leptons ZZ ??? ... C'est fabuleux !!! ... C'est une avancée qui était encore inimaginable, il y a de cela à peine 15 billiards de nano-secondes !!!

L'Homme

:

Parfait. D'où venons-nous ?

Le Savant

:

Hou laaaa !!! Mais ça, ça nous intéresse plus du tout, ça. Terminé ! C'est plus dans les objectifs ! ... Pourquoi ne pas nous demander si Dieu existe, aussi, pendant que vous y êtes ?

L'Homme

:

Ben... effectivement...

Le Savant

:

Non-non-non. C'est du ressort des philosophes, ça, voilà ! Rien à voir avec nous ! ... Il y a erreur. Ce n'est pas ici qu'il faut vous adresser... Du tout du tout.

L'Homme

:

A quoi servent vos recherches, alors ?

Le Savant

:

... Songez UN INSTANT, à la fortune COLOSSALE, que les industriels qui nous financent pourraient faire, avec un laser au lepton ZZ !!! C'est un enjeu FABULEUX !!! C'est pour ça, qu'on travaille d'arrache-pied là-dessus, d'ailleurs ! ... Moi, au départ, je voulais suivre une autre piste, qui me passionnait : le proton - -. Mais on n'a pas le choix, nous, vous savez. On ne recherche plus que ce qui peut déboucher sur du RENTABLE. PAS les réponses aux grandes questions. Tout ça est devenu BEAUCOUP TROP CHER : sans l'argent des industriels, on ne peut rien faire ! ... Ce sont eux qui payent, donc ce sont eux qui décident... Et les industriels, dieu, ILS S'EN TAPENT ! ! !

Voix off

:

Les savants sont devenus des employés serviles.

Acte I scène 3

L’Homme, le Philosophe.

Voix off

:

LES PHILOSOPHES !

L'Homme

:

Vous êtes philosophe ?

Le Philosophe

:

Oui.

L'Homme

:

Que faisons-nous ici ?

Le Philosophe

:

Je vous écoute. Posez votre question.

L'Homme

:

Que faisons-nous sur terre ?

Le Philosophe

:

Je suis bien d'accord avec vous.

... Alors, de quoi voulez-vous que je vous parle ?

L'Homme

:

DE CE QUE NOUS FAISONS SUR TERRE !!!

Le Philosophe

:

Je vois... Hum... Et bien... Kant, dans un remarquable ouvrage, disait...

L'Homme

:

Vous, vous êtes philosophe, comme Kant ?

Le Philosophe

:

Parfaitement.

L'Homme

:

Mais moi, c'est à VOUS, que je pose cette question !

Le Philosophe

:

Hou laaaaaa ! Mais vous n'avez rien compris à ce qu'est la Philosophie, vous. Rien de rien ! ... Être philosophe, c'est étudier les anciennes réponses des anciens philosophes, afin de démontrer qu'ils avaient tort. Ce qui prouve que l'on a fait bien des progrès depuis ! ... Par exemple, Husserl, dans son Traité des Passions...

L'Homme

:

Que faisons-nous sur terre, c'est ça que je veux savoir !

Le Philosophe

:

(soupir) ... Comme j'essaye de vous l'expliquer, de nos jours, un philosophe n'apporte plus de réponses à ces questions. C'est trop dangereux, de nos jours, les réponses. Voyez Marx, et ce qui a été fait de son communisme ! ... Beaucoup trop dangereux !!!

(Silence.)

Bon. EXCEPTIONNELLEMENT, je veux bien vous répondre. Mais il ne faudra dire à PERSONNE que ce que je vais vous expliquer vient de moi, d'accord ?

L'Homme

:

D'accord !

Le Philosophe

:

(soupir) ... Alors allons-y :  « Que faisons-nous sur terre ? » ... Poser cette question, c'est poser la question de DIEU. S'il existe, tout est clair. Il faut lui obéir, point. Il n'y a plus qu'à choisir le bon, mais en gros, ils se ressemblent tous assez, de nos jours. Le VRAI problème, est que Dieu peut tout aussi bien être une création de l'homme. Un placebo génial, pour se rassurer et s'expliquer commodément tout ce qu'on ne comprend pas... A l'époque où on ne savait pas ce qui provoque les éclairs, on concluait que Dieu était en colère. Maintenant, Dieu a dû reculer. Il ne fait plus les éclairs... Pourtant, le Divin fait toujours de la résistance dans le maquis de nos incertitudes ! Les légions bien ordonnées de la Science ont beau essayer de déboiser, et de tracer des autoroutes de savoir, plus elles avancent, plus le chemin est lent, et difficile ! ... En un sens, plus elles avancent, moins elles avancent ! Du temps de Léonard de Vinci ou Archimède, elles fonçaient ! Chaque trouvaille RÉVOLUTIONNAIT notre vision du monde ! ... De nos jours, les chercheurs font du sur-place au prix d'efforts immenses. Il n'y a donc peut-être pas de Dieu. La vérité serait alors ... TRISTE. Juste le vide... Voilà... Vous avez compris ?

L'Homme

:

Euh... non.

Le Philosophe

:

AAAAAH !!! VOILÀ QUI ME FAIT GRAND PLAISIR !!! JE RESTE UN VRAI PHILOSOPHE, ALORS ! C'EST UN SIGNE QUI NE TROMPE PAS, ÇA ! Merci, mon ami, merci !!!

Voix off

:

Les philosophes ne trouvent plus RIEN. D'ailleurs, ils ne cherchent plus.

Acte I scène 4

L’Homme, le Religieux.

Voix off

:

LES RELIGIEUX.

L'Homme

:

Mon père, que faisons-nous ici ?

Le prêtre

:

MON FILS !!! TU NE POUVAIS PAS MIEUX TOMBER !!! J‘ A I TES RÉPONSES !!!

L'Homme

:

C'est vrai ?

Le prêtre

:

Ouiiii !!! TOUTES tes réponses !!! (Et quand j'ai plus d'argument, je dis : « Que la volonté de Dieu soit faite ».)

L'Homme

:

Alors, que faisons-nous ici ?

Le prêtre

:

MON CHER FILS ! AGNEAU DE DIEU !!! Écoute la belle parole des évangiles : ... 

L'Homme

:

Que faisons-nous ici ?

Le prêtre

:

PATIENCE !!! … JE T'EXPLIQUE, LÀ !!! … ÉCOUTE !!!

L'Homme

:

Non, j'en ai assez des longs discours ! Je veux une réponse courte.

Le prêtre

:

Bien... Tu es ici pour adorer ton Dieu, pour accepter ton sort quel qu'il soit, pour faire face aux épreuves avec COURAGE, et pour mener une vie LABORIEUSE, afin d'EXPIER la faute originelle !!! … En contrepartie, tu pourras éventuellement gagner une place au Paradis.

(Silence.)

L'Homme

:

Ah bon ?

Le prêtre

:

Èééééééh oui.

L'Homme

:

... La “faute originelle” d'Adam et Ève ???

Le prêtre

:

Parfaitement.

L'Homme

:

Le coup de la pomme, là ?

Le prêtre

:

Mon enfant... la pomme n'est qu'un symbole. Le péché de l'homme, est d'avoir touché au fruit défendu de l'arbre de la Connaissance !!!

L'Homme

:

... Ha ? … Et en quoi ça ennuie Dieu, qu'on ait inventé l'électricité ?

Le prêtre

:

Hu ! Hu ! (Est-il naïf !) ... C'est un peu compliqué pour toi, mon fils. Prie et ne pose pas trop de questions, veux-tu ?

