On Liquide !

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Les affaires de Paul vont mal : sa société a été mise en liquidation. Pour se sortir de cette mauvaise passe, il a eu l’idée d’inviter à une soirée bridge les Duplantier, une famille fortunée et vieille France. Il sait qu’Edgar, le fils Duplantier, brillant polytechnicien coincé au possible, est épris de sa fille Colline, charmante et nature, et il compte bien en tirer parti !
Paul pense avoir tout prévu… Sauf que le même jour débarquent Leeloo, une nymphomane avec qui il a eu une brève liaison, Bernard, austère liquidateur judiciaire et Mattéi, un homme de main venu récupérer la dette de jeu qu’a contractée Denise, l’épouse ô combien distraite de Paul.
Si ce n’était que cela : ce serait oublier Micheline, la bonne un brin sans-gêne et qui se mêle de tout !
On liquide ! est un vaudeville pétillant, sans temps mort, avec des personnages hauts en couleur et aux répliques qui font mouche, où les jeux de mots sont omniprésents et où les portes s’ouvrent et se ferment à un rythme endiablé, avec une mécanique imparable.
Bref, une comédie dans la plus pure tradition.

ACTE 1

 

 

SCENE 1

MICHELINE

 

Micheline est allongée sur le canapé, un polar en main. Elle porte un tablier.

MICHELINE (lisant) – Paulo avait un air cynique, un visage sombre et patibulaire, avec une large balafre sur le front, souvenir indélébile d’une lutte fratricide au couteau dans les bas-fonds ou sur les docks. (Interrompant sa lecture.) Ouais, pas le genre de type à fréquenter… Quoique c’est mieux que rien… Et rien, je connais… (Micheline s’avance sur le devant de la scène et s’adresse à un homme du public.) Vous aussi je parie ?... En vous voyant, avouez que je ne prends pas de gros risques… On pourrait peut-être s’entendre… Je ne suis pas difficile… Vous non plus ?... Charmant !... Bon, c’est pas tout ça, mais j’en connais un qui m’attend, avec un long manche et des poils…

Micheline gagne la cuisine.

SCENE 2

PAUL puis MICHELINE

 

Paul descend l’escalier, en bras de chemise. Il sort son portable et compose un numéro.

PAUL (assez bas, comme s’il craignait qu’on l’entende) – Allô ?… C’est Paul Seguin… Vous allez bien ?… Oui, effectivement, ça pourrait être pire… Tant mieux pour vous !… Non non, il ne s’est pas encore pointé… Si ça se trouve, il ne viendra pas… Ouais, faut pas trop y compter… Les  liquidateurs, c’est comme les croque-morts, on se passe de leur visite…

Micheline est de retour, un balai en main. Paul, qui ne l’a pas vue, poursuit sa conversation téléphonique.

PAUL – Oui, j’ai compris : la seule possibilité pour arrêter la procédure, c’est de trouver l’argent… Oui, je sais, ça ne se trouve pas sous le sabot d’un cheval… (Avec un rictus.) Mais d’un âne, c’est possible… Oui, j’ai ma petite idée… Je vous tiendrai au courant… Si tout se déroule comme je l’ai prévu, je devrais conclure ce soir

MICHELINE (soufflant) – Ca, c’est que je me dis tous les jours depuis quarante ans : Micheline, faut conclure… Mais j’ai même pas l’introduction… Façon de parler hein...

PAUL (qui a raccroché) – Vous étiez là ?

MICHELINE (tragédienne) – Là et lasse, hélas !

PAUL – Toujours vos problèmes de dos ?

MICHELINE – Eh oui ! Le pire, c’est quand je suis allongée

PAUL (sentencieux) – Pour vivre heureux, ne vivons pas couchés !