(Silence.)

L'Homme

:

Dites, mon père, est-ce qu'on doit pardonner aux Allemands ? ... Pour les crimes de la dernière guerre, je veux dire...

Le prêtre

:

Hem !!! ... (Drôle de question !) ... Euh ... Il est certain, que quelques... maladresses, ont été commises par les Nazis... néanmoins... leur souci constant de l'ORDRE, et de la RIGUEUR, ne peut les rendre entièrement antipathiques aux yeux de l’Église. Ceci dit, les coupables d'exactions doivent être châtiés avec la dernière sévérité, naturellement !!!

L'Homme

:

Non, je parle de leurs enfants ! ... Les Allemands de maintenant ! ... Ils sont toujours responsables, eux, de tout ce qui s'est passé ?

Le prêtre

:

BIEN SUR QUE NON !!! ... Les erreurs de leurs parents et grands-parents ne peuvent en RIEN être imputées à leurs descendance, voyons !!! Quelle drôle de question, mon fils !!!

L'Homme

:

... Alors, nous, on doit encore expier pour Adam et Ève, mais les fils des nazis, eux, ils ne doivent pas expier ?

Le prêtre

:

(Hum !) ... Mais il y a une GRANDE différence, entre la faute des nazis et celle d'Adam et Ève : les nazis ont offensé les Hommes, alors qu'Adam et Ève ont offensé DIEU !!! … C'EST BIEN PLUS GRAVE !!!

L'Homme

:

... Ah bon ? ... Les nazis ont pas offensé Dieu, alors ?

Le prêtre

:

BON !!! ÇA SUFFIT !!! CONVERSATIONS SPÉCIEUSES, DÉBATS OISEUX !!! JE CROYAIS QUE TU VOULAIS JUSTE CONNAÎTRE LE SENS DE LA VIE !!!

L'Homme

:

C'est vrai, je vous prie de me pardonner, mon père.

Le prêtre

:

Booooon... Voilà qui est mieux... Mon fils, je te demanderai de garder en ton cœur cette conversation. Tu es une brebis égarée, perdue dans la nuit, et qui cherche son chemin. Ne perds pas courage ! Je ferai une prière pour que le Saint-Esprit te montre la voie, et je suis sûr, que les questions qui te hantent, recevront un jour la réponse aveuglante quelles méritent ... VA TON CHEMIN EN PAIX, fils de Jésus-Christ, notre sauveur !!!

(L’homme s’éloigne.)

Le prêtre

:

OH !!! ... J'allais oublier le plus important !!! ... Juste un dernier conseil... Est-ce que tu m'écoutes B I E N  ?

L'Homme

:

Oui, mon père.

Le prêtre

:

Voici : méfie-toi, de tout ce qui est… A G R É A B L E  ! ! !

L'Homme

:

Ah ? ... Bon. D'accord.

(Il s’en va, puis se ravise.)

Au fait... Qu'est-ce qui me prouve que c'est VOUS qui avez la bonne réponse, mon père ?

Le prêtre

:

Pauvre ver de terre ignare et sceptique !!! ... Mais c'est la FOI qui fait que tu crois !!! Et tu as INTÉRÊT à l'avoir, sinon, GARE AU JUGEMENT DERNIER !!! IL Y AURA DES SURPRISES, C'EST MOI QUI TE LE DIS !!! DE VIEUX COMPTES VONT ENFIN S'Y RÉGLER !!! ... ET CERTAINS NE PAYENT RIEN POUR ATTENDRE !!! CROIS-EN MA PAROLE !!! LES BRASIERS INFERNAUX DE BELZÉBUTH GRILLERONT DANS D'ATROCES SOUFFRANCES, TOUS CEUX QUI AURONT DÉSOBÉI !!!! TOUS LES FORNICATEURS, LES SODOMITES, LES FEMMES INFIDÈLES, LES PRENEUSES DE PILULES, T O U S !!! ... TOUT CE BEAU MONDE RISSOLERA A PETIT FEU DANS LES ANTRES DES ENFERS POUR LES SIÈCLES DES SIÈCLES !!!

(L’Homme est terrifié.)

Je ne dis pas ça pour toi, évidement, mon cher petit. Tu as la vie devant toi, pour comprendre tout cela.

MAIIIIS ... NE TARDE PAS TROP !!!

Voix off

:

Les religieux n'ont plus que d'anciennes réponses, qui ne satisfont plus que... les religieux.

ACTE Il

Acte II scène 1

L’Homme.

L'Homme

:

(tournant en rond, agité) Bon !!! Alors !!! … On construit des routes, des bateaux, des avions, on décide qu'il n'y aura qu'une femme par homme, on manipule les gènes, on détourne des fleuves, on croise des races d'animaux, on donne un nom à tous les endroits de la terre, on décide qu'il faut être poli, qu'il faut bien travailler, qu'il faut faire attention aux autres, qu'il faut respecter la Loi, on va sur Mars, on invente des frontières, des impôts, on greffe des rates à des bébés, on casse les atomes…

ET TOUT ÇÀ ... SANS SAVOIR POURQUOI  ?????????

MAIS ON POURRAIT AUSSI BIEN TUER LES GENS QUI NE NOUS REVIENNENT PAS, REFUSER DE TRAVAILLER, HAÏR LA TERRE ENTIÈRE, VIOLER LES JEUNES FILLES, ARRACHER LES TÊTES DES CHIENS À LA WINCHESTER À POMPE, VIVRE NUS, PARTOUZER LES ENFANTS BLONDS, NE PLUS TONDRE SA PELOUSE, NE PLUS SE COUPER LES CHEVEUX, RÉDUIRE LES FAIBLES EN ESCLAVAGE, DÉCLARER LA GUERRE À TOUS LES ÉTRANGERS, FAIRE COULER DANS NOS VEINES CES SUBSTANCES QUI TRANSFORMENT LE SANG EN UN FEU DÉVORANT, HURLER, RÂLER, GROGNER, NE PLUS PARLER, NE PLUS LIRE, BRÛLER LES MUSÉES, RASER LES BIBLIOTHÈQUES, EXTERMINER LES GENS CALMES ET MESURÉS, CRUCIFIER TOUS CEUX QUI NE SONT PAS EXTRÉMISTES, TORTURER CEUX QUI REFUSENT DE FONCER DANS L'ABÎME, EN RIANT SAUVAGEMENT, COMME NOUS !!!

C'est peut-être ALORS, que nous serions les humains EXEMPLAIRES !!! Ceux qui restent DEBOUT, face à l'absurdité de la Vie et qui osent dire : S T O P !!! ... FINI, CE JEU DE COLIN MAILLARD !!! LE MODE D'EMPLOI DE CE SOUK, ET VITE, ... OU LE SUICIDE COLLECTIF !!!

Nous ne serions après tout que ceux qui se rebellent !!! … Ceux qui méprisent cette mascarade dont les seuls à tirer profit sont Ies cyniques, les assoiffés de pouvoir et de lucre, qui tirent dorénavant dans l'ombre, les ficelles du grand pantin abandonné !!!

ET QUI POURRAIT NOUS EN BLÂMER ??? ... MMMH  ??? ... Q U I  ? ? ? ... DIEU ??? ... CELUI QUI NOUS BALANCE LÀ SANS RIEN NOUS DIRE ???

QUI EST RESPONSABLE, QUAND UN PETIT ENFANT FAIT CACA PARTOUT, DANS UN APPARTEMENT NOIR ET VIDE, OÙ ON L'A ABANDONNÉ PENDANT TROIS JOURS ET TROIS NUITS, SANS AUCUNE EXPLICATION ???

QUI EST RESPONSABLE ??? ... Q U I , VIENDRA SOUTENIR QUE C'EST L'ENFANT !?!?!?!?!

Acte II scène 2

L’Homme.

L'Homme

:

(calmé) SEUL... Il faut que je me débrouille seul... J'arrive sur terre cinq mille ans après les premiers hommes, et ils ne savent toujours RIEN ! … Les premiers n'ont pensé qu'à survivre, les suivants qu’à se battre, leurs enfants qu’à cultiver, leurs descendants qu’à informatiser ! ... Les hommes ont avancé, mais... JUSTE POUR SE FACILITER LA VIE UN MAXIMUM !!! ... Pour diminuer les chagrins, pour passer sur cette terre un séjour plus... commode... Moins marcher... Moins souffrir... Mieux vieillir... N'avoir qu'un bouton à tourner, pour que de l'eau arrive toute seule ! ... Chaude... Froide... Un clic sur un petit bouton... et il y a de la lumière ! ... Un clic sur un autre... et une musique suave flotte dans l'air... Un clic sur un troisième...

...ET LES PLOMBS SAUUUUUTENT !!!! HA ! HA ! HA !

Parce qu'en plus, faut vous dire que nous, les Hommes, on est congénitalement INFOUTUS de faire un truc sans glisser une connerie dedans, hein !!! ... Des fois on met du temps avant de la faire, des fois on met du temps à la trouver, mais une chose est sûre : on la fait TOUJOURS !!! ... C'est pour ça que pour le nucléaire, moi je dis : patience... Ça va venir ! ... On a eu les amuse-gueules, le plat de résistance est en route !!! ... Et ce jour-là, ça va déblayer SÉVÈRE, moi je vous le dis... Pfff ! ... Des fois, je nous en trouverais presque... attendrissants, tiens ! ... Je dis bien : « presque » ... Parce qu'en plus d'être un sale gamin malfaisant, l'Homme fort est un LOUP, pour l'homme faible... « Pour l'or sur nos transistors, merci les Zoulous, dans les mines, d'en mettre un coup ! ... Pour le latex sur nos sexes, merci les Hottentotes, de cultiver le caoutchouc, vous êtes choutes ! ... Et pour le café dans notre petit noir, merci, les sans-espoirs, de vos dix heures journalières de cueillette, pour des clopinettes !!! C'est très biennnn ! Continuez !!! » ... (Pff ! ... sans commentaires !) ...

(Il s'assied par terre, les genoux contre la poitrine, les bras croisés autour de ses genoux.)

SEUL ... Il faut que je trouve ma voie, S E U L !!!!

(Long silence.)

ALORS ALLONS-Y !!!

(Il s'installe derrière une table, face au public.)

JE REPARS DE ZÉRO !!!

(Il balaye du bras tout ce qu'il y a dessus : une boîte de coca, un carton de pizza, un programme télé et un téléphone portable. Bruit fracassant.)

Ne reste que ... M O I.

(L'obscurité tombe.)

Le monde n'existe plus... Je noie dans le tréfonds de mon oubli le Bien, le Mal, le Juste, l'Injuste, le Beau, le Laid... A partir de MAINTENANT, je ne reconnais plus AUCUNE légitimité à AUCUNE règle !!! … Elles sont faites par des gens qui n'en savent pas plus que moi sur le sens de la Vie, mais qui me les offrent pour m'éviter de réfléchir, comme on offre un hameçon à un brochet !!!

(Il pose sur la table une minuscule bougie, qu'il allume.)

Je ne suis plus qu'une mémoire vierge, dans un petit corps fragile...

(Il se concentre.)

Voilààààà...

Même mon père et ma mère me sont dorénavant étrangers...

... Est-ce que les tuer c'est bien ? ... Est-ce que c'est mal ?

Je ne sais plus...

J'EFFACE T O U T ! ! ! ...

Et je vois où ça mène, nom de d'là ! ...

(Long silence.)

Acte II scène 3

L’Homme, La Voix.

L'Homme

:

(bas, à lui-même) Tiens... J'ai un peu froid, moi...

(Silence.)

La Voix

:

HA ! HA ! HA ! ... Voilà un bon début !!!

L'Homme

:

HEIN ??? ... Qui est là ???

La Voix

:

Bonjour. Je suis la voix qui est en toi.

L'Homme

:

« La voix qui est en moi » ???

La Voix

:

Ouiii... Quand tu penses, dans ta tête, tu discutes bien avec quelqu'un, si tu y réfléchis !

La Voix

:

Quand tu te dis « Est-ce que je vais faire ceci ? », ou « Que dois-je faire de cela ? », invariablement, une voix en toi répond : « Il va peut-être t'arriver ça, mon vieux », ou «Si tu fais ci, attention à ça »... Tu vois ce que je veux dire ?

L'Homme

:

Je... je crois...

La Voix

:

HA ! HA ! HA ! ... Et bien, c'est moi !!! ... Surprise, hein ?

(Silence.)

L'Homme

:

... Et qu'est-ce que vous disiez, tout-à-l'heure, quand j'ai trouvé qu'il faisait un peu froid ?

La Voix

:

J'ai dit : « HA ! HA ! HA ! ... Voilà un bon début ! ».

L'Homme

:

Comprends pas...

La Voix

:

Le jeu était bien de tout oublier, de repartir à zéro, et de voir ce qu'on trouvait ensuite, non ?

L'Homme

:

OUI, SAUF QUE C'ÉTAIT PAS UN JEU !!!

La Voix

:

(Heu... Pardon.) ... Et bien, RÉFLÉCHIS : une fois que tu as entièrement vidé ta tête, et que tu as attendu, QUI s'est manifesté ? ... QUI, t'a donné de ses nouvelles, en te faisant savoir que tout cela était bien joli, mais que lui, en attendant, il avait froid, mmmh ???

L'Homme

:

... Mon corps ?

La Voix

:

Hé oui !!! ... HA ! HA ! HA ! Ce sacré corps !!! ... On aimerait TELLEMENT l'oublier !!! ... Mais voilà : il toujours là !!! ... HA ! HA ! HA !

L'Homme

:

Et alors ?

La Voix

:

« Et alors » !?! ... Mais c'est peut-être ÇÀ, ton nouveau point de départ !!!

L'Homme

:

Ha bon ?

La Voix

:

Quand tu n'as plus de point de vue sur RIEN, ton corps, lui, a toujours le sien... Mets ta main dans de l'eau. Il te répondra IMMÉDIATEMENT, sans idéologie et sans réflexion : « C'est booon, elle est tièèèède », ou alors : « RETIRE-MOI DE LÀ, C'EST GLACIAL !!! » ... Et d'ailleurs, parfois, pour aller plus vite, ta main se sauve du guêpier où tu l'as mise, SANS TE DEMANDER TON AVIS !!! ... Ton Essence est prisonnière d'un organisme fait de chair et de sang, qui, LUI, SAIT PARFAITEMENT CE QU'IL VEUT !!! … Pendant que toi, à l'intérieur de ta petite tête, tu pleurniches QUE TU NE SAIS RIEN !!! Alors, ÉCOUTE-LE, discute avec lui, apprends tout ce qu'il sait de la vie, déjà, avant de vouloir voler de tes propres hémisphères !!! ... LUI a fait ses preuves : il a réussi à te hisser au sommet de l'échelle de la création, avec... R I E N ! ! ! … Juste une petite peau rose, sans griffe, ni croc, ni aile, ni fourrure, ni vue perçante, ni odorat, ni poison.