MICHELINE – Comme vous dites. Et vous, toujours vos ennuis financiers à ce que j’ai compris

PAUL (faussement choqué) – Dites-donc ! Ca ne vous dérange pas d’écouter aux portes

MICHELINE (naturelle) – Pas plus que ça. Et puis, je n’écoutais pas, j’ai entendu, vous saisissez la nuance ?

PAUL – Vaguement… Très vaguement… De toutes façons, je ne vois pas en quoi ça vous regarde

MICHELINE – Un peu quand même… Je vous rappelle que je n’ai pas touché ma paie du mois dernier

PAUL (faussement étonné) – Ah ?...

MICHELINE – Bon, j’ai peut-être tort, mais je ne m’inquiète pas trop : une fois de plus, vous allez vous en sortir, n’est-ce pas ?

PAUL (sceptique) – Ouais… Mon expert-comptable est nettement moins optimiste

MICHELINE – C’est dans leurs gênes. C’était lui au téléphone ?

PAUL – On ne peut rien vous cacher

MICHELINE – Difficilement

PAUL – Lui, il est pénard : il est en vacances sur Maurice

MICHELINE – Moi, ce serait plutôt les vacances pépères chez Maurice

PAUL – C’est cela, oui

MICHELINE – Maurice, mon cousin qui habite à Tourcoing

PAUL – Tout un programme

MICHELINE – Je ne vous en ai jamais causé ?

PAUL – Vous dites tellement de choses que...

MICHELINE – C’est celui qui a épousé ma cousine Suzanne… Oh, c’est pas un cadeau… Ma cousine comme Maurice d’ailleurs

PAUL (amusé) – Ils se sont bien trouvés alors

MICHELINE – Ouais… Faut dire qu’ils ont cherché longtemps… Ils en ont écumé des foires aux célibataires, les deux bestiaux !… Au début, c’était tout beau… Et je te compte fleurette, et je te caresse le visage

PAUL – Et aujourd’hui ?

MICHELINE – Elle a deux fois plus de taf, vu qu’il a pris un double menton

PAUL – C’est plaisant

MICHELINE – Entre nous, je me demande comment ils font pour rester encore ensemble. C’est bien simple : Suzanne, c’est comme une invention française, c’est Maurice qui l’a trouvée et ce sont les autres qui en profitent !

PAUL – Bah dites donc !

MICHELINE – Ce doit être le boulot qui les lie, je ne vois que ça

PAUL – Ils bossent ensemble ?

MICHELINE – Non. Elle travaille dans l’administration et lui ne fait rien non plus

PAUL – C’est parlant

MICHELINE – Je ne sais d’ailleurs pas comment elle fait : elle termine son travail à cinq heures et elle est chez elle à quatre !

PAUL (toujours amusé) – Un véritable exploit

MICHELINE – Comme il dit, Maurice, pour être heureux dans la vie, il faut une bonne santé et un bon travail. Il est en pleine forme et sa femme a un bon boulot

PAUL – Vous n’avez pas suivi la même voie que votre cousine

MICHELINE – D’un côté, c’est pas plus mal… Vous verriez la belle-mère de Suzanne ! Comme on dit, le mariage, c’est pas la mer à boire, c’est la belle-mère à avaler

PAUL – C’est imagé

MICHELINE – Bon… Faut reconnaître que j’ai pas trouvé de mari… Pourtant, tous les soirs, je regarde sous mon lit pour voir s’il y a un homme… Rien ! Nada ! Nothing ! Nib de nib !

PAUL – Là, je crois que vous avez fait le tour

MICHELINE – Ah ?

PAUL – Vous devriez acheter un lit XXL, ça augmenterait vos chances

MICHELINE – Faudrait que j’essaie… (Après un temps.) Et il vous manque ?

PAUL – Mon expert-comptable ? Pour les maigres conseils qu’il me donne et ce qu’il me coûte, il peut rester sur son île

MICHELINE (rectifiant) – Je voulais dire : il vous manque beaucoup d’argent ?