(Silence.)

L'Homme

:

Euh, je veux bien, mais...

La Voix

:

Pose-lui tes questions, et écoute ses réponses.

L'Homme

:

C'est quelque chose de possible ???

La Voix

:

Mais bien sûr !!! ... (Attends) ... HÔ, LE CORPS !!! … TU ES LÀ ??? ...

(Silence.)

HÔ, LE CORPS !!! … TU NOUS ENTENDS ???

(Silence... Puis un PET énorme et interminable retentit.)

Le Corps

:

Heu... Pardon, hein !!! (Hé ! Hé !) C'est p’t'être pas trop poli, mais nom de Dieu, c'que ça fait du bien !!! ... Çuilà, y m'remontait au fond d’la gorge depuis trop longtemps !!! ... AAAAH, me sens quand même plus léger ! … BON, QUOI ?!? Qu'est-ce qu'y a, encore ?

L'Homme

:

Hi ! hi ! hi ! ... Et c'est ÇÀ, qui connaît toutes les réponses ??? ... Mais il est...

La Voix

:

(soupir) … Un peu vulgaire, JE SAIS... Mais, ne le sous-estime pas trop : LUI SEUL CONNAÎT PEUT-ÊTRE LA VÉRITÉ !!! … A toi d'en tirer tout ce que tu peux. Moi je vous laisse… J'ai à faire.

(Bruit de pas qui s'éloignent.)

Acte II scene 4

L’Homme, Le Corps.

(Silence un peu embarrassé.)

L'Homme

:

Heu... Salut... En fait... on ne se connaît pas très bien, hein, si on y réfléchit.

Le Corps

:

Hé ! Hé ! ... Et non ! ... On se rencontre vraiment que pour les très bonnes choses... Ou les très mauvaises, Ha ! Ha ! Ha !

L'Homme

:

Oui... Pourtant, dans le fond, je t'aime bien, je crois...

Le Corps

:

Mmmh... Souvent tu m’trouves chiant, c'est l’cas de le dire ! Hô ! Hô ! Hô !

L'Homme

:

Ben c'est vrai que tu es spécial, quand même...

Le Corps

:

Me juge pas... J'ai un cahier des charges hyper lourd ! Tu me connais à peine. J'ai au fond de mes ADN, des séquences dont vous ne savez même pas à quoi elles servent ! ... Mon cerveau consomme beaucoup moins d'électricité qu'une petite ampoule électrique, mais il fait des choses que vos machines énormes ne font pas en une nuit, en consommant des milliers de watts. Tout ça a un prix, mon gars...

Bon. Pourquoi tu m'appelles ? j'ai des tas d’trucs à faire. En plus, je suis pas... un intellectuel torturé, moi,hein ? Je suis pas très doué pour le bla-bla, j’te préviens.

L'Homme

:

Je voulais juste te poser des questions... sur la Vie... avoir ton opinion, quoi...

Le Corps

:

Ah, la Vie... Bon, heuuu... Vas-y...

L'Homme

:

Vrai ??? Je peux ??? ... Tout ce qui me passera par la tête ?

Le Corps

:

Mais oui, mais oui. J’t'écoute...

Acte II scène 5

L’Homme, Le Corps.

L'Homme

:

Bon alors, attends. Je réfléchis...

(Silence.)

Partons du début : d'où est-ce qu'on vient ?

Le Corps

:

Ha ben, au début, on n’est qu'une toute petite cellule.

L'Homme

:

OUI. Mais d'où est-ce quelle vient ?

Le Corps

:

Ben, du père et d’la mère.

L'Homme

:

Je SAIS. Mais eux, d'où est-ce qu'ils viennent ?

Le Corps

:

Ben, de deux toutes petites cellules...

L'Homme

:

(!!!) … LA PREMIÈRE petite cellule, sur terre, d'où est-ce qu'elle est venue ?

Le Corps

:

Hô, ben, c'est des acides aminés qui se sont rencontrés, en gros.

L'Homme

:

(énervé) ... Et les PREMIERS acides aminés sur terre, ils sont arrivés d'où ?!?

Le Corps

:

Ben d’l'espace, tiens !

L'Homme

:

??? ... Ha bon ?

Le Corps

:

Bôh oui... C'est sûr qu'une météorite quelconque a dû les amener. Les comètes, c'est fait de neige sale... C'est parfait, pour ramasser tout c’qui traîne et l’transporter... Y en a une qui a dû tomber sur terre, un jour... Après, ça incube dans l’eau, lentement. Quelques millions d’années par là-dessus, un éclair ou deux pour fouetter le tout, et HOP ! ... Servez Adolf Hitler et Joseph Staline tout chauds, encore quelques millions d'années plus tard ! HA ! HA ! HA !

L'Homme

:

BON. Mais si les acides aminés viennent de l'espace, ça voudrait dire que la Vie vient d'ailleurs que sur terre, alors !!!

Le Corps

:

MAIS ON S'EN FOUUUUUT !!! LAISSE TOMBER !!! … Bien sûr, qu'y a de la vie ailleurs !!! ... La loi des statistiques, mon gars. Avec toute ces planètes par milliards, c'est ÉVIDENT que c’ qui s'est produit ici s'est aussi produit dans d'autres galaxies !!! ... Mais bon. On s'en tape, pour le moment, hein ? ... On peut pas y aller voir ! Laissons ce plaisir à nos arrière-petits-enfants, hé ! hé ! hé ! ... Espérons JUSTE que les Indiens, ce jour-là, ... ça sera pas NOUS, HA ! HA ! HA ! ... Quoi d'autre ?

L'Homme

:

Ben... Tout ça n'a pas l'air de te passionner...

Le Corps

:

MAIS ON S'EN TAAAPE, DU POURQUOI-DU-COMMENT-DU-QU'EST-CE !!! QUEL INTÉRÊT ??? Ce qui compte, bordel, c'est M O I, ICI, ET MAINTENANT !!! ... Fout la paix aux martiens !

L'Homme

:

Ha bon ? ... Les autres... tu t'en moques ?

Le Corps

:

M'en fous complètement.

L'Homme

:

La misère dans le monde, les grèves, la crise, les syndicats, les guerres, la vache folle ? ...

Le Corps

:

Arrête, on dirait les infos ! Hi ! Hi ! Hi !

L'Homme

:

Ben... oui...

Le Corps

:

AUCUN INTÉRÊT !!! ... N'aime que le sport, moi...

(Silence.)

Écoute... Tu veux VRAIMENT savoir ma façon de voir la vie ??? Parfait, j’vais t’la dire :

MOI, en temps que CORPS, tout ce qu'on m’demande de faire, c'est de VIVRE. Quand tu te démerdes pour aller dans le sens de la Vie, moi, en échange, je t'envoie du plaisir. Quand tu me fais faire des trucs qui vont dans l'autre sens, celui d’la Mort, je t'envoie de la douleur, pour te prévenir. Et tant que tu me couillonnes pas avec des faux trucs artificiels qui me donnent du faux plaisir, comme tes putains de clopes, par exemple, tout va bien ! Voilà. Sinon, je me FOUS des autres CORPS qui sillonnent l'espace autour de moi !

L'Homme

:

HEM ! ... Toujours-toujours ?

Le Corps

:

HA ! HA ! HA ! ... Bon ! ... Ouaiiis, d'accord... Ceux-là, les p’tits mignons avec un beau cul, ok, je m'en soucie... Mais juste parce qu'ils m'apportent des trucs sympas !!! ... Et une fois que j’ les ai eus, j’ les laisse tranquilles jusqu'à la fois suivante.

L'Homme

:

???

Le Corps

:

Hô, joue pas les petites choquées, hein ! ... Même Roméo et Juliette, après avoir copieusement fucké, y a toujours un moment où « leurs corps follement enlacés se séparent, avant de sombrer dans un sommeil sans rêve », comme y disent, dans le romans d’gare ! Moi, ma version, c'est : “Une p’tite visite d'amitié, et hop ! Chacun chez soi. » 

L'Homme

:

... Alors c'est ÇÀ, ta super-leçon de la Vie ? ... Ta philosophie profonde ? ... Ton grand Secret ? ... C'est...

Le Corps

:

l'Égoïsme, parfaitement. Je me FOUS d’la terre entière, tant qu’la terre entière ne s'occupe pas d’moi, et que j'ai pas besoin d'elle ! … Les p’tits africains qui meurent de faim, je les vois pas, j’ les connais pas, c'est des images. C'est comme s'ils vivaient dans un autre espace-temps ! Pour moi, ils sont sur une aut’ planète, entre le mégalithique et l’moyen âge ... Pleurer sur leur photo un moment c'est pas mauvais pour moi, ça dérouille un peu mes glandes lacrymales, ça humidifie mon cristallin, mais deux minutes par jour et basta !!! Ça me brouille la vision, et ça me déshydrate, après...

L'Homme

:

(horrifié) MAIS TU N'AS PAS DE CŒUR, TU ES UN MONSTRE !!! C'EST HORRIBLE !!!

Le Corps

:

HÔ ! HÔ ! ... ON SE CALME ! ... PRIMO, je suis TON corps, ne l'oublie pas. NOUS sommes donc un monstre, NOUS sommes donc horribles ! (Hé ! Hé !) ... DEUZIO, je croyais que tu venais d’te concentrer, pour bannir tout jugement de valeur !!! Tout cliché !!! … T'as déjà vu des documentaires sur la jungle ??? ... T'as déjà vu les tigres, égorger les si belles gazelles si mignonnes ? ... Mmmh ??? Ils font comme moi, les tigres ! ... Et les gazelles aussi, avec les si jolies fleurs qu'elles broutent, d'ailleurs...

L'Homme

:

Heu... c'est quand même pas pareil...

Le Corps

:

MAIS SI C'EST PAREIL !!! ... Haaaa, alors là tu m’déçois ! Si VRAIMENT t'as TOUT mis de côté et TOUT oublié, je suis désolé : une fleur, un éléphant, une araignée, un homme, ça doit être kif-kif !!! … Pas d’préjugé d'aucune sorte, on a dit ! 

L'Homme

:

... Admettons... Alors, pour toi, la Vie, c'est la loi de la jungle, le chacun pour soi, l'égoïsme, la loi du plus fort, c'est ça ?

Le Corps

:

Ben... Oui... Moi, je fonctionne comme ça, petit, désolé. J’suis l’capitaine d'un paquebot, j'ai assez de boulot ! Les autres paquebots, tant qu'ils ne risquent pas de m’couper en deux, c'est pas mon problème.

L'Homme

:

Alors c'est comme ça qu'il faudrait que je fasse ? C'est comme ça que je devrais vivre ?

Le Corps

:

Ben... À mon point de vue... Oui... Bon j’ te laisse : j'ai une petite hypothermie à m’occuper, plus un état dépressif embryonnaire qui s’pointe ! J'ai mon système immunitaire à surveiller, du coup. Ces salopards de virus vont encore essayer d'en profiter, ça va être la baston des grands soirs, je l’sens !!! … Mais qu'y z'y viennent !!! ... Avec mon escadron, on tape parfois un ch'tit peu en dessous de la ceinture, mais on est pas les derniers à distribuer, HA ! HA ! HA ! ... ON LES AURA, CES SALES CORPS ÉTRANGERS !!! … Ces parasites qui viennent bouffer dans nos cellules, et piquer nos réserves d'énergie !!! … Mes globules bien blancs, sont prêts à sacrifier leur VIE, pour préserver la pureté de notre SANG !!! LES ÉTRANGERS, DEHORS !!! … Allez, salut, fiston, à la r’voyure, Ha ! Ha ! Ha !

L'Homme

:

...

(Bruit de pas qui s'éloignent).

Acte II scène 6

L’Homme, La Voix, Le Corps.

L'Homme

:

La Voix !!!

(Silence.)

L'Homme

:

HO ! ... LA VOIX !!! ... TU ES LÀ ???

(Silence.)

L'Homme

:

LA VOIIIIIIIX !!!

La Voix

:

OUI, VOILÀ ! VOILÀ ! ... Excuse-moi, je préparais ta nuit ! Je classais les cassettes vidéo des rêves qui te seront projetés ... J'espère que ma sélection te plaira. Que puis-je pour toi ?

L'Homme

:

Ça y est, j'ai parlé avec mon corps !

La Voix

:

Bien. Satisfait ?

L'Homme

:

Euh... Sais pas... Faut que je réfléchisse...

La Voix

:

Je comprends.

L'Homme

:

Bon alors... Pas de pitié ? ... Mort aux faibles ? ... Le plus fort c'est le chef, et les autres sont ses esclaves tant qu'ils sont pas assez forts pour le tuer ?

La Voix

:

(doucement) Tu sais, c'est quand même une vision assez proche de la réalité...

L'Homme

:

Ça me déprime !

La Voix

:

Et pourquoi donc ?

L'Homme

:

PARCE QUE MOI... JE ME SENS PAS LE PLUS FORT ! ... JE VAIS ME FAIRE B O U F F E R  !!!

La Voix

:

Mais TOUT LE MONDE est faible !!! ... Il y a ceux qui ne le savent pas, ceux qui le savent et font comme s’ils ne le savaient pas, et ceux qui l'admettent. C'est tout. Tout homme mérite de la compassion et de l'indulgence, parce que tout homme est perdu dans un monde inconnu et fait ce qu'il peut pour survivre dans le noir, EXACTEMENT comme nous le faisons tous les deux ! Nous sommes TOUS désarmés, devant ce qui nous arrive ! Tous aussi à plaindre ! ... Ceux qui se mentent à eux-mêmes, comme ceux qui ont la trouille ! ... Le Grand Mystère nous a engendré, et nous restons des enfants, face à lui... Nous passons nos vies à nous disputer, pour des voitures ou des poupées, au lieu de lui donner une image d'êtres responsables, qui s’entraident, et le regardent dans le fond des yeux, sans ciller, en un reproche muet de ce qu'il nous fait endurer !

Le Corps

:

WAOUH !!! ... J'ai rien bité, mais je sens qu'c'est beau !

La Voix

:

Malheureusement, la VRAIE solidarité humaine a disparu depuis que l'homme pense que sa race n'est plus en danger... « Camarades, la terre est conquise ! Rompez les rangs, chacun chez soi, c'est la perm' ! » ... Espérons que l'ennemi n'est pas là, tapi quelque part, (au fond de nous, peut-être), attendant que nous soyons profondément endormis pour nous surprendre, c'est tout, ha ! ha ! ha ! 

(Silence.)

Le Corps

:

PUTAIN, TU M’FOUS LES CHOCOTTES, DIS DONC !!! ... ET NOUS, LES ANIMAUX, ALORS ???