PAUL – Ah ! Pardon, je n’y étais pas

MICHELINE – J’avais remarqué, mais faut suivre, voyons, faut suivre… Alors ?

PAUL – 200 000 euros

MICHELINE – Ah ?... Quand même… On est dans la mouise, Louise !

PAUL (théâtral) – Un rien, une bricole, que dis-je, une paille !

MICHELINE – Pour moi, c’est plutôt une paie… Naturellement, votre femme n’est pas au courant

PAUL – Naturellement… Mais j’ai bon espoir de trouver cette somme

MICHELINE – Si vous le dites

PAUL – Et pas plus tard qu’aujourd’hui

MICHELINE – Si vous le croyez

PAUL – Seulement, pour y arriver, il va falloir mettre les petits plats dans les grands

MICHELINE – J’aurais plutôt tendance à mettre les pieds dans le plat

PAUL – Vous n’avez pas oublié que nous avons des invités ?

MICHELINE (rectifiant)Vous avez des invités ; moi, je n’ai rien demandé

PAUL – Si vous voulez

MICHELINE – Oh, moi, je ne veux rien… (Rectifiant.) Si ! Deux choses : ce que vous me devez et un casse-croûte, enfin vous voyez de quoi je parle

PAUL – Pour la première, ça doit pouvoir se faire… Pour la deuxième…

MICHELINE – Merci pour vos encouragements… Si je me rappelle bien, vos invités, ce sont les...

PAUL (embrayant) – Les Duplantier

MICHELINE – Voilà

PAUL – Le père et le fis

MICHELINE – Il ne manque que le Saint-Esprit

PAUL – J’allais ajouter la mère, mais ce n’est pas avec elle qu’on va trouver l’esprit

MICHELINE – Le fils s’appelle Edgar : c’est ça ?

PAUL – Quelle mémoire !

MICHELINE – Un prénom pareil, ça ne s’oublie pas

PAUL (avec exagération) – Edgar est un jeune homme plein de qualités

MICHELINE – Et plein aux as je parie

PAUL – Euh… Oui, aussi… C’est vrai que sa famille peut sans souci jeter l’argent par les fenêtres

MICHELINE – Si encore ils sont au rez-de-chaussée

PAUL – C’est simple : ils ne savent pas quoi faire de leur argent

MICHELINE – Ils n’ont qu’à m’en donner, et à vous aussi par la même occasion

PAUL – Je compte bien là-dessus

MICHELINE (fine mouche) – Je le subodorais…

PAUL (reniflant) – A propos, vous ne trouvez pas qu’il y a une drôle d’odeur ?

MICHELINE – Ah ?... (Réfléchissant.) C’est sûrement mon nouveau parfum… On m’a dit qu’avec, les hommes allaient courir après moi comme des mouches… Finalement, je me demande si ce ne sont pas les mouches qui vont courir après moi comme des hommes

PAUL – Vous exagérez !

MICHELINE – Ouais… Tout ça ne vaut pas une bonne bouteille de sent-bon ou d’eau de Cologne

PAUL – Pour revenir à nos invités, aucun faux pas n’est permis

MICHELINE (rigolant) – Ouais, je suis au parfum… Heureusement, non assistante ne devrait plus tarder

PAUL – Votre ?

MICHELINE – Celle qui va me prêter main forte pour le service

PAUL (réalisant) – Ah oui ! Je l’avais oubliée celle-là

MICHELINE – Moi pas… Avec mes problèmes de coiffe, je compte vraiment sur elle pour m’épauler

PAUL – Ce n’est plus le dos qui vous fait tant souffrir ?

MICHELINE (un brin gênée) – Euh… Si. (A la Audiard.) Mais ça monte, ça se propage, ça se diffuse, ça irradie !