La Voix

:

(rêveuse) Les animaux ? ... Les animaux... Eux, je me suis toujours demandé s'ils ne la SAVAIENT pas, la Vérité... C'est peut-être pour ça, qu'on leur a retiré la parole... Pour ne pas qu'ils puissent nous la dire... Si tu les observes, tu verras qu'ils ont tous l'air étrangement sereins, au fond... Bien sûr, ils ont peur, ils souffrent, mais... avec une telle RÉSIGNATION devant leur destin !!! … On croit souvent que c'est parce qu'ils sont trop bêtes pour se poser des questions, mais est-ce la bonne réponse ? ... Peut-être simplement, qu'ils SAVENT, eux... Penses-y, la prochaine fois que tu regarderas un chat, tu verras.

(Silence.)

L'Homme

:

Tout-à-l'heure, tu as dis qu’on devrait s’entraider...

La Voix

:

Et bien ?

L'Homme

:

Faudrait savoir ! Le corps me dit que dans la vie, faut ne penser qu'au présent, et qu'à soi, et toi, tu dis que les Hommes devraient se serrer les coudes : ça ne va pas !

La Voix

:

Attends ! Je t'ai dit de lui demander son point de vue, pas de le suivre en tout, ce gros lourdingue !!!

Le Corps

:

HÔÔÔÔÔÔÔ !!!!!!!! ... ON SE CALME, LÀ-HAUT, HEIN ? ... ET TOI L'INTELLO, TU T'ÉCRASES MOLLEMENT, COMPRIS ? ... SANS MA PHILOSOPHIE, TU VAUDRAIS PAS CHER, C'EST MOI QUI T’ LE DIS !!!

La Voix

:

MAIS OUIIIII ! MAIS OUIIIIII ! ON LE SAURA QUE TU ES INDISPENSABLE ! ON LE SAURA, QUE TU DOIS ABSOLUMENT MANGER DES TRUCS ÉQUILIBRÉS ET DORMIR HUIT HEURES ! ON LE SAURA, QU'IL FAUT TE FAIRE FAIRE DU SPORT, TE SORTIR UNE DEMIE-HEURE TOUS LES JOURS, ET TE DONNER TA PÂTÉE RÉGULIÈREMENT !!!

Le Corps

:

HÉ ! HÔ ! J'AI UN CAHIER DES CHARGES HYPER LOURD, MOI ! VOUS ME CONNAISSEZ PAS ! J'AI AU FOND DE MES ADN, DES SÉQUENCES DONT VOUS N’SAVEZ MÊME PAS À QUOI ELLES SERVENT ! MON CERVEAU CONSOMME BEAUCOUP MOINS D'ÉLECTRICITÉ QU'UNE PETITE AMPOULE ÉLECTRIQUE, MAIS IL FAIT DES CHOSES QUE VOS MACHINES ÉNORMES...

La Voix

:

... “NE FONT PAS EN UNE NUIT EN CONSOMMANT DES MILLIERS DE WATTS” !!! ... ON SAIT !!! ON CONNAÎT TA CHANSON !!! … VA PLUTÔT T'OCCUPER DE NOS INTESTINS ET DE NOTRE DIGESTION, AU LIEU DE TE MÊLER À DES CONVERSATIONS QUI TE DÉPASSENT !!!

Le Corps

:

ET VOILA !!! C'EST ENCORE PAREIL!!! JE COMPTE POUR RIEN, MOI, NIB !!! ON ME MÉPRISE, ON M’HUMILIE !!! MAIS VOUS S’ REZ BIEN AVANCÉS, QUAND JE TOMBERAI EN PANNE GRAVE ! ! !

La Voix

:

ÇA VAAA, ÇA VAAAA ! Calme-toi un peu.

Le Corps

:

ET LE PUCEAU, LÀ, C'EST QUAND QU'IL DRAGUE LA GUEUSE, UN PEU, AU LIEU DE S’PRENDRE LA TÊTE ENTRE LES MAINS ?!? ... ÇA M’FERAIT UN BIEN FOU, SI ON DÉGORGEAIT, UN PEU, LÀ !!! ÇA M'AIDERAIT !!! … SERAIT UN PEU BIEN TEMPS QU'IL S'Y METTE !!! … VOILÀ, À QUOI TU DEVRAIS L'AIDER, TOI, GROS MALIN !!!

La Voix

:

MAIS QU'EST-CE QUE TU VEUX QU'IL DRAGUE, DANS SON ÉTAT !?! … POUR UNE FOIS QU'IL SE POSE DE VRAIES QUESTIONS, TOI, IL FAUT QUE TU ARRIVES, AVEC TA QUÉQUETTE DANS LA MAIN !!! … OBSÉDÉ !!! … PRIMATE !!!

Le Corps

:

HÔ ! HÔ ! ... ON SE CALME !!! JE SUIS V O T R E CORPS, NE L'OUBLIEZ PAS !!! … N O U S SOMMES DONC UN OBSÉDÉ, N OU S SOMMES DONC UN PRIMATE !!!

La Voix

:

BON ! CA SUFFIT ! COUCHÉ, LE CORPS !!!

Le Corps

:

ET PUIS D'ABORD...

La Voix

:

C O U C H É , J'AI DIT ! ! !

Le Corps

:

(s'éloignant) OUAIIIS !!! ÇA VA ! ÇA VA ! … Mais venez pas pleurer le jour où j’tombe malade, moi, hein ? ... vous l'aurez bien cherché !

ACTE III

Acte III scène 1

L’Homme, La Voix, Le Corps.

(Silence.)

L'Homme

:

Heu... Ça n'a pas l'air de carburer fort, entre vous...

La Voix

:

Pff !!! ... Ça fait trop d'années que je suis marié avec cet abruti... Parfois je ne le supporte plus. Je ne sais plus où j'ai lu les paroles d'un dépressif notoire, qui disait très sérieusement : « Respirer m'ennuie. » ... Et bien parfois, je me dis qu'il n'a pas tort.

(Silence.)

L'Homme

:

Mais toi, la Voix, comment tu la vois, la Vie ?

La Voix

:

(soupirant) ... Dans le fond, cet idiot n'a pas tort. Mais L’Égoïsme, pour être efficace, doit être pratiqué avec quelque chose qu'il ne connaît même pas : L'INTELLIGENCE !!!

Le Corps

:

HÔ ! … JE SUIS TOUJOURS LÀ, HEIN !!!

La Voix

:

ET BIEN ÉCOUTE ET PRENDS-EN DE LA GRAINE, UN PEU !!! CA TE FERA DU BIEN !!!

Le Corps

:

Ok, ok... Hô la-laaaa !

La Voix

:

Alors attends... je dois avoir, dans une caisse, tout un tas de vieilles cassettes de tes rêves, que je collectionne depuis des années, (une manie à moi). On y trouve bien des réponses, mais tu n'y fais pas attention. Où sont-elles, déjà ? ... Ah oui ! Les voilà... Tout y est ? ... On dirait que oui... Alors attends... Donne-moi une seconde, pour faire un premier tri... Mmmh... Voilà ! ... Tu peux y aller, pur esprit dégagé de toutes contingences, pose-moi toutes les questions que tu veux, on va voir ce que j'arrive à exhumer de ces chefs-d'oeuvres oubliés, Ha ! Ha ! Ha !

L'Homme

:

Bon. Voilà : j'arrive sur terre, je ne connais rien de ce qu'il faut faire ou pas faire, et je veux que ça se passe bien pour moi. Comment dois-je me comporter ? Le Corps me dit de ne m'occuper de personne, de tailler ma route et c'est tout... Qu'en penses-tu ?

La Voix

:

Voyonnns... Pour être heureux, tu as surtout besoin d'une chose : TROUVER LA PAIX INTÉRIEURE !!! … Impossible de réfléchir tranquillement, si on est cerné par des gens qui râlent, qui souffrent, qui se plaignent... Tu comprends ?

L'Homme

:

heu... Oui, je crois...

La Voix

:

Bien. Donc, si tu es intelligent, et même si tu n'as STRICTEMENT RIEN A FAIRE des autres et de leurs problèmes, tu DOIS t'y intéresser. Ceux qui ont du cœur le font spontanément, mais les autres doivent comprendre qu'ils est de leur intérêt de le faire également.

L'Homme

:

Ah bon ?

La Voix

:

Pas convaincu, hein ? Parfait. Regarde ce qui va suivre. Je te choisis comme exemple, dans ce rêve, deux cyniques de la pire espèce. Mais l'un est intelligent, et l'autre pas. Vois la différence de leur réponse, face à un même problème.

(Il charge une cassette et met en marche le magnétoscope.)

Acte III scène 2

Le Général, le Président.

Le Général

:

MONSIEUR LE PRÉSIDENT DE LA RE-PUBLIQUE, C'EST LA GUERRE ENTRE LE CONGO HOLLANDAIS ET LE MWALAMWALAJARIVE !!! ILS SE METTENT SUR LA GUEULE VACHEMENT SÉVÈREMENT !!!

Le Président

:

Mmmh... Quelle est votre suggestion, Général ?

Le Général

:

ON NE FAIT RIEN, MONSIEUR LE PRÉSIDENT !!! … IL N'Y A QUE DES COUPS A PRENDRE, ON EST FAUCHÉS, ET PAR CHANCE, CES PRIMITIFS N'ONT RIEN QUI NOUS INTÉRESSE : PAS DE PÉTROLE, PAS D'OR, PAS DE DIAMANT, RIEN DE RIEN !

Le Président

:

je vous remercie pour votre avis, Général.

(Il réfléchit quelques instants.)

Eh bien moi, je vous donne deux jours, pour me présenter un plan d'intervention et arrêter ce bordel au moindre coût !

Le Général

:

'Mande pardon, Monsieur le président ?

Le Président

:

À court terme, VOUS avez raison. Ne faisons RIEN. Ces nègres s'extermineront très bien sans nous.

Le Général

:

C'est exactement ce que je me suis dit, Monsieur le Président !

Le Président

:

Je vous en félicite. Mais à long terme, laissez-moi vous expliquer deux ou trois choses, mon brave : un, les télés vont se jeter là-dessus. Images d'horreur tous les soirs à 20 heures, égal sentiment d'égoïsme et de culpabilité, dans nos masses populaires !

Le Général

:

Pfff ! ... Qu'est-ce qu'ils sont primaires !

Le Président

:

On ne peut pas tout avoir ! On les a décervelés. Alors ils réagissent de manière... affective.

Le Général

:

Nos ministres de I'Education Nationale ont pourtant fait du beau boulot, ces dernières décennies, Monsieur le Président !

Le Président

:

Oui. Grâce à eux et à nos médias, le peuple qui a fait trembler l'Europe et guillotiné Louis XVI, croit tout ce qu'on lui dit, et ne proteste que mollement pendant qu'on le tond... Mais il y a une contrepartie : il est devenu PEUREUX !!! Toutes ces images l'impressionnent et lui mettent la larme à l’œil ! … Et quand le peuple est inquiet, il ne consomme plus !!! Et quand il ne consomme plus, les affaires périclitent !!! Est-ce que vous me suivez ???

Le Général

:

Empêchons les médias et ces sales cons d'organismes humanitaires d'aller là-bas, qu'ils ne puissent rien leur raconter, monsieur le Président !

Le Président

:

C'est ce à quoi on s'applique. Mais ces crétins de journalistes sont durs à tenir ! ... L'audimat les fait saliver ! … Et de TOUTE FAÇON, deuxième point crucial : on n'a pas intérêt à trop laisser tous ces nègres croupir dans leur fange et leur misère.

Le Général

:

Quel mal y a-t-il à cela, Monsieur le Président ?

Le Président

:

Apprenez, mon ami, que nous sommes à l'heure du village planétaire !!! C'est dans ces marigots surpeuplés que sont nés tous les virus qui nous coûtent ensuite un maximum de fric, pour préserver notre propre cheptel !!! Combien de têtes avons-nous failli perdre, chez nos jeunes, à cause de ce foutu Sida, puis du Covid, hein ? ? ? ?

Le Général

:

Moins que ce qu'on va sacrifier pour nos essais en grandeur réelle des légumes génétiquement modifiés, Monsieur le Président !

Le Président

:

C'est vrai. Mais ce n'est pas une raison. Notre population se reproduit de plus en plus mal. Les femelles deviennent feignantes. Bientôt, elles ne mettront plus bas qu'une fois dans leur vie. Il nous faut être économe. Chaque tête compte, dorénavant, pour les gens qui m'ont mis au pouvoir, vous me suivez ?

Le Général

:

Oui, Monsieur le Président... Alors on fonce, Monsieur le Président ?

Le Président

:

On fonce. Ça va nous coûter un rnax, ça ne m'amuse pas plus que vous, mais on y va. On va la jouer grands Zorros humanitaires, tout ça, ça plaira aux bêtes ! Rompez.

Le Général

:

A vos ordres, Monsieur le...

(Il commence à s'en aller, puis se ravise.)

Monsieur le...

Le Président

:

Quoi encore ?

Le Général

:

Rien... Je voulais juste vous dire... combien je vous admire, pour la clarté de vos idées... Il fallait y penser, au coup du virus, là...

Le Président

:

C'est pour CELA que je suis Président, et vous seulement Général, Général. Ce sera tout, cette fois ?

Le Général

:

OU... OUI, MON PRÉSIDENT !!!

Acte III scène 3

L’Homme, La Voix, Le Corps.

(La Voix arrête la lecture.)

La Voix

:

As-tu compris la démonstration ?

L'Homme

:

...

La Voix

:

LE PRÉSIDENT, C'EST TOI, LE MWALAMWALAJARIVE, C'EST TA FEMME, ET LE CONGO HOLLANDAIS, CE SONT TES VOISINS !!! ... Si tu penses pouvoir les ignorer et ne t'occuper que de toi, tu commets une LOURDE erreur !!! Leurs problèmes vont I-NE-LU-CTA-BLE-MENT finir par te perturber !!! L'Égoïsme intelligent, c'est de garder un œil sur tout ce beau monde, pour préserver SA PAIX !!!

L'Homme

:

... Qu'en penses-tu, Le Corps ?

Le Corps

:

Ouais... C'est p't'être pas faux...

La Voix

:

Heureux de vous avoir convaincu. Question suivante ?

L'Homme

:

Attends ! ... Tu veux dire que pour être heureux, mon intérêt égoïste serait d'être quelqu'un de serviable, qui se préoccupe du bien-être de son entourage, qui console les tristes, qui encourage les faibles, ce genre de choses ? ... Et tout çà par... par une sorte de... politique de prévention ?

La Voix

:

Exactement ! Tu as infiniment plus de chances de trouver le bonheur en t'engageant dans cette voie-là, qu'en étant égoïste, je te le garantis ! Et plus nombreux seront ceux qui pratiqueront cette stratégie, plus nombreuses, et plus grosses, seront les catastrophes évitées ! … Sans compter que tu trouveras peut-être, en bonus, la joie de découvrir... qu'aider les autres, peut être un plaisir. Mais, ça n'est pas obligé.