PAUL – Quand j’y pense, mon épouse aurait très bien pu vous aider

MICHELINE – N’y pensez pas

PAUL (amusé) – Vous avez raison : ce n’était pas raisonnable

MICHELINE – Remarquez, elle qui rêve que vous l’emmeniez dans un lieu dépaysant, elle aurait pu comme ça découvrir la cuisine

PAUL – Il y a du vrai

MICHELINE – J’espère vraiment que la personne qui va m’aider sera débrouillarde

PAUL – Ceci dit, avec une gourde ou une cruche, on ne manquerait pas d’eau

MICHELINE – Pas faux

PAUL – Et vous avez prévu quoi pour le dîner ?

MICHELINE – Devinez

PAUL – Comme d’habitude : votre succulente blanquette

MICHELINE – La blanquette de Monsieur Seguin, ça s’impose, non ?… Pour l’entrée, ce sera une salade de poireaux et noix et pour le dessert, une crème renversée

PAUL – Je ne doute pas du résultat… Micheline, j’ai toujours été admirateur de vos talents culinaires

MICHELINE – Mais j’en ai d’autres !

PAUL – Oh, certainement

MICHELINE – Bien cachés diront certains, n’est-ce pas ?

PAUL – Je… En tous les cas, vous savez comme nulle autre faire du bon avec du peu

MICHELINE – On fait avec ce qu’on a… Finalement, j’aurais dû travailler aux pompes funèbres

PAUL – Pourquoi ?

MICHELINE – J’ai l’art d’accommoder les restes !

Paul gagne le bureau et Micheline la cuisine ; elle a laissé son polar sur le canapé.

 

SCENE 3

DENISE, LEELOO puis PAUL

 

Denise descend l’escalier. On sonne. Denise finit par aller ouvrir.

DENISE – Il faut vraiment tout faire dans cette maison !

Une jeune femme blonde est sur le pas de la porte. Plutôt court-vêtue, elle a en main un casque de scooter (qu’elle finira par poser sur un meuble).

DENISE – Bonjour

LEELOO (très nature) – Bonjour… Je suis bien chez les Seguin ?… Remarquez oui : c’est écrit sur la boîte aux lettres… Je suis bête des fois

DENISE (un brin moqueuse) – Si ce n’est que passager

LEELOO – Je me présente

DENISE – Si vous voulez

LEELOO – Je suis Leeloo. (Epelant.) l e e l o o

DENISE – Heureuse de l’apprendre

LEELOO – J’aime bien mon prénom. Pas vous ?

DENISE (coupant court) – Oui… Bon : venons-en au fait

LEELOO (enjouée) – Moi, j’adore quand viennent les fêtes, Noël surtout, pour les cadeaux qu’on m’offre… L’an dernier, Max m’a acheté un magnifique caraco en soie

DENISE – J’en suis persuadée mais…

LEELOO (réfléchissant) – Non, c’était Armand… Ou Bruno… A force, j’arrive à tous les confondre

DENISE – Si vous me disiez plutôt ce que vous venez faire ici

LEELOO – Je suis envoyée par l’agence pour aider au service

DENISE – Ah oui ! J’y suis !

LEELOO – Ce qui compte, c’est d’y rester, pas vrai ?… Sauf sur le carreau bien sûr

DENISE – Hum… Vous avez de solides références je suppose ?

LEELOO – Oui oui, mais vous savez, je n’aime pas trop mettre ma personne en avant

DENISE (regardant le décolleté très prononcé de Leeloo) – La personne, peut-être pas… On ne vous demande pas non plus d’avoir travaillé chez Savoy

LEELOO – Les Alpes, j’avoue que je ne connais pas trop, mais rassurez-vous : j’ai déjà servi

DENISE (avec un rictus) – J’en ai l’impression… Quoi qu’il en soit, il va falloir assurer

LEELOO – Mais j’assure, je vous rassure

DENISE – Je vous le souhaite. Nous attendons, surtout mon mari, des invités importants

LEELOO – Importants, c’est mieux qu’importuns,...

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