L'Homme

:

(soupir) ... Pourtant, on dirait que la caractéristique des gens épanouis, riches et puissants, sur cette planète, c'est JUSTEMENT qu'eux MÉPRISENT les autres !!! ... Qu'ils se moquent complètement des lois et des obligations morales !!! ... C'est même à se demander, parfois, si ce n'est pas GRÂCE à ce mépris, qu'ils réussissent si bien !!!

La Voix

:

Haaaa... Intéressant... Cela nous mène donc à une deuxième question : « Pour réussir vraiment sa vie, doit-on jouer le jeu de cette société ? » … N’est-ce pas ?

L'Homme

:

Oui.

La Voix

:

Hé ! hé ! ... Voilà ce qu'il nous faut... Cette cassette date d'il y a trois ans ! ... J'avais trouvé, à ce rêve, un climat, une atmosphère, quelque chose de prenant... Et c'était EXACTEMENT le sujet qui nous intéresse ! ... Du moins si ma mémoire est bonne... Voyons cela.

(Il charge une autre cassette et remet en marche le lecteur.)

Acte III scène 4

Le Taulard 1, le Taulard 2.

Le Taulard 1

:

...

Le Taulard 2

:

...

(Long silence.)

Le Taulard 1

:

T'es là pour quoi, toi ?

Le Taulard 2

:

JE SUIS INNOCENT !!!

Le Taulard 1

:

Bien sûr, que t'es innocent ! ... Tellement innocent qu'on t'as mis ici pour t’protéger de tous les coupables qui sont dehors et qui t’menacent, hein ? … Ha ! Ha ! Ha !

Le Taulard 2

:

ÇA NE ME FAIT PAS RIRE ! J'AI RENDU UN SERVICE À DES GENS HAUT-PLACÉS, ET ILS SE FONT PRIER POUR ME FAIRE SORTIR D'ICI !!!

Le Taulard 1

:

Ha ! Ha ! Ha ! C'est donc vrai que t’es innocent ! ... Tu croyais quoi ? Qu'ils allaient arracher la grille de ta cellule avec un tracteur, une nuit, pour t’faire évader ? T'as vu trop de westerns, toi, dans ta jeunesse.

Le Taulard 2

:

Très drôle.

Le Taulard 1

:

Depuis combien de temps, t'es là ?

Le Taulard 2

:

DÉJÀ TROIS MOIS !!!

Le Taulard 1

:

Trois mois... Pfff... Ça fait HUIT ANS que j’suis invité aux frais du patron, moi, ici. Alors tu m'excuses, hein ? ... Mes kleenex, je m' les garde pour une autre occase !!! ... T'es en préventive ?

Le Taulard 2

:

OUI !!! Je n'ai MÊME PAS été jugé !!!

Le Taulard 1

:

Et c'est pour des gros, que t'as trimballé cette valoche de biftons ?

Le Taulard 2

:

...

Le Taulard 1

:

Des TRÈS gros ?!?

Le Taulard 2

:

...

Le Taulard 1

:

PUTAIN !!! ... SI GROS QU’ÇÀ ???

Le Taulard 2

:

Oui. Je peux rien dire, mais y'a pas plus gros.

Le Taulard 1

:

Ben alors t'en fais donc pas...

Le Taulard 2

:

Comment ça ?

Le Taulard 1

:

Ils attendent juste le bon moment pour que ça se voye pas, mais c'est comme si t'étais déjà dehors, mon pote ! J'en ai vu, moi, depuis que j’suis ici, des p'tits gars bien propres sur eux dans ton genre ! Z'ont jamais fait long feu chez nous aut', pour sûr...

Le Taulard 2

:

Comment ça ?

Le Taulard 1

:

T'es jugé quand ?

Le Taulard 2

:

Dans un mois maximum, d'après mon avocat !

Le Taulard 1

:

Alors tu sortiras dans un mois maximum, c'est tout vu.

Le Taulard 2

:

Je ne vous comprends pas !

Le Taulard 1

:

ÉCOUTE, MON MIGNON, LE MEILLEUR MOYEN DE FAIRE SORTIR UN MEC DE TÔLE, QUAND ON EST SUPER DORÉ SUR TRANCHE, C'EST PAS LES EXPLOSIFS, C'EST PAS LES TUNNELS, C'EST PAS LES HÉLICOPTÈRES, C'EST LA JUSTICE !!! … Le mec qui t’couvre va faire une p'tite pipe au juge qui t'attend, il va lui filer un pourliche, une décoration, est-ce que j’sais, moi... Et comme par hasard, on va découvrir un vice de forme dans ton dossier, dis donc !!! ... C'est aussi simple que ça.

Le Taulard 2

:

Ha bon ?

Le Taulard 1

:

J’suis prêt à parier encore dix ans de plus.

Le Taulard 2

:

Ça me soulage, ce que vous me dites... Je n'y avais pas pensé...

(Long silence.)

Le Taulard 1

:

Et moi ?

Le Taulard 2

:

Pardon ?

Le Taulard 1

:

Et moi, tu m’demandes pas pourquoi j’suis ici ?

Le Taulard 2

:

... Euh... Je ne voudrais pas vous...

Le Taulard 1

:

Fausse monnaie.

Le Taulard 2

:

Fausse monnaie ?

Le Taulard 1

:

OUAIS, LA MONNAIE !!! … LE TRUC QUE LES MECS QUI SONT PAS COMME TOI SONT OBLIGÉS DE SORTIR, POUR RAQUER LEUR QUINTÉ PLUS, LEUR FRANCE-SOIR, LEUR BALLON D’ROUGE ET LEUR BIFTECK !!! … LE TRUC DONT T'AVAIS BESOIN, AVANT D'AVOIR TA PUTAIN D'AMERICAN EXPRESS TOUJOURS APPROVISIONNÉE A RAS BORD PAR TON PARRAIN PLEIN AUX AS !!! TU TE RAPPELLES ???

Le Taulard 2

:

Heu... Oui, oui...

(Silence.)

Le Taulard 2

:

Et, heu... comment ça se passe, dans la fausse monnaie ?

Le Taulard 1

:

Bien ! Très bien ! ... Les avantages sociaux diminuent, l'avancement est lent, mais bon an mal an, y a pas à se plaindre ! ... Et comme tu peux voir, on a des maisons d’retraite assez sympa, en fin de carrière... Le rêve, quoi...

Le Taulard 2

:

...

Le Taulard 1

:

TOI, t'as trouvé la combine... Moi, tu vois, j'ai bien eu le temps d’réfléchir, ici... J'ai été très con.

Le Taulard 2

:

Oui, mais peut-être que dans votre enfance, ...

Le Taulard 1

:

TA GUEULE !!! ... Tu vois, moi, j’trouvais ça NUL, de bosser huit heures par jour pour une misère, dans des usines où les mecs te disent rnême à quelle heure tu dois aller pisser. Disons même si tu veux qu' j'étais feignant ! … Alors je m’suis embarqué dans la fausse, pour avoir tu sais quoi ? ... De l'argent FACILE ! De l'argent sans avoir à bosser... Tu m’suis ?

Le taulard 2

:

Heu ... Oui, oui.

Le Taulard 1

:

Et finalement, moi, le feignant, le paresseux, j'ai été passer des nuits entières à faire des essais de typographie, j'ai passé des semaines à trouver le bon papier, des mois et des mois, à recopier dixième de millimètre par dixième de millimètre le...

Il vous reste 90% de ce texte à découvrir.


Connectez vous pour lire la fin de ce texte gratuitement.



Retour en haut
Retour haut de